On repart pour un été de la peur organisée.

En été, la politique prend toujours un coup de chaud… lié essentiellement à un fait divers. C’est une constante, car il faut bien meubler l’espace médiatique abandonné par celles et ceux qui le squattent en permanence. Une excellente analyse de la « triste affaire Grégory » permet de vérifier que justement les journaux, les radios et les télés sont angoissés face à une page blanche, une minute de silence et le noir absolu d’un écran. Si l’information ne vient pas à eux, désormais ils la fabriquent et la créent de toutes pièces en fonction des choix éditoriaux faits par des « patrons » non-dénués d’arrières-pensées politiciennes. Durant les années soixante, le même processus était appliqué au tube de l’été que chaque maison de disques tentait de placer en tête du fameux hit-parade… On créait une vedette au profil type, un air passe-partout et des paroles répétitives faciles à décliner, et à l’arrivée, grâce à la facilité d’appropriation, on conditionnait la clientèle ! Rien n’a changé en cet été 2013 : on va s’appliquer à faire monter la mayonnaise sur un thème vendeur : la peur !
Alors que la grande majorité essaie de s’extraire d’une vie angoissante grâce à un nouveau mode de vie, des médias vont chercher à exploiter des événements réels pour en faire des « tubes » estivaux. Et là, ils tiennent le bon bout avec la résurgence des « éruptions » sociales dans les villes de banlieue ! C’est ce que, dans le langage médiatique, on appelle un « marronnier », c’est à dire un sujet récurrent traité constamment de la même manière.
Tous les élus sérieux, de gauche comme du centre ou de la droite, savent parfaitement que la situation sociale délabrée dans les banlieues peut devenir chaque jour explosive. Le gouvernement ne parviendra pas, en quelques mois, à restaurer le climat de confiance qui n’existe plus entre la population et tous les systèmes institutionnels. Il a fallu dix ans pour le détruire, mais il faudra une génération pour le reconstituer…. Ce sont des « territoires » ayant été lentement pollués en profondeur par les clivages religieux, sociaux, économiques et dotés d’une image extérieure tellement dégradée par des centaines de reportages télévisés, qu’ils seront impossibles à « dépolluer » par un coup de baguette magique. Tous les services de renseignements (encore la semaine dernière!) préviennent dans des notes le Président sur le risque réel d’une explosion estivale des quartiers en difficulté. On est, comme en Gironde pour les feux de forêts sur l’échelle des dangers au degré : « sévère ». Les médias possèdent le meilleur moyen de ressasser les effets d’une crise dont personne de vent voir les causes !
Il y a donc eu l’exploitation maximum des « pillages » ou des « caillassages » catastrophiques sur un accident ferroviaire déjà dramatique. La machine à faire peur a été enclenchée, et rien ne peut l’arrêter. Elle va s’accentuer en août, sur la base d’un principe simple : déformer et amplifier la réalité pour la transformer en polémique, appréciée par l’opinion dominante bouleversée par ce qu’elle compare à des actes barbares, venant (c’est en filigrane!) des étrangers « occupant la France immaculée et bien pensante ». Un solide coup de pouce donné par la Droite courant toujours après l’extrême droite et une bonne semaine de sujets à sensation garantie. Un rapport policier, révélé par Le Point et dont l’AFP a eu connaissance, faisait en effet état de vols d’effets appartenant aux victimes de l’accident ferroviaire de Brétigny, qui n’avaient alors pas donné lieu à des plaintes.Les auteurs d’un document relatant l’intervention de la CRS 37 écrivaient qu’« à leur arrivée» ce 12 juillet, ses hommes « devaient repousser des individus, venus des quartiers voisins, qui gênaient la protection des véhicules de secours en leur jetant des projectiles ». Inutile d’aller plus loin ; le caillassage arrivait !
« Certains de ces fauteurs de troubles avaient réussi à s’emparer d’effets personnels éparpillés sur le sol ou sur les victimes », poursuivaient les rédacteurs qui ne précisent pas l’heure d’arrivée des CRS, ni s’ils ont assisté à ces vols ou s’ils ont recueilli des témoignages les accréditant. La préfecture de l’Essonne a démenti cette version des CRS. « Il n’y a pas eu de pillages massifs, c’est complètement faux », a déclaré la Préfecture, mais c’est inutile, totalement inutile. Or, à ce jour, seulement… 4 plaintes ont été recueillies. Outre la plainte d’un médecin urgentiste victime du vol de son portable, le 12 juillet, et pour laquelle une enquête du chef de vol en réunion et avec violences a été ouverte, «une enquête distincte est diligentée sur la commission de faits de vols, commis lors de l’évacuation des blessés par la Sûreté départementale de l’Essonne», a indiqué le parquet. Trois plaintes ont été recueillies… Les équipes de la Croix-Rouge et du Samu qui sont intervenues avaient, elles, contredit cette information et expliqué ne pas avoir été gênées dans leur travail par les badauds et ne pas avoir vu de « pillage »… mais l’opinion dominante qui ne retient que des « impressions » et pas des « faits » a déjà été constitué. pas une image! Pas une photo ! Une généralisation abusive de faits individuels attribués ipso-facto à une classe sociale. Le processus reste inchangé.
Une couche supplémentaire des événements de Trappes va faire monter d’un cran l’explosivité de la poudrière banlieue que craignent tellement les élus locaux et le gouvernement. Au fait, rappelez moi quand ont lieu les élections municipales ?

Cette publication a un commentaire

  1. Eric Batistin

    La peur comme argument.
    Cela convient parfaitement à toutes celles et ceux qui n’attendent que d’avoir de bonnes raisons (d’avoir peur) pour exercer leur haine.
    Les autres profiteront peut-être de la peur qu’ont les élus locaux de perdre leur mandat pour demander quelque subvention supplémentaire, quelque passe droit, ou tout autre avantage.
    A moins que ce ne soient les mêmes !

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