Le jour du poisson d’avril a été durant des décennies le rendez-vous avec une forme d’humour réellement populaire. Il permettait toutes les audaces afin de piéger les autres, grâce à un mensonge savamment échafaudé. Une sorte de tradition qui a ses origines dans le changement de date du premier jour de l’an… et une décision politique qui a mis du temps à entrer dans les mœurs. Au fil des siècles, la tradition a été adaptée aux us et coutumes, mais il est resté ce besoin de tromper la vigilance des autres grâce à une astuce plus ou moins anodine. Quel enfant n’a pas tenté d’accrocher dans le dos d’un adulte plus ou moins consentant un poisson soigneusement découpé et décoré ? Qui n’a pas essayé, avec plus ou moins d’habileté, d’envoyer un proche accomplir une mission inutile ou s’enquérir d’une fausse information ? Il y eut même des relais médiatiques adaptant ces broutilles familiales ou locales pour tenter de berner la foule avec des sujets soigneusement fabriqués pour donner l’illusion d’une information aussi authentique que celles habituellement diffusées ! Les enfantillages, les scénarios banals, les plaisanteries naïves n’appartiennent plus à cette journée qui disparaît lentement du registre d’une société coincée, morose et même souvent ridiculement aseptisée.
L’humour se raréfie ! Il n’entre plus dans le paysage d’un monde en crise, recroquevillé sur l’angoisse du lendemain, traumatisé par le mensonge institutionnel. L’humour est la méthode la plus exigeante du vivre ensemble, car il nécessite une grande tolérance, une intelligence vive, une distance par rapport aux réalités et une culture permettant d’en percevoir les subtilités. Même maladroit ou frustre le « poisson d’avril » entretenait une forme populaire d’utilisation humoristique du mensonge prémédité. Le rapport trop étroit avec le quotidien actuel fait que plus personne n’ose plaisanter avec un tel principe !
L’agressivité a largement remplacé l’humour qui n’a plus sa place dans les discours, les prises de paroles et même dans les repas… Nous avons basculé dans l’ère du « sérieux », du « tabou » et bizarrement de la facilité consistant à refuser sa place à toute forme de dérision. J’ai en mémoire ces soirées des années 50 durant lesquelles mon bonheur de gamin résidait dans l’espoir que mes parents allument le poste de radio le dimanche à midi pour me permettre d’écouter les chansonniers du « Grenier de Montmartre ». Un torrent de bons mots, de calembours, de satires, de critiques… avec Anne-Marie Carrière, Jacques Grello, Edmond Meunier, Robert Rocca, René Dorin et Raymond Souplex comme analystes d’une actualité au moins aussi démoralisante que celle qui nous est assénée chaque jour. Il y eut même dans l’histoire de la république un événement unique : Vincent Auriol, Président en exercice, invita au Château de Rambouillet toutes celles et tous ceux qui triomphaient en le caricaturant, le 1er janvier 1954. Cette preuve d’humour de la part de la plus haute autorité de l’État ne s’est plus jamais reproduite, et a donné lieu à une photo du style gouvernemental déjà… pleine d’humour.
Inimaginable en 2013 même si François Hollande possédait, avant de ne plus s’appartenir en entrant dans le costume présidentiel, un très grand sens de l’humour. Il n’a plus le droit à une boutade, à un trait incisif d’humour, car inexorablement il serait suspecté de condescendance ou de mépris. L’arme redoutable qui consiste à utiliser volontairement l’ironie de manière non ostentatoire n’a plus cours dans la société de l’efficacité et de la rigueur. La moindre incartade fait prendre un risque à celui qui la commet. Risque d’être ridiculisé à son tour pour la vanité de l’acte décalé. Risque d’être estampillé comme un vaniteux pour une humiliation facile. Risque même d’être catalogué comme un raciste, un fasciste ou mieux un calomniateur selon le sujet humoristique. Bref, il vaut mieux ne pas franchir les limites de ce que l’on pense être les limites du socialement correct. Et pourtant, quel bonheur de vivre parmi des gens dotés d’un brin d’humour, capables d’admettre qu’il n’y a rien de plus précieux qu’une bonne et franche rigolade entre gens de « mauvaise » compagnie, prêts à l’indulgence vis à vis de celles et ceux qui les chambrent. D’ailleurs, la science contemporaine a découvert que l’humour et le rire participaient, entre autres, à la décontraction des muscles, à la réduction des hormones de stress, à l’amélioration du système immunitaire, à la réduction de la douleur… Et par les temps qui courent, c’est au moins aussi bon de se nourrir de poissons d’avril que de lasagnes au bœuf !
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François Hollande : je vais mener une politique de gauche car j’ai de vraies convictions socialistes et je décide que les hectares entiers de zones humides de Notre Dame des Landes ne seront pas détruits inutilement et à jamais pour la construction d’un stupide aéroport générateur de pollution et de bruit…….ahahaha poisson d’avril ! Non je ne crois qu’au libéralisme même s’il est un peu plus modéré que Sarkozy et je vais autoriser le bétonnage de Notre Dame des Landes !
Pour informer le monde,
Avec la voix des ondes,
Il’ya, il »ya, il »ya les chansonniers….
Souvenirs….
A propos de souvenirs, nous avons tous hier oublié parmi les gourmandises rustiques, les salades que l’on récoltait dans les vignes et qui n’ont pas résisté, elles, aux poisons des maisons Bayer, Monsanto et consorts.
On trouve encore dans des jardins un peu « marginaux » et protégés des laitues sauvages, « feuille de chêne » (indigène !) et autres salades de fainéants, que l’on laisse pousser à leur gré, mais ça devient rare !
Pourtant quel régal qu’une bonne salade fraîche cueillie, relevée avec quelques feuilles de cresson de terre, de roquette et de cardamine….
Nostalgie du temps passé et hélas cruauté du temps présent.
En tous cas excellente analyse de l’humour!!