Il faut au moins les accents de la Marseillaise à l’entrée sur le stade afin de mettre les supporteurs dans l’ambiance. Et ça marche. Le public habitué à ces débuts de matchs tombe immédiatement dans le panneau et ajoute ses chants à ce qui ressemble à s’y méprendre, toutes proportions gardées, aux grands moments de ferveur que seul le rugby sait créer. Les travées ont eu leur échauffement et sont prêtes pour le face à face. On les sent avides de pignes, de coups directs, de paillardises emmêlées mais pas nécessairement d’envolées lyriques. Des « grandes gueules » gavées de « ricardises » ou « biérolisées » lancent les premiers encouragements selon une formule résumant leur vocabulaire de tribunes alcoolisées « Moscato enc….! ». La voix off de Bernard Laporte rappelle que parfois le ciel appartient aux innocents. « Ressaisis toi, Vincent… » demande avec insistance celui qui aura laissé un souvenir légèrement moins impérissable que David Douillet au Ministère des Sports. D’ailleurs on commence par rire sur son triste sort avant que Vincent Moscato entame sa rencontre avec un public indulgent. Les gars assis en première ligne vont manger… chaud !
Partant de Gaillac pour terminer à Paris, le « talon » d’or béglais revient sur son parcours dans le monde d’Ovalie en faisant quelques détours par les « manchots sans cerveau », la radio « populo » ou le « cinéma aristo ». Un texte truffé de gaudrioles à la Bigard, de formules chocs, de portraits au vitriol ou de caricatures massives. Moscato est tel qu’il est : brut de décoffrage avec encore quelques scories dans un spectacle manquant parfois de naturel mais jamais de sens de l’autodérision.
Du président de Gaillac roulant en « Fuego GL » à Franck Ribery se rasant au Colgate en passant par les géants dopés du Tour de France, le Maire de Paris, les ancien et modernes toubibs du sport, Saint André le clown triste, Deschamps « coton tige », Blanc le « raciste manqué » ou les artistes coucheuses de cinéma… la galerie des personnages à gros traits ressemble à un cahier de dessins à l’eau forte. Tous passent à la moulinette des bons mots et ressortent dans le même état qu’un blanc bec sur lequel la mêlée serait passée. Même le pauvre « chauffeur de bus » de la première rangée des spectateurs hilares ayant eu le malheur de se croire privilégié n’échappera pas au massacre. Affublé du syndrome du boulanger avec « la brioche qui gonfle plus vite que la baguette » il va être le témoin du plus grand moment de cette pochade rugbystique : le recrutement d’un joueur de première ligne.
Il y a eu dans l’histoire sociale « le sabre et le goupillon », le « marteau et l’enclume », « la faucille et le marteau » mais Moscato a inventé un repérage encore plus fort des choix idéologiques avec « le marteau et la chignole » comme clou de cette rencontre. « Si tu ne réussis pas l’examen, on te réoriente vers le « foute », (mot trouvé par Ribéry lors des soirées scrabble avec Domenech chez les Bleus) lance-t-il devant un public acquis à sa cause. Le talonneur, dont la carrière internationale fut interrompue par un entracte d’une année, en raison d’un « coup de fourchette » trop généreux ne fait pas dans la dentelle avec les soirées spéciales des footballeurs, et il tire à vue sur les cyclistes du Tour de France en prétendant « qu’un bidon d’Armstrong lancé dans un champ de maïs peut contaminer 50 ha ! ». Les gavés de pognon du sport passent un mauvais moment, ce qui traduirait une certaine démagogie s’il n’y avait pas cette forme de miroir dans lequel se regarde en permanence Moscato. Il pratique l’autodérision avec la même gouaille qu’il se paie la gueule des autres avec jubilation !
La radio où il ouvre sa grande gueule ne trouve pas grâce à ses yeux. Tout est pour lui dans la question que l’on pose dans son émission et dans d’autres, après de longs débats philosophiques sur RMC, aux auditeurs. « L’OM doit-il jouer à Marseille ? » provoque par exemple un flot d’appels ! « Se dopent-ils ? » durant un mois sur la grande boucle génère une avalanche de prises de positions ! On se fout de la tronche des auditeurs mais ça marche ! Dérision ? Pas tant que ça, car ce sont les vrais ressorts de son désormais fameux « Moscato chaud ».
Il ne se prend pas au sérieux. Absolument jamais, allant même jusqu’à rire de ses propres « vannes ». Pas un instant il ne se la joue pas. Il est lucide. Le passage dans les vestiaires dangereux du Stade Français ; le job béglais de « gardien nocturne des transformateurs EDF de 30 t à protéger des voleurs à la brouette » ; la séquence du calendrier des Dieux du stade ; le rôle d’entraineur qui motive ses troupes se trouvant « au pied du mur… à construire » ; l’entrée en mêlée, nécessitant le regard du « veau dans la luzerne » ; l’allusion tendre à Pompon, pote de Jo et de son fils; la déneigeuse achetée contre le réchauffement climatique par le Maire de Gaillac… La faconde de « Moscate » emporte tout sur son passage pour une longue troisième mi-temps dans les vestiaires de l’école de la vie.
Que du bonheur sur le pré de la scène pourvu que l’on ne se prenne pas pour un arbitre de la bienséance. S’il est à l’honneur il reste un distributeur insatiable de gnons, de pignes, de gaufres, de mandanes. Seul changement ce sont des mots avec des points et non des maux avec des poings ! Il ne renie rien. Il assume ses récits rabelaisiens, et il transmet pour démythifier tous ces gens trop sérieux pour être sincères !
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Tout le monde se fout de mon avis, mais moi j’ai envie de le donner !
Ce texte, monsieur, est écrit avec une force particulière, un mouvement lent et que l’on ne peut stopper, le tout se liant sans respirer ou presque tel le sprint final… entre les poteaux !
Je viens de lire ou plutôt d’entendre en direct la retransmission d’un match de rugby, sur un ton digne pour le moins du grand Roger Couderc !
Allez les petits !
Moscato, c’est un beauf de décoffrage.