Le 8 mai doit rassembler autour de la lutte contre l'amnésie collective

Depuis plusieurs années, le mot mémoire fait partie de notre quotidien et une citation du Maréchal Foch résume parfaitement la situation qui ravage en profondeur notre société : « Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». Nous côtoyons tous de plus en plus de personnes ayant vécu des périodes douloureuses de notre histoire et qui, malheureusement, pour des raisons médicales, se retrouvent plongées dans ce néant terrible de l’absence de souvenirs.
La souffrance que l’on éprouve face à cette disparition des repères tellement précieux pour la construction de l’avenir des autres est parfois insupportable. Ne pas être reconnu, ne pas pouvoir engager un dialogue, ne pas savoir ce que l’autre ressent, ne jamais arriver à le sortir de ces sables mouvants de l’oubli, constituent de vraies souffrances. La mémoire individuelle prend alors toute son importance et la crainte c’est qu’un jour nous en perdions, à notre tour, les bénéfices. Si tous les savants se penchent sur ce phénomène, il faut bien admettre que les sociologues n’ont pas entamé des recherches sur le mal le plus terrible, celui qui ronge la mémoire collective. Plus que jamais, autour de nous, nous avons la mémoire qui flanche sous les coups de boutoirs répétés de médias avides de sensationnalisme plus que de vérités, de superficialité plus que de réalité, de pseudo modernité plus que de partage maîtrisé du passé. Mieux, désormais, tout retour en arrière pour souligner simplement les dangers de dérives idéologiques perverses, haineuses, mortelles pour la démocratie est considéré comme une marque de sénilité ou de décadence intellectuelle. Si on ne peut pas toujours vivre en regardant derrière soi, il est indispensable d’éclairer ses décisions personnelles des lueurs procurées par les leçons des erreurs de parcours antérieures. L’obscurantisme a toujours besoin de quelques chandelles de consciences éveillées pour éclairer le chemin qui s’ouvre. Si elles s’éteignent, la plongée dans les ténèbres conduit dans les même précipices où ont été enfouies des millions de personnes innocentes.
Quand on aborde la commémoration du 8 mai 1945, il existe une gêne dans l’opinion publique française, comme si les défenseurs de cette date, pourtant essentielle, contrecarraient la construction européenne, aggravaient les dissensions franco-allemandes ou ne sonnaient le tocsin alors qu’aucun danger ne menace l’Humanité. Le 8 mai 45 n’a jamais été seulement une victoire militaire des armées alliées sur une autre armée d’un pays, mais une défaite infligée à un système social basé sur le racisme, la haine de l’autre, conduisant à l’extermination organisée, à l’horreur absolue, à la négation même de la valeur de la vie humaine. Il a fallu des millions de morts, des souffrances atroces, des sacrifices sans limite pour éradiquer de la planète ce nazisme que l’on avait laissé prospérer par indifférence, par lâcheté ou par ignorance. Le 8 mai 1945 n’aurait jamais dû exister en ce monde, puisqu’il n’est que l’aboutissement de manquements aux vertus essentielles de la vie collective, que des peuples aveugles n’ont pas voulu défendre : la solidarité effective, la tolérance partagée, la liberté de consciences respectée, le courage de combattre ce qui doit être combattu, le respect des différences.
Foch avait raison ; les peuples qui n’ont pas de mémoire sont des peuples sans avenir et nous reprenons, pas à pas, jour après jour, cette direction, chaque jour un peu plus, par pur égoïsme et parce que nous sommes devenus des consommateurs de prêt à porter idéologique. L’insulte permanente, l’ostracisme sélectif, la violence organisée, le rappel de principes moraux réactionnaires restent les signes annonciateurs d’éruptions plus graves et plus odieuses. Plus personne n’enseigne la mémoire, puisque l’avenir ne repose plus que sur le progrès technique, la croissance économique, le profit exponentiel, mais jamais sur le respect de valeurs fondatrices du vivre ensemble. Il est devenu tellement facile d’exacerber des haines, d’allumer des feux sciemment, pour enflammer les pires aspects de la nature humaine, de détruire la liberté des autres, de nier l’égalité entre les êtres, d’ignorer la fraternité, que toutes les tentatives isolées sont vouées à l’échec. L’autre est devenu l’ennemi, au plus haut niveau du pays comme dans une école, un lotissement, une cage d’escalier, une usine, un terrain de sport… et nous glissons vers les mêmes causes qui produiront les mêmes effets.
Le 8 mai devrait devenir une fête de la citoyenneté. On devrait défiler dans les rues, une luciole à la main, pour rappeler que, faute de mémoire collective, nous condamnons les générations futures à mourir, plus ou moins rapidement, de froid. Malheur à celles et ceux qui seront complices par indifférence de ce crime contre l’humanité !

Cet article a 4 commentaires

  1. pc

    « nous glissons vers les mêmes causes qui produiront les mêmes effets »
    Et on y va même très vite; pour essayer de contrer la peste brune (et blonde) qui envahit petit à petit notre pays, je rappele à ceux qui sont en train de se laisser séduire que Hitler fut porté démocratiquement à la tête de l’Allemagne au début des années trente et, effectivement, je passe pour un dinausore… et pourtant la crise, le racisme, l’exclusion, la crainte de l’avenir, tous les éléments sont réunis pour que le pire revienne.
    Espérons que les gens sensés, et ils sont nombreux de tout bord ne laisseront pas faire, et sauront passer au-dessus de leurs ambitions personnelles et marteler le message de l’histoire.

  2. batistin

    Les bienfaits du devoir de mémoire sont indiscutables.
    Puisque il est évoqué ici historiquement la montée du nazisme jusqu’à sa rédition le 8 mai 1945, qu’est-ce que l’histoire, et la mémoire donc, nous enseignent ?

    Identifier clairement l’ennemi et les causes de sa réussite fait aussi partie des enseignements.
    Ors, à cette époque déjà, l’ennemi c’était la finance, sa réussite le nazisme.
    Les affamés allemands auront presque tous, mais pas tous ne l’oublions pas, plongé dans un nationalisme exacerbé.

    Ce que je veux dire, c’est que finalement le 8 mai n’est pas la commémoration d’une guerre gagnée, comme ont voulu nous le faire croire nos anciens, ou comme ils l’ont tant espéré eux-même, il ne s’agit que d’une bataille remportée.

    C’est le premier pas pour s’unir et vaincre que d’oser s’avouer vaincu.
    Et si mon propos heurte le devoir de mémoire et « l’esprit de nos morts »,
    ainsi que celui des millions de massacrés,
    j’y opposerai en contrepoint, pour rester courtois,
    une courte description de la vie d’aujourd’hui:

    _Des millions de familles désossées,
    _de pères déshonorés,
    _de mères affligées,
    _de grands frères drogués,
    _et de petits frères affublés d’un pouvoir d’achat en guise d’identité.

    Ou comment remplacer l’arbre de l’histoire et ses racines savamment entremêlées
    par un tronc unique et imbécile
    n’ayant pour pied que la productivité de consommables
    et pour ciel la consommation de la dite production.

    Bel esprit …

    Ne luttons donc pas contre une bande d’affamés devenus idiots, violents, racistes, assassins, cela a déjà été fait.
    Et n’aura servi à rien, sauf évidemment à sauver ce qui pouvait l’être encore.

    Aimons ces assassins, luttons avec eux, contre notre ennemi commun:
    notre banquier qui ne sert à rien d’autre dans la communauté que de donner à l’argent un prix fluctuant.

    Alors que le prix de toute chose, et sa valeur en échange, réside en la difficulté lié au travail nécessaire à son obtention.

    Le devoir de mémoire n’est rien si il n’est pas assorti d’une saine conclusion, et permettez ici que j’en propose une:
    en 1930, un ouvrier nazi, c’est juste un brave homme qui a faim, cherche une solution, et ne sais pas encore l’horreur dans laquelle il s’engage , non ?

    Si cela est, de grâce, homme et femmes de bonne volonté, encore capable de résister mentalement à la faim qui nous tenaillera bientôt tous, à la peur qui nous submerge déjà, cette fois ne nous trompons pas d’ennemi !

    L’ennemi pourtant s’affuble de noms connus: Nike, Bayer, Monsanto, … le FMI !
    Et pas Hansel et Gretel .

    Eric Caminade dit « Batistin » artiste

  3. gilles baillet

    Le problème c’est que la grande majorité des électeurs FN sont incapables de faire le lien entre le nazisme et le FN. Ils connaissent l’histoire de cette période qui est très enseignée et rabâchée par les médias mais pour eux FN et nazisme n’ont aucun rapport. Au fond, ces mêmes médias leur donnent raison quand ils défendent la propagande du FN qui nous fait croire que ce parti a changé depuis que la fille a remplacé le père. La presse et les radios sans parler d’internet relaient – à l’exception de Médiapart – cette campagne d’image sans jamais décortiquer le programme du FN. En Lot-et-Garonne, son secrétaire départemental bénéficie d’une couverture par Sud-Ouest incroyablement favorable, son jeune âge – 23 ans – fait de lui le Kennedy du 47 – sans rire…Jamais il n’est questionné sur ses idées… Jamais… En tout cas pas dans les colonnes de Sud-Ouest…

  4. J.J.

    Le FN, quintessence de l’intolérance d’un côté, l’Islam radical et fanatique de l’autre, qui fait des progrès inquiétants dans certains pays, si l’Humanité a la mémoire trop courte, elle risque effectivement de ne pas avoir grand avenir….

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