Dans quelques jours toutes les entreprises vont effectuer la clôture comptable de leur année et ensuite effectuer un inventaire des stocks. Même si c’est long, fastidieux et un tantinet inquiétant, il faut admettre que ces deux opérations reposent sur des éléments concrets et irréfutables. Certes pour les « bilans » de toutes sortes on sait que des artifices techniques permettent toujours de les rendre positifs ou négatifs selon la volonté des gens qui les commandent en revanche l’inventaire est lui plus rigoureux . Dans la vie publique ce sont des exercices beaucoup plus exigeants car les critères sont subjectifs, de fond et pas seulement de forme. Et il arrive même que la notion même de « droit d’inventaire » soit sujette à critiques véhémentes en raison de son caractère iconoclaste. Demandez ce qu’il en a coûté à Lionel Jospin d’avoir inventé au PS cette louable pratique.
En février 1995, investi par les militants socialistes comme candidat à la future élection présidentielle après le retrait surprise du favori , Jacques Delors l’ancien premier secrétaire du PS lance sa campagne en proposant un « droit d’inventaire » des deux septennats de François Mitterrand qui viennent de s’écouler. Si l’expression comme le principe font grimacer dans l’appareil socialiste, notamment parmi les proches de l’ancien chef de l’Etat (Gilbert Mitterrand en voudra beaucoup à Jospin pour avoir simplement utilisé cette expression), ils font mouche auprès de l’’électorat de gauche. Au point que le candidat Jospin arrive en tête du premier tour de la présidentielle de 1995. Malgré sa défaite au second tour face à Jacques Chirac, il s’impose comme le leader incontesté des socialistes. Par contre s’il avait su réaliser l’inventaire des années Mitterrand pour s’’imposer et permettre au PS de redevenir crédible dans l’’opinion, devenu premier ministre, il sera en revanche incapable, ainsi que son parti, d’’en faire autant après le « coup de tonnerre » du 21 avril 2002 et de son élimination dès le premier tour de la présidentielle. Privilégiant la thèse de « l’accident » électoral, le PS, retombé dans l’opposition avec à sa tête, François Hollande, refusera de tirer réellement le bilan de cet échec… ce sera probablement encore le cas en cette fin d’année intégrale de présidence socialiste. Personne n’osera se référer à un « droit d’inventaire » à propos de la politique gouvernementale. On préférera proposer des perspectives rassurantes que d’examiner les causes réelles des « échecs » (un mot banni en fin d’année) constatés. Il faudra donc attendre les 23 et 30 mars 2014 pour que les comptes soient arrêtés et que l’on se répande en reproches voilés ou en sous-entendus ravageurs. Pour moi le droit d’inventaire ne peut être oublié !
En fait le principal échec de 2013, malgré une série de réformes constructives, se situe dans le domaine de la « communication » pour un gouvernement multipliant les avancées et les reculades, justifiant dans la même semaine des positions avancées et des retraits tactiques. Faute d’une organisation serrée et maîtrisée on a assisté à une avalanche d’effets d’annonce sans aucune préparation méthodique de la manière dont elles seraient transmises à la population. Les « réformes » proposées n’ont jamais réellement été assumées par les Ministres voulant ménager la chèvre et le chou et tentant de mécontenter le moins de monde possible pour maintenir leur cote de popularité. Or c’est quasiment impossible de rester populaire dans un contexte de crise tant les positions « corporatistes » se figent au nom des « avantages acquis » principe français et on débouche sur des conjonctions d’oppositions hétéroclites ingérables car dépassant les clivages politiques traditionnels.
Faute de cap clairement assumé le Président s’est donc enlisé dans un bourbier des réformes sociétales alors que l’opinion attendait des mesures individuellement profitables. La France est devenu depuis le passage à l’euro un pays de « consommateurs politiques » qui achètent lors des présidentielles un « produit » susceptible de leur rapporter ! Or en 2013 Hollande est apparu comme ayant fait de la « publicité mensongère » en 2012 car ses « acheteurs » s’attendaient à un « miracle » et se retrouvent face à une « perte de leurs illusions ». Tout a commencé lors des fameuses « primaires » où ils n’ont pas choisi celle ou celui qui pouvait être porteur d’une nouvelle « politique » mais celui qui paraissait le plus capable de « battre » Sarkozy ! Le vote n’était pas « idéologique » mais « utilitaire » ! En 2013 le Président a payé l’addition car son « utilité » n’est pas avérée !
Cette approche « discount » de la vie sociale permet de mieux comprendre les raisons du désamour entre Hollande et une grande part des consommateurs. Le peuple veut désormais un Président offrant « le produit le meilleur au prix le moins cher » comme il a pris l’habitude de le faire dans son quotidien. Les hausses de taxes et d’impôts inexorables, déconnectées de la notion d’effort collectif et ne reposant pas sur une base morale indiscutable sont devenues en 2013 des facteurs de rejet de la politique gouvernementale. Privé, après des années de déchéance des valeurs républicaines voulue par le libéralisme réputé « concret », « efficace », « compétent », alors qu’il n’est conçu que pour entretenir une clientèle », le pays a sombré dans un refus confus de toute confiance dans le « politique ». Or croire que l’UMP en profitera c’est se fourrer le doigt dans l’œil droit jusqu’au coude !
2013 restera donc globalement l’affaiblissement dévastateur du message politique. D’abord car il aura été illisible. Ensuite parce que Cahuzac et bien d’autres à droite l’ont discrédité. Enfin parce que désormais l’opinion dominante ne retient qu’une seule chose : « j’ai fait l’effort de vous donner mon vote et donc je veux, en retour, un bénéfice ». S’il n’est pas là, je vais voir vers une tête de gondole plus attirante et qui promet des ristournes plus avantageuses ! On le constatera en 2014 !
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Le vote républicain transformé en bon d’achat
(ou ticket de rationnement),
cela est en effet la seule philosophie ambiante.
Mais enfin, comment pourrait-il en être autrement, puisque Députés, Ministres et Président n’ont pas d’autres discours que ceux que tiendraient des représentants de commerce.
Il existe sur les bateaux de pêche traditionnelle un poste particulier, utile, indispensable même si l’on ne veut pas risquer l’accident, c’est celui du vieux sage.
C’est un ancien, qui ne produit rien, mais passe son temps à prévenir les erreurs, compense les failles des instruments électroniques de bord, remonte le moral à l’équipage, et n’a pas d’autre ambition que de maintenir à bord un bon esprit.
Mais qu’est-ce donc qu’un bon esprit ?
Et bien c’est la capacité à refuser une rentabilité immédiate et apparemment facile, pour entretenir un espoir d’avenir.
Pour exemple:
-pêcher des poissons en période de reproduction est totalement idiot,
-forcer un équipage déjà fatigué à foncer sur un banc de poisson, un de plus, pour gagner encore et encore sur un jour, peut nuire à la semaine suivante ou mener directement à l’accident.
-ne pas tenter, la nuit, à la pose repas, d’engager une discussion qui mène ailleurs transforme les êtres en machines
-ne pas prendre soin de ses équipiers, ou laisser de trop fortes injustices s’installer entre capitaine et matelots mène à la perte de tout l’outil de travail
En résumé, tout ce qui fait passer la rentabilité avant l’humain est sévèrement critiqué par le vieux sage de bord.
Ceci n’est pas un leurre pour poissons idiots, c’est la vie que j’ai mené pendant cinq ans sur le pont d’un bateau de pêche à l’Océan Atlantique.
Où est donc le « vieux sage de bord » à Terre ?
Les Sénateurs peut-être ?
Où est donc la pensée politique, l’esprit de notre pays de France, au-delà de toutes les rentabilités ?
Est-ce que le Président de notre République se doit d’être uniquement le meilleur des représentants pour le commerce extérieur et intérieur ?
Je connais quelques citoyens qui rêvent même d’un « gestionnaire » en lui et place d’un politique ! Ce qui peut se comprendre quand on est petit entrepreneur et étouffé de taxes en tout genre.
Mais, le bonheur obligatoire, et maintenant apparemment partagé par toutes les populations du monde, n’est plus que dans la possession et l’usage de biens matériels, voitures et objets électroniques.
Sommes-nous venus sur Terre uniquement pour transformer nos cerveaux en machines efficaces au bon fonctionnement de toutes les télécommandes électroniques,, et nos corps en intestins déféquants. ?
Si le danger international semble aujourd’hui venir surtout de l’extrémisme, si les religions détournées de leur sens premier sont si efficaces pour enrôler les âmes perdues , c’est bel et bien pour une raison:
l’Esprit n’anime plus aucune discussion politique.
Défendre bec et ongle le texte universellement reconnu de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen est un combat qui s’arrête toujours aux portes de toutes les galeries marchandes.
Où est donc passé l’Esprit des membres de la « société de gens de lettres » qui a contribué l’élaboration Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de juin 1751 à décembre 1765 ?
Surement chez Nike, CocaCola, ou plus récemment à la Poste ou à l’Education Nationale Privée !
Quand se lèveront des femmes et hommes politiques capable de mener notre bateau vers l’avenir, assez courageux pour nous réapprendre à lever la tête aux cieux, entre deux écritures comptables, alors le vote républicain reprendra ses lettres…de noblesse !