Doit-on se lamenter de payer des impôts sur le revenu ?

 Un président de la république fut élu sur un appel à combler une « fracture sociale » jugée désastreuse. Il était de droite. La lutte contre ce fléau fut l’un des principaux thèmes de campagne de Chirac pour l’élection présidentielle de 1995 ! Il lance l’expression dans les médias, sous l’impulsion d’Henri Guaino un des auteurs du discours :« La France fut longtemps considérée comme un modèle de mobilité sociale. Certes, tout n’y était pas parfait. Mais elle connaissait un mouvement continu qui allait dans le bon sens. Or, la sécurité économique et la certitude du lendemain sont désormais des privilèges. La jeunesse française exprime son désarroi. Une fracture sociale se creuse, dont l’ensemble de la Nation supporte la charge. La « machine France » ne fonctionne plus. Elle ne fonctionne plus pour tous les Français. » Allez, après 10 ans de gouvernement de droite, pouvait-on affirmer sans sourciller que ces constats avaient été gommés ? Mieux, l’UMP a aggravé le mal et la « fracture » est devenue un fossé, puis un précipice. En 2013 rien n’a changé.

Les riches étaient de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres durant la gouvernance Sarkozy. Cette maxime n’a jamais été aussi vraie en France dans cette période. Selon une étude de l’Insee sur «les niveaux de vie en 2011 », la pauvreté ne cesse d’augmenter. Cette année-là, elle touchait 8,73 millions de personnes contraintes de vivre avec moins de 977 euros par mois, soit 14,3% de la population, contre 14% en 2010. Depuis le début de la crise en 2008, ce sont près de 900.000 individus en plus qui se sont retrouvés sous le seuil de pauvreté. On se trouve face à un gouffre qui renforce la séparation entre 2 mondes. C’est dramatique et chaque jour en Mairie arrive un cortège d’impayés de services privés (EDF, GDF ) ou publics (restaurant scolaire, accueil périscolaire, transports…) affolant !

« La plupart des indicateurs montrent une progression des inégalités», analyse l’Insee. Entre les 10% les plus aisés, ayant un niveau de vie 3,6 fois plus important que les 10% les plus pauvres, après un rapport de 3,5 en 2010 et 3,4 en 2009, la dérive des « continents » se poursuit et s’accentue. Une faible revalorisation du SMIC pour les bas salaires et une flambée des contrats à durée déterminée et à temps partiel provoquent des difficultés croissantes de jeunes et de moins jeunes. Au final, c’est chez les 18-29 ans que le taux de pauvreté a augmenté le plus, passant de 17,7% à 19,4%.

A l’inverse, les plus favorisés bénéficient non seulement d’augmentations plus conséquentes mais aussi du dynamisme des revenus du capital. Résultat : entre 2008 et 2011, les 10% les plus fortunés ont vu leurs revenus progresser en moyenne de 5%, tandis qu’ils ont baissé de 4% pour les 10% les plus pauvres. Quels sont ceux qui braillent le plus fort contre un réajustement de solidarité des contributions à la vie collective nationale ? Les uns sont entendus… Les autres ne peuvent même pas donner de la voix ! La différence se situe entre celles et ceux qui estiment payer trop en fonction de leurs revenus déclarés et les pauvres qui voudraient sûrement payer des impôts pour avoir des revenus. Tout le paradoxe est là !

Si la part des retraités pauvres a légèrement diminué, passant de 10% à 9,3% en un an, soit 100.000 en moins, grâce à la revalorisation des pensions, le taux de pauvreté des actifs est passé en moyenne de 10,2% à 10,9%. Avec l’allongement des durées de chômage et des revalorisations inférieures à la hausse des prix des indemnités, le nombre de pauvres sans emploi a mécaniquement progressé. Mais l’Insee constate aussi que le nombre de travailleurs pauvres ne cesse de progresser. Ils sont désormais plus de deux millions, soit 130.000 de plus entre 2010 et 2011, et c’est là le principal enseignement de cette étude : il ne suffit pas de travailler pour sortir de la pauvreté ! Et selon le président de l’Observatoire des inégalités, les chiffres de la pauvreté, en 2012 et en 2013, seront encore plus mauvais. On peut donc légitimement demander que le concept de « fracture sociale » redevienne à la mode avec une adaptation en « ravin social »,  tellement les deux mondes se sont éloignés.

La France va entrer parmi les pays dans lesquels les écarts sociaux deviennent catastrophiques et le partage entre les gens qui survivent (pas d’impôts), ceux qui rouspètent car ils participent au fonctionnement des services dont nous avons tous besoin, et les gens d’autant plus braillards que, lorsqu’ils ne trichent pas (sport national français), il sont imposables. C’est une chance, à l’heure actuelle, d’avoir des revenus imposables à déclarer car on vit au moins avec des ressources identifiées.

Cet article a 3 commentaires

  1. Eric Batistin

    Quand l’on sait comment l’argent est fabriqué d’une écriture informatique, et disparait une fois prêté et remboursé avec intérêt , par le même moyen, comment peut-on croire encore que ses impôts ont une quelconque importance pour l’avenir du pays?
    Quand le prix des choses correspondra à nouveau à la quantité réelle en stock alors oui, payer ses impôts aura un sens. Pour l’instant ce n’est que poudre aux yeux pour entretenir la croyance en un système républicain basé sur le profit d’une production quantifiable. La somme d’argent qui circule en une seconde entre les bourses du monde pourrait à elle seule nourri l’humanité… pendant une année, au moins !
    Alors les impôts sur une paye de deux mille euros par mois, ce n’est vraiment que poudre aux yeux !

  2. J.J.

    « C’est une chance, à l’heure actuelle, d’avoir des revenus imposables à déclarer car on vit au moins avec des ressources identifiées. »

    Bien d’accord avec cette déclaration !

    Je le dis sans hypocrisie, je suis bien content de pouvoir payer des impôts (ça doit être ça qui s’appelle être un privilégié).

    Par contre, je serais satisfait que madame Bettencourt, un exemple entre autres bidouilleurs de déclarations, soit imposée dans le mêmes proportions que moi….

    A ce compte, l’état, comme l’a déclaré un personnage un peu douteux, ne serait plus en faillite.

  3. Cubitus

    Les riches de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ? Bien sûr que ce fut le cas sous Sarkozy. Et ça s’aggrave encore davantage sous le gouvernement actuel prétendu de gauche et qui va de reculade en reculade pour la plus grande satisfaction du Medef et de la fille du borgne qui se frotte les mains.

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