Mettez le printemps dans vos assiettes

Photo_1612_tConnaissez-vous le printemps des assiettes, celui qui permettait de sortir de l’hiver, dans les campagnes girondines en allant chercher dans la nature les premières offrandes de la saison du renouveau ? Pas certain, car l’aseptisation de la nourriture, la disparition de l’intérêt pour les choses proches et simples et encore plus les dangers des produits chimiques artificiels répandus massivement sur l’environnement interdisent de profiter des bienfaits de la connaissance ancestrale des productions locales. Il est en effet très rare de constater un retour à la vie en autarcie alimentaire, et d’ailleurs les gens qui s’appuient encore sur ce principe sont de générations en voie d’extinction.
Dans cette période, il était en effet très aisé de se confectionner une « entrée » sans bourse délier, en utilisant les premiers œufs d’un poulailler requinqué par la disparition du froid ou allant effectuer quelques promenades bucoliques dans l’environnement immédiat. Pour moi, le summum du repas pascal résidait dans un joli plat doré d’œufs mimosa… dont la couleur démontrait la qualité de la nourriture attribuée aux pondeuses. Je ne renonce pas à cette rencontre avec mon enfance et, de temps à autres, je succombe à le tentation en soignant la cuisson des œufs et en prenant un certain plaisir à répandre une « neige » de jaunes sur une mayonnaise maison ! Il est également possible de se cuisiner une superbe omelette à « l’aillet », jeune pousse qui deviendra ultérieurement plus piquante !
Il était également possible de partir avec un panier de vendangeur sous le bras et un sarcle à manche court en main pour arpenter les rangs de vigne. Là, à profusion, on arrachait délicatement dans la terre mouillée les « baraganes ». Ce « poireau sauvage des vignes » aime les terres sauvages, les sols meubles et argileux. C’est pour cette raison qu’en bordelais, sa terre d’élection fut constituée par les rangs de vigne, au pied des ceps; surtout en Entre Deux Mers. En quelques minutes, le promeneur matinal pouvait récupérer de quoi faire un plat absolument gratuit, si ce n’est qu’il fallait savamment doser la vinaigrette ou y ajouter parfis des œufs durs. Désormais, c’est impossible ou risqué. Les rangs de vigne sont pourtant envahis par les « baraganes », mais plus personne n’ose les récolter. Non pas parce que c’est interdit, mais tout simplement parce que les doses de pesticides ou de traitements chimiques rendent la consommation de ces végétaux dangereuse… Il faut donc absolument s’assurer de la méthode de culture du lieu où l’on se trouve, puisque les poireaux sauvages ne sont pas éradiqués par les désherbants sélectifs, et donc plus ils sont nombreux plus c’est inquiétant ! Et pourtant, une salade de « baraganes » constitue une entrée de choix !
sanguetteIl fallait ensuite profiter de la mort de quelques volailles qui avaient été sacrifiées au profit des agapes des fêtes, pour récolter le sang dans une assiette creuse tendue sous le cou des victimes. Interdit, formellement interdit que cette préparation à une « sanguette » (ou parfois « sanquette ») ultérieure, car non conforme aux règles sanitaires. On se la passe en douce dans une poche sur les marchés, car rares sont les personnes qui tuent encore leur volaille… à la maison. On bat bien le sang avec une fourchette, avant de le laisser coaguler (il faut le mettre au frais). Rien de plus ordinaire dans la préparation. Faire chauffer 1 cuillerée à soupe de graisse de canard dans la poêle. Y faire glisser la galette de sang coagulé avec les dés de pain frottés avec de l’ail et des oignons. La faire cuire 5 bonnes minutes de chaque côté. Faire ensuite glisser la « sanguette » dans un plat creux et saupoudrer le dessus avzec la moitié du mélange échalotes-ail-persil. Déglacer la poêle avec un filet de vinaigre et ajouter le reste du mélange échalotes-ail-persil. Saler et poivrer. Verser cette sauce sur la « sanguette » et servir aussitôt. Combien en ai-je mangé, des « sanguettes »; et de temps en temps, sachant que je suis un amateur, des gens bienveillants me donnent une récolte de sang dans une assiette creuse ! Là encore, le printemps dope la qualité du mets, surtout si on l’accompagne d’une solide salade de « pissenlits ».
Ah ! Le pissenlit… au nom inquiétant mais dont les vrais connaisseurs savent qu’il est source de plaisir quand il est ramassé au bon moment, car tout est une affaire de « tendresse ! ». Là encore, il ne faut plus aller n’importe où pour remplir une poche gratuitement. Il faut abandonner les pissenlits que vous trouverez au raz du sol, car leurs feuilles sont dures et amères, et pour les autres, enfoncez votre couteau lesalade-de-pissenlits-au-lard-a-l-ardennaise-78009 plus profondément possible, de manière à couper la plante à la racine. Les feuilles ainsi dégagées sont blanches sur une grande partie de leur hauteur : ce sont les meilleures ! En salade, avec du lard frais ou des œufs durs, vous obtiendrez un vrai moment printanier dans votre assiette.
Pour le dessert, aucune hésitation : avec l’arrivée du printemps l’herbe pousse, les vaches sont heureuses de sortir dans les pâturages et de manger l’herbe fraîche. Le lait qu’elles produisent est très riche en énergie, en vitamine A et D (contrairement au lait demi-écrémé et écrémé). Il est à la fois aliment et boisson, avec un grand intérêt nutritionnel, c’est un aliment traditionnel par excellence, riche en calcium et en protéines. C’est le meilleur moment pour se faire du pain perdu qui allie le lait et les œufs au faîte de leur saveur. A vous de jouer et de revenir sur le temps passé !

Cet article a 8 commentaires

  1. cortot

    JEAN Marie ..tu dépasses «  »pour la gourmandise de ce commentaire CE JOUR DE FÊTES DANS MA FAMILLE même avec mon absence cause santé et toutes les personnes totalement converties de toutes ces choses si bonnes , si appréciées , utilisées le plus souvent possible .. la fille de vrais paysans dont je suis si fière n’oubliera jamais d’ou elle sort et comment elle a été élevé ! QUAND JE VOIS toutes ces bonnes choses que la banque alimentaire donnent jetées ensuite ..non cuisinées << trop difficile et on ne sait pas .. <<tout à côté de chez moi ..c'est impossible que je la ferme .. QUE FONT CES DAMES ASSISTANCES SOCIALES à part remplir des dossiers ..des dossiers pour le Conseil Général et regarder la montre ? Faut que ces choses élémentaires de survie et du respect ARRIVENT Un jour à être entendues .. MERCI POUR VOTRE TRAVAIL LES ELUS ..JE VOUS ADMIRE PARFOIS .

  2. mlg

    retour en enfance assuré !!!!!!!!!

  3. Jean

    Jean Marie, nous étions en famille dans le Gard et cet après-midi, entre autre, nous avons collecté de jeunes pousses d’asperges sauvages … je ne te dis pas le délicieux velouté que nous avons eu ce soir … vive la nature quand on prend le temps d’y retourner …

  4. Jean François

    Au diable goutte et cholestérol ! C’est vrai que le printemps de notre région a de quoi remlir notre estomac et régaler nos papilles!

  5. François

    Bonjour !
    (A lire sur un ton très « professeur de diététique européenne » !)
    « Voyons, voyons, Monsieur le ,pré – retraité de la ville de Créon, emporté par les brumes des agapes pascales, votre esprit divague:
    « des baraganes » dites-vous ? Mais non, un vulgaire poireau sauvage, reste d’une culture OGM avant J-C incapable de résister au changement climatique. Observez l’aspect peu engageant, couvert de terre toxique, le bulbe boursouflé par la pollution: impossible d’y coller des normes européennes et une date de péremption, donc encore moins de les mettre sur une table de consommateur ( faut encore savoir les préparer et …vouloir cuisiner : clin d’oeil à Cortot ! ! !)
    – » la sanquette »; Mais Monsieur, vous avez des moeurs de vampire ! Même cuit ( avec de l’ail grossièrement haché, du sel et du poivre, une tranche de miche de quatre – livres – aillé, précédé d’un tourin blanchi et suivi d’une part de greuil avec un morceau d’alise: un délicieux menu qu’aucune carte célèbre ne pourra te proposer, J-M ! ! ), le sang reste du sang ! ! De plus, ces volailles que l’on a élevées dans des basses-cours souvent boueuses ou sur l’opulent et nauséabond tas de fumier de la ferme, ont-elles subies les contrôles véto, vous savez, ceux qui transforment les chevaux en boeufs ( ou inversement, car on ne sait plus trop ! ),
    – « les pissenlits »: Ah, les pissenlits; d’un beau vert tendre et appétissant, je serai tenté de vous les admettre, Mais, pensez un instant, que, si les moutons transhumants ont quasiment disparu, le risque lié aux milliers de randonneurs qui vont se soulager dans les champs accueillants renforce notre crainte même devant un plat délicieux ! Ajoutez à cela les produits phytos que vendent vos commerçants et coopératives et vous comprendrez qu’il vaut mieux être attiré par une nourriture calibrée, standardisée et aseptisée ! !
    Cordialement.

    PS: Que ce pamphlet ne vous coupe pas votre appétit printanier ! !
    Simplement Jean-Marie, comme disait le cantonnier de Fernand Raynaud au sujet des airelles:  » Vous de la ville, vous ne pouvez pas connaître, ça ne supporte pas le voyage » ! !
    Laissons ces régals flatter nos palais de paysans ! ! !

  6. J.J.

    Hier soir, l’omelette pascale (tout à fait par hasard, le pascal !) fut oseille, brins de cerfeuil et persil renaissant, sans omettre l' »incontournable » brin d’aillet, le tout récolté dans le jardin, et cuit à la graisse de canard.
    Sans commentaire.

  7. Bouzat

    Je revien au post de Jean qui parle d’asperge sauvage. C’est le nom que donne le puriste connaisseur au simple quidam qui ne sait pas. Tant mieux car il y en beaucoup plus pour nous. Nommé le respoutchous en patoi dans le Tarn et l’Aveyron . Plante grimpante sauvage qui se trouve dans les haies de ronces.
    Un gout légèrement amer qui se consomme en salade ou en omelette si la récolte est faible. Auparavant il aura été blanchi 3 mn et passé à l’eau froide. Un délice au naturel…

  8. morland

    Quel délicieux article!

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