La société française est extrêmement contradictoire, versatile et surtout aisément manipulable. Dans une fonction de maire, on en mesure chaque jour les contradictions et surtout, l’extrême facilité avec laquelle on peut faire changer les opinions dominantes. D’un soir de journal télévisé à l’autre, selon le célèbre mot d’Edgar Faure, ce n’est pas la girouette qui tourne mais le vent… et chacun s’efforce de changer justement le sens du vent pour expédier le signal de son mouvement dans la direction souhaitée. Ainsi, les électrices et les électeurs souhaitent une sévérité absolue à l’égard de toutes celles et tous ceux qui transgressent les lois. A Brignoles comme ailleurs il faut… appliquer la loi : expulser! emprisonner! éradiquer ! Une honte totale est promise à l’élu qui, de manière ostensible ou fortuite, se permettrait de ne pas appliquer un texte ou un règlement en vigueur. Bien évidemment, s’il le fait en faveur d’une personne, elle lui en sera provisoirement reconnaissante et témoignera de sa satisfaction d’avoir obtenu ce qui doit être refusé aux autres ! Chaque entorse à la règle qui est sanctionnée prend des allures d’injustice flagrante. Un procès-verbal pour stationnement interdit ? Une atteinte à la liberté de se mettre où l’on veut ! Un permis de construire refusé ? Du pinaillage administratif ! Une dérogation pour les transports scolaires ajournée ? Une entrave à la réussite scolaire ? Un refus de carte de séjour sur le territoire national ? Du racisme lamentable ! Avec au bout la même analyse voulant que, bien entendu, le refus dérogatoire soit une marque d’hostilité et une grave entorse au principe de l’égalité, de la liberté et de la fraternité ! Bref, on croule sous les exemples démontrant que la loi, si elle est conçue pour toutes et pour tous, ne doit avoir aucune application individuelle !
Toutes les lois adoptées démocratiquement par la représentation nationale avec leurs avantages et leurs inconvénients ne sont que lettres mortes. Par exemple, sur le mariage pour tous, des maires ont cru bon de se réfugier derrière la clause de conscience pour refuser de mettre en œuvre ce qui s’applique à toutes et à tous. Une manière de détourner une réforme sociale au prétexte que la liberté des personnes chargées d’appliquer la loi serait à géométrie variable. Si un maire ne veut pas se plier aux lois de la République… il abandonne sa fonction, se libère de son rôle d’officier de l’état-civil. Il aura fallu une décision du conseil constitutionnel pour que cette évidence démocratique soit affirmée ! La décision est tombée ce vendredi 18 octobre : le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas de « clause de conscience » aux maires opposés aux mariages homosexuels, ce qui a provoqué la colère de ces élus et des militants anti-mariage gay qui dévoilent ainsi leur vrai comportement : contester grâce à une subterfuge moral les règles fondatrices de la République. Selon les Sages en effet : « les dispositions contestées » par ces maires, pour appuyer leur demande de reconnaissance d’une « clause de conscience », étaient « bien conformes à la Constitution ». Ce que les citoyens doivent demander à un Maire c’est d’appliquer la loi, même s’il n’en partage pas tous les aspects, pas de l’adapter, de la refuser ou de la détourner. Et le pire c’est que ce sont ces mêmes gens qui tapent sans arrêt sur les quelques élus locaux qui, justement, prennent des libertés avec des textes beaucoup moins directement liés à une fonction qu’ils ont souhaitée et obtenue.
Il en est de même dans tellement d’autres domaines. Ainsi, si l’on prend les textes sur les rythmes scolaires. Ils ont été débattus, amendés, votés, examinés par le conseil d’État, organe juridique suprême, et considérés comme conformes au rôle de l’État. Et bien des fonctionnaires de ce même État, dans le cadre de leur fonction demande aux Maires de ne pas appliquer le texte. Ils seraient vent debout si un Maire se mêlait du fonctionnement de leur classe ou de leur emploi du temps sous prétexte qu’ils n’agissent pas en conformité avec les appréciations des parents d’élèves. Pour l’instant, la loi ou le décret restent la référence et nul n’est exempté de la respecter et de la mettre en œuvre. Le Maire est respectable parce que justement il respecte la loi et il devient critiquable justement quand il refuse de l’appliquer. J’ai par exemple, dès le départ, été hostile à la semaine scolaire des 4 jours… mais comme fonctionnaire, et ensuite comme maire, je l’ai appliquée. Je ne suis pas d’accord sur la réforme des territoires cantonaux mais… je me plierai à la réforme quand elle aura été validée par le conseil d’État. Je ne suis pas un fan avéré des radars attrape-pognon sur les routes mais je tente de respecter les contraintes qu’ils génèrent. Et je n’ai pas besoin d’une décision du Conseil constitutionnel pour savoir que je dois respecter les espaces de stationnement pour handicapés ou les règles d’urbanisme. Refuser d’appliquer la loi sur le logement social devrait être par exemple lourdement sanctionné. Refuser de mettre en place une aire pour les gens du voyage devrait être également stigmatisé. Or justement, l’héroïsme démocratique, c’est de ne pas appliquer la loi et montrer à l’opinion manipulée que l’on est un résistant émérite ! La société de la dérogation, de l’exception, de la démolition, de la dénégation s’installe, préparant des moments douloureux ! Quand la loi ne sera plus la règle commune beaucoup n’auront plus à se poser la question des clauses de conscience !
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Une clause de conscience m’interdit de payer mes impôts (dont je ne conteste pas la nécessité) tant que des nantis de tous bords iront planquer à l’étranger leur fric, acquis plus ou moins honnêtement, de façon à échapper à une contribution citoyenne qui ne les priverait en rien de leur opulence.
Est-ce que je ne risque pas tout simplement de voir ma décision retoquée par le percepteur du coin ?
La clause de conscience ? Pour ces maires qui refusent d’appliquer la loi, c’est une sacrée surprise d’apprendre qu’ils en ont une.