En politique préférez les non-dits douillets aux vérités crues !

Le plus dur en politique c’est de savoir à tout moment dépasser son intérêt personnel pour rester fidèle à ses valeurs. C’est d’ailleurs ce conflit intérieur permanent qui peut faire basculer à tout moment ce que l’on appelle dans le jargon social « une carrière ». La vie publique est davantage remplie de non-dits douillets que de vérités crues et il faut bien reconnaître que les différences entre les deux se creusent dangereusement. Lorsque, comme moi, on boucle quasiment un demi-siècle d’engagements syndicaux, mutualistes, associatifs et électifs, il est vrai que l’on a parfois une fâcheuse tendance à dire tout haut ce que d’autres ne veulent que penser tout bas! Il faut bien reconnaître que le fait de se savoir dégagé de toute pression extérieure sur son propre parcours libère facilement la parole. Quand on en arrive à se sentir parfaitement libre de ses paroles et plus encore de ses actes, on éprouve une immense satisfaction, surtout quand on est en paix avec sa conscience. En définitive, la politique reste un esclavage de la pensée et de l’action car elle ne repose souvent que sur l’auto-censure permanente. Ne pas dire ceci pour ne pas vexer ceux-là; ne pas démontrer quelque chose pour éviter de mécontenter celles-là, ne pas parler vrai au prétexte que l’on n’est pas un « spécialiste ». Bref, face à un auditoire, il est indispensable de demeurer dans le politiquement correct, d’autant plus qu’il s’agit de personnes militantes ou directement concernées. Le militantisme devient ainsi un véritable bouclier qui protège des vérités pas bonnes à dire !
N’ayant jamais appartenu à la caste des gens qui savent tout et qui surtout s’assoient sur leurs valeurs pour défendre leur pré carré, on devient incorrigible. C’est une tare profonde car il ne peut s’agir que d’un « pessimisme » exagéré, qui ne relève que du réalisme, et d’un cas pathologique de mauvaise foi, alors que l’on se contente de rappeler des faits réels et avérés. Voici la recette de votre cure politique de réalisme. Par exemple, prenez une union avec une large représentativité sociale. Parlez des réformes du gouvernement actuel avec face à vous des personnes qui se sont engagées vigoureusement et loyalement pour défendre le programme proposé par François Hollande… Énumérez les décisions annoncées ou prises. Selon le thème et les conséquences individuelles, vous aurez rapidement deux types de réaction. Les unes tourneront autour d’un principe simple :  » Hollande doit mettre en oeuvre les promesses sur lesquelles il a été élu!  » Dans ce registre on range vite « le non-cumul des mandats », car cette proposition ne concerne qu’une poignée certes significative par le niveau des responsabilités mais très restreinte en nombre que sont… les élus que l’on a soi-même contribué à faire élire ! Unanimité chez les « non-élus » pour que Hollande impose son programme, et refus d’une minorité d’élus qui considère qu’il doit s’exonérer de cette phrase de son programme. Impossible d’expliquer que ce n’est pas si simple que de faire une mesure générale pouvant avoir des conséquences graves en terme de crédibilité des démarches gouvernementales… Ce n’est que de l’esbroufe pour masquer une idée diabolique ! L’absurdité, c’est qu’au bout d’un certain temps, la raison n’a plus de prise puisque la déception la fait perdre ! Inutile d’expliquer, d’analyser, de tenter de convaincre : chacun voit midi à sa porte !
Face à ce même public vous affirmez : « parmi les engagements de François Hollande » figurait la réforme des rythmes scolaires. Elle a été médiatisée et soutenue largement par des gens qui actuellement ressassent : « il ne faut pas la mettre en oeuvre car cette décision est inique, mal fagotée et incompatible avec la défense espérée des enseignants ». Dans ce cas là, les « concernés » préfèrent le non respect d’une parole électorale à une mesure qui est présentée comme leur étant défavorable. Il en va ainsi du « vote des étrangers » réclamés à cors et à cris par des militants et refusée par d’autres au nom de la « dangerosité électorale ». On ressort alors de la réunion avec le sentiment que, dans le fond, la seule solution c’est de mettre ses valeurs en sourdine, refuser l’engagement et surtout tourner 7 fois sa langue dans sa bouche pour éviter de froisser des positions personnelles à géométrie variable. Autre solution : se retirer sur la pointe des pieds, se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes pour devenir populaire. Au scrutin uninominal, on voit bien que celui qui ne fait rien, n’entend rien, ne voit rien devient immédiatement bien plus populaire que celui qui campe en permanence sur des idées qui lui sont propres et qu’il revendique. Le « parler vrai » cède de plus en plus de place au parler dans le sens du poil !
En politique, la seule technique qui réussisse c’est donc celle qui conduit à mettre son mouchoir sur ce que l’on est (et encore plus sur ce que l’on a été) car c’est la seule qui permet d’exister sans risques. Mais dans le fond, c’est le mal profond qui ronge un système voulant que la seule personne valable soit celle qui vous conforte dans vos propres opinions au nom de sa capacité à défendre vos intérêts personnels ! Le doute… un ingrédient de la vie en baisse quotidienne !

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Cette publication a un commentaire

  1. Bernard Gilleron

    Tout ce que je sais, c’est quoiqu’il arrive, et quoiqu’il dise, que je sois ou non d’accord, à présent que je suis redevenu marxiste affirmé, partisan de la lutte de classes a laquelle les arrivistes du PS ne croient pas, Jean-Marie Darmian n’est pas à la veille de parler la langue de bois pour garder au soleil une place avec breloque.
    Ce billet le montre.
    Feu mon beau père était socialiste landais,et il était aussi de ce bois dont on ne fait pas les flûtes.

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