Partons de l’hypothèse technocratique et purement mathématique que la suppression d’une collectivité territoriale en France va redonner une position plus aisée au budget de l’État. C’est facile ! Cette annonce faite pour que Bruxelles croit vraiment dans un plan d’économies à moyen ou à long terme présenté par la France mérite une approche beaucoup moins théorique. En effet il faut partir d’un exemple concret pour pouvoir mesurer les vrais effets de cette mesure aisée à annoncer dans un discours mais beaucoup plus difficile à expliquer que par la mise à mort du « mille feuilles » actuel créé, rappelons le, par la loi Chevènement sur l’intercommunalité dite de « simplification territoriale »
Désormais l’idée qu’il y a trop d’élus, trop de structures collectives, trop de dépenses réputées inutiles est irrémédiablement ancrée dans l’opinion dominante. Il ne faut donc pas espérer revenir d’une manière ou d’une autre sur ce qui sera présenté comme la grande idée innovante des « modernes » face aux « passéistes » cherchant à préserver leurs « avantages ». La bataille est perdue dans l’immédiat mais à terme…on en reparlera ! La faute en incombe aux conseils généraux qui ont peu à peu sombré sous l’avalanche des lois les transformant en « guichet social ». Ils n’ont plus de lisibilité politique car ils sont seulement considérés comme des distributeurs de soutiens individuels et collectifs sur les territoires urbains et ruraux sans pouvoir réellement mener une action flamboyante perceptible par les électrices et les électeurs. La rançon du travail social obscur ! Le compte administratif 2013 du Conseil général de la Gironde illustre ainsi l’impact qu’aurait sa distribution sur les autres échelons de collectivités si on maintient le niveau des prestations sociales qu’il assure chaque jour. Première question : va-t-on supprimer l’aide à l’enfance ?
L’allocation pour l’Autonomie ? Le RSA ? La présentation de compensation du Handicap ? La pris en charge des enfants placés (3 000 en Gironde). Le logement social ? Peu important face aux économies théoriques. Inimaginable que tout soit annihilé la Gauche mais il est vrai très possible pour une majorité ultra libérale à l’anglo saxonne ! A-t-on l’assurance, au-delà d’une envolée oratoire, que la disparition des conseils généraux ne conduira pas dans les faits à une révision de la solidarité nationale au nom des économies de gestion ? Je n’en suis pas certain. Le FN et l’UMP en rêvent. Il appartient donc au gouvernement de donner des garanties à celles et ceux qui ne votent déjà plus pour lui et qui ont toutes les raisons de voir à travers cette annonce une mise en cause des soutiens actuels souvent insuffisants?
Si on maintient l’ensemble des prestations il faut alors vite définir quel échelon poursuivra ce suivi social et effectuer les transferts ? Les nouvelles régions ? Les métropoles ? Les intercommunalités très inégalitaires en ressources ? Les communes à fusionner, regrouper ? Qui va assumer le déficit actuel de l’ensemble de ces prestations versées en Gironde à plus de 100 000 personnes de tous les âges disséminées sur l’ensemble d’un territoire jugé déjà trop vaste par certains ?
En 2013 l’ensemble des aides répondant strictement à la compétence « sociale » du CG représentait 744 millions d’euros soit 60 % du budget de fonctionnement et ce, hors personnel (environ 1 000 personnes pour 70 millions de masse salariale) pour les mettre en œuvre ! Pour la seule ville de Bordeaux le montant de ces aides avoisinait en 2103 la bagatelle de 125 millions d’euros. Certes c’est peu vis à vis de certains projets mais… il ne faut surtout pas oublier que la compensation de l’État sur cette dépense contrainte n’est actuellement que de 48 millions… et que le reste est pris sur les ressources locales du conseil général !
Le RSA représentait sur la Gironde 181 millions d’euros en Gironde en 2013… Qui prend ? La CAF ? La région ? Les intercommunalités ? Les communes ? L’État ? Peu importe il faudra trouver plus de dizaines de millions de compensation qui manquent actuellement ! Les Allocations individuelles de solidarité (des bébés aux personnes en fin de vie) représentent actuellement 386 millions d’euros. Sur la base des ressources fiscales directes (foncier bâti) plus de 150 points de fiscalité (foncier bâti part départementale)! Seule la solidarité globale équilibrée permet de faire face (difficilement) à ces dépenses et je suis très circonspect sur les échelons qui vont les accepter en cette période de disette des ressources et de condamnation de la pression fiscale.
La disparition promise du Conseil départemental c’est aussi le transfert sur les autres collectivités de la dépense du service Départemental d’Incendie et de secours financé à quasiment 50 % par le seul conseil général avec 86,5 millions d’euros que devront payer…les autres collectivités et tant d’autres dépenses peu flamboyantes mais méprisées par les tenants de sa disparition ! Attribuons d’abord toutes ces injonctions des gouvernements successifs et ensuite regardons honnêtement qu’en Gironde la vraie part sur laquelle des économies sont à faire porte sur 5 à 7 % d’un budget de 1,5 milliard. Il faudra surtout avec les compétences répartir les personnels (on va déjà voir ce que va coûter à la future métropole l’intégration obligatoire des personnes les centres routiers départementaux situés sur son territoire).
Bref supprimer les conseils généraux c’est faire simplement un nouveau transfert vers un autre échelon ou supprimer les compétences exercées (83 millions de subventions en 2013 qui vont manquer…). Quand Sarkozy a volatilisé la taxe professionnelle par un effet d’annonce facile il a promis des « économies » et de la « croissance » . en fait il a accru les dépenses de compensation de l’Etat et il n’avait pas annoncé la suite : une usine à gaz fiscale qui revient beaucoup plus cher ! Le problème ce n’est pas de fermer les « usines » conseils généraux mais de savoir qui va faire le boulot à leur place sauf si l’arrière-pensée est de supprimer les « produits » devenus obsolètes !
Je crains fort que les penseurs de Bercy (car la réforme est imposée par Bruxelles et et Bercy!) se contentent de tailler dans les services au public des conseils généraux. Et si on avait réparti clairement, simplement et efficacement les compétences on n’en arriverait pas à cette situation ubuesque. Un grenelle des territoires s’impose !
Je suis d’autant plus à l’aise pour en parler que je ne serai probablement pas candidat au conseil départemental mort né !
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