Une bombe nécessite toujours des artificiers discrets et méthodiques

Il faut être bien naïf ou ignorant des habitudes du monde politique pour croire que si l’affaire Cahuzac a brutalement émergé dans l’actualité, c’est uniquement le fait d’une enquête exceptionnelle de journalistes d’investigation. En fait, et nul ne saurait le contester un instant, comme dans d’autres affaires récentes d’avant les présidentielles, ce n’est que le fruit vénéneux d’une manipulation savamment organisée. Personne ne peut nier la réalité des faits désastreux et lamentables, ainsi que la culpabilité de Cahuzac, mais personne ne peut ne pas s’interroger sur l’origine du scandale. Lentement mais sûrement, le mécano médiatique va se démonter dans l’indifférence des médias français, soucieux de ne pas avoir à relayer des informations contraires à la teneur d’éditoriaux sentencieux ou de prises de position outrancières. Les journaux étrangers dévoilent progressivement un déroulement de « l’opération Cahuzac » dont le scénario est étrangement similaire à celle de DSK, tout aussi immorale mais parfaitement efficace. Les « barbouzes » ont toujours joué un rôle éminent depuis des décennies dans les avatars de la politique française. La méthode reste dans les deux cas la même : exploiter au bon moment la faiblesse coupable d’un homme en évidence, pour créer un scandale dont les effets sont similaires à une bombe à fragmentation.
Première étape, rassembler avec des complicités politiques, les éléments indispensables à la confection de la bombe. On se rappellera que, dans la terrible affaire DSK, il a été mis en évidence (aucune enquête sérieuse ne sera menée) la liaison entre le responsable de la sécurité de l’hôtel et d’éminents personnages des services plus ou moins secrets. Comme personne n’a véritablement enquêté sur les dons de divination d’un militant UMP, vendant l’info avant même qu’elle soit avérée. Mais peu importe, l’essentiel reste de tenir « LE » scandale. Pour Cahuzac, les révélations se succèdent depuis 48 heures en… Suisse, sans ébranler les rédactions les plus intransigeantes. Il faut en effet toujours un « informateur » pour qu’une information existe, et le nier c’est trahir la vérité journalistique ! Or là (et vous n’avez pas grande chance de le lire, de l’entendre ou de le voir en France), on apprend que le « financier suisse » collecteur de fonds de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy dans ce pays de la transparence financière avait un rôle éminent dans la banque Reyl & Cie, basée à Genève… Curieux hasard ! Silence radio, télé, journaux !
Le banquier Pierre Condamin Gerbier quitte, fin 2008, début 2009, son poste de responsable de la délégation de l’UMP en Suisse, qui regroupe les adhérents de ce parti résidant sur le sol helvétique, pour désaccord sur la pseudo-casse aux exilés fiscaux. Eric Woerth est à l’époque ministre du budget et trésorier de l’UMP (charge dont il est contraint de démissionner en juillet 2010 en raison des soupçons de conflit d’intérêt qui pèsent sur lui dans le cadre de l’affaire Bettencourt – de 2007 à juin 2010, son épouse, Florence Woerth, fut employée par Clymène, société gérante de la fortune de l’héritière du groupe L’Oréal). Ce banquier, qui gère une activité de gestion de patrimoine et de conseils juridiques, est aussi à la fois responsable de la délégation de l’UMP en Suisse et membre de Reyl et Cie, quand cette dernière gérait le compte de celui qui n’était alors que député. Etait-il au courant de l’existence du compte Cahuzac au sein de l’établissement dont il était, avec Dominique et François Reyl notamment, l’un des associés ? Si oui, compte tenu de son engagement politique, aurait-il pu en informer une tierce personne, par exemple Eric Woerth, alors trésorier de l’UMP, ou directement le pensionnaire il y a moins d’un an de l’Élysée, ravi d’allumer un contre-feu après ses déboires bordelais ? Le doute est au moins permis…En fait, il suffisait d’exploiter les graves erreurs de Cahuzac et de les « donner » au bon moment aux bonnes personnes pour provoquer une explosion incontrôlable. Il n’y a aucun risque dans cette affaire… comme il n’y en avait aucun dans la énième défaillance de DSK. C’est tout bonnement de l’exploitation de la faiblesse de l’Homme par l’Homme de manière organisée, et même millimétrée.
Si on poursuit sur cette piste selon « L’Hebdo » repris par le très sérieux journal suisse «  La Tribune de Genève » des éléments des services secrets – instrumentalisés par le lobby militaro-industriel – auraient tuyauté la justice, d’où l’accélération du destin judiciaire de l’ancien ministre. Pas possible… Comme dans l’affaire DSK personne ne savait ses travers désastreux, là on s’aperçoit que les barbouzes peuvent « tuer » qui ils seulement, en instillant dans le système social, au bon endroit, le virus mortel ! Le journal suisse ajoute par ailleurs qu’un certain nombre d’informations seraient gardées au chaud par les services secrets, pour conserver une sorte de « force de frappe » sur les politiques en cas de besoin. C’est ce qui ressort d’un document collectif signé par des officiers de la DCRI, la Direction centrale du renseignement intérieur, document remis confidentiellement en février au groupe de travail parlementaire sur les exilés fiscaux. Tiens donc. Il y a même un parlementaire UMP, membre de la dire commission, qui reconnaît que « ce n’est pas du tout impossible ! » Et là, nous ne serions plus dans l’affaire Cahuzac; ce document remis aux parlementaires par des officiers des services secrets conclut que le fonctionnement actuel de leur propre service – la DCRI – représente « une entrave majeure à la justice en matière de lutte contre la fraude fiscale ». Pas possible ! Qui aura le courage en France… de briser le tabou ? Je n’ai, en ce qui me concerne, jamais cru à la vérité spontanée poussant dans les sacs de blé médiatiques. Le jeu est toujours « gagnant-gagnant » sur le dos de celui qui sera « perdant-perdant ! ». Mais malheureusement, ça ne remet pas en cause la triste réalité des faits !

Cet article a 5 commentaires

  1. Laurent

    Oups; j’ai bien peur d’avoir une trop bonne opinion des politiques, ça sent le panier de crabe cette histoire. Merci de m’avoir un peu éclairé.

  2. J.J.

    C’est étonnant (vraiment ?) comme un simple mensonge (péché grave certes, je ne me souviens plu si c’est véniel ou mortel… )déchaîne des torrents de hargne et de réprobation, alors que la confirmation de la toxicité du Médiator, qui a provoqué, et provoquera de nombreux décès est traité avec une relative désinvolture.

    On nous montre d’ailleurs des images de ce bon monsieur Servier, l’air quasi bonhomme et décontracté, qui contraste avec Cahuzac l’homme traqué.

    Cahuzac a dissimulé et menti, c’est vrai, mais, au moins dans cette affaire il n’a tué personne, il faudrait relativiser.

  3. suzanne

    Il ne faut pas oublier. dans l’affaire. Casuhac qu’il y a une ex èpouse …….. Et peut-être une vengeance………..

  4. Rocky

    Il y a plus simple que toutes ces histoires de barbouzes, c’est effectivement l’ex épouse de Cahuzac, qui a très probablement apporté l’enquête clés en mains aux as du journalisme d’investigation de l’équipe Plenel.
    Maintenant, que les barbouzes aient apporté leur pierre à l’édifice, c’est pas exclu non plus ..

  5. Bonjour,
    avant de jeter l’opprobre sur l ‘ex-madame Cahuzac les internautes qui lisent votre blog feraient bien de consulter l’article de l’hebdo
    http://www.hebdo.ch/les-blogs/la-r%C3%A9daction-en-ligne/affaire-cahuzac-larm%C3%A9e-eu-sa-peau
    et aussi celui là sur le blog
    http://www.hebdo.ch/les-blogs/la-r%C3%A9daction-en-ligne/compte-cahuzac-et-ump-en-suisse-un-voisinage-saisissant
    Ces deux articles, même dans l’hypothèse qu’ ils ne révèleraient que 20% de la réalité, en disent très long sur l’état de notre démocratie.

    Je suis atterré, mais à peine surpris !!

    Bonne journée

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