La faillite avouée de la grande ville américaine de Détroit va une nouvelle fois accentuer la pression existant sur la gestion des collectivités territoriales. Je parie que dans les prochains jours sortiront des « papiers » sur des comparaisons avec certaines gestions françaises, alors que rien ne permet de faire des comparaisons sur des structures totalement différentes. D’abord, il faut rappeler que les endettements souvent pris comme sujets de querelles entre majorité municipale et opposition sont totalement différents. En effet aux USA, contrairement à ce qui se passe dans notre pays où c’est formellement interdit, les villes peuvent emprunter pour régler leurs dépenses de fonctionnement. Comme, rappelons-le, tous les États le font, les métropoles jouent avec des crédits leur permettant de régler le personnel, les frais classiques, les frais financiers… créant ainsi une « cavalerie » qui conduit à l’insolvabilité. Plus de 18 milliards de dollars, soit 14 milliards d’euros, figurent au débit de Détroit, mais bien d’autres états américains ou grandes agglomérations sont encore plus endettées (le Texas notamment).
Acculée, la municipalité avait prévenu en juin qu’elle serait obligée de faire défaut sur une partie de cette somme. C’est à présent officiel. La Maison Blanche lui a apporté son soutien : « Si les dirigeants sur le terrain au Michigan et les créanciers de la ville savent qu’ils doivent trouver une solution aux graves difficultés financières de Detroit, nous sommes engagés à poursuivre notre partenariat robuste avec (elle) au moment où elle œuvre à reprendre le dessus, se revitaliser et maintenir son rang parmi les villes américaines de premier plan », a-t-elle déclaré dans un communiqué. Le gestionnaire de crise qui a été nommé n’exclut aucune option pour redresser les comptes. Il dispose de pouvoirs étendus, dont celui de revoir les contrats des employés de la ville et de céder des actifs. Il a sous-entendu qu’il pourrait vendre la collection du musée d’art pour honorer les dettes. Selon lui, les créanciers de la ville peuvent même très bien réclamer la vente de ces tableaux devant les tribunaux. Selon la proposition du gestionnaire de Détroit, la dette non garantie comprend entre autres : 5,7 milliards de dollars en prestations post-retraite ; 2 milliards de dollars pour la dette non provisionnée de la pension des salariés en général ; 1,43 milliard de dollars en certificats de titres de pension ; 265 millions de dollars sous forme de prêts non garantis ; 33,6 millions de dollars en billets et prêts. Derrière, rien en investissements ou en création de patrimoine. Une telle situation est totalement impossible dans le « modèle français » qui repose sur un système mutualisé national (retraites du personnel) et plus encore sur l’interdiction de faire la manche pour payer des charges de fonctionnement obligatoires. En plus, le principe de l’obligation de dégager un autofinancement nécessaire à rembourser le capital de la dette garantit aux habitants de ne pas se retrouver face à une telle situation.
Par contre, ce qui doit inquiéter, ce sont les raisons de ce fiasco financier. A Détroit durant un siècle, le train de vie de la ville a été calqué sur la richesse économique reposant sur une mono-industrie. C’est souvent la situation que connaissent ou ont connu en France quelques grandes villes, liées à la sidérurgie, à l’automobile, aux mines, aux chantiers navals. C’est la dangerosité des réformes fiscales décidées par le gouvernement précédent qui a lié le sort des ressources des collectivités à l’économie (droits de mutation sur l’immobilier, contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, taxe sur les surfaces commerciales, taxes sur la consommation de carburants…et bien d’autres), en faisant de la seule croissance le facteur d’amélioration de leur sort. La taxe professionnelle méritait d’être revue, corrigée, améliorée, mais surtout pas supprimée, car depuis 2011 la seule manne devient… l’habitant. Détroit a accumulé les 2 défauts avec une richesse économique en berne et un hémorragie du nombre d’habitants qui en était la conséquence. Une collectivité bien gérée, c’est celle qui conjugue au contraire ces deux paramètres positifs.
La faillite de Detroit reflète la déliquescence de l’industrie automobile, qui a fait la gloire et la richesse de la ville autrefois. Berceau des « Big Three » (Ford, Chrysler et General Motors), la ville a lié son destin à celui de la voiture. Les premiers signes de déclin sont apparus dans les années 50, puis se sont accélérés à coup de crises successives. Puis est venue la crise de 2008, et avec elle la banqueroute de Chrysler et General Motors, qui ont achevé de vider les usines. En soixante ans, sa population a diminué de 60%. Elle est passée de 1,8 millions d’habitants en 1950 à 706 000 aujourd’hui. Avec ses 78 000 bâtiments à l’abandon, Detroit ressemble de plus en plus à une ville fantôme.
En France, la « course » à l’habitant a donc débuté. Les futures métropoles créées à l’assemblée ne visent qu’à devenir des aspirateurs à population au détriment de petites villes « rurales », victimes de la double peine. Elles perdent des ressources liées à des petites structures économiques durables, à des filières solides et n’arrivent plus à modifier la courbe de leur démographie. Tôt ou tard se posera le problème… mais sur une échelle bien inférieure à celle de Détroit, victime simplement de l’application du système capitaliste à la gestion locale, voulant qu’il faille appliquer aux collectivités territoriales les repères de la gestion privée. Et L’Europe pousse en ce sens !
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A l’inverse des fourmis qui ont tendance à construire leurs cités au plus proche d’une source potentiellement pérenne de nourriture, les humains s’entassent dans du béton froid et y font pousser à la lumière électrique trois tomates cerises.
Pendant ce temps, au dehors, l’espace laissé libre est en friche, ou semé d’organismes génétiquement modifiés et les fourmis grossissent, grossissent !
Nous, dans notre village, en hiver on est … 20 habitants et encore je n’ai jamais réussi à croiser tout le monde en même temps le même jour, donc je n’en suis pas certain.
Mais, quand on se croise, c’est étrange, …on se parle.
Chacun ici passe plus de temps seul avec les fourmis voraces qu’avec des humains.
Nous nous sommes tous aperçu à quel point la vie de fourmi est monstrueusement portée sur l’efficacité.
Nous en avons tous conclu ceci: l’efficacité est une façon particulière de douter de tout.
Chaque grain, chaque miette, chaque minuscule parcelle de terre est inspectée par les fourmis, elle sont la proie incessante du doute. Et si le grain suivant était excellent !
Par contre la gestion raisonnée de ses besoins est le propre de l’esprit humain.
Entre le vital, l’utile, le plaisant et le superfétatoire,
existe toute une gamme de choix à faire pour vivre.
Laisser libre court à l’imagination et abandonner un instant l’efficacité pour lever la tête et respirer un peu le ciel, ceci est l’apanage des exclus volontaires !
Encore faut-il en avoir la volonté, …d’être volontaire !