La Banque de la France de la spéculation européenne

Tout va pour le mieux dans le monde du fric-frac. Les banques s’effondrent à Chypre. L’Italie hoquète faute de résultat fiable de ses élections. L’Espagne meurt en silence, mais la Banque de France a annoncé un doublement de son bénéfice net en 2012, au niveau record de 3,15 milliards d’euros, en tirant profit des mesures prises par la Banque centrale européenne pour stabiliser la zone euro en crise. C’est rassurant car c’est la démonstration urbi et orbi que la crise ne désavantage par tout le monde. C’est plutôt le contraire ! Les rendements élevés des titres de dette souveraine de pays en difficulté rachetés par la BCE, ou ses opérations de refinancement massif des banques, ont eu pour effet de faire exploser les revenus d’intérêts de l’Eurosystème, dont la Banque de France détient 20% des parts. Incroyable. Plus l’Europe des peuples va mal plus les bénéfices à espérer sont meilleurs . Ainsi, le bénéfice net de la banque centrale française est ressorti pour 2012 à 3,15 milliards d’euros, contre 1,57 milliard en 2011. Un beau pactole. Il intègre une dotation de précaution de 1,85 milliard d’euros à son fonds pour risques généraux (FRG) et un impôt sur les sociétés record de 3,11 milliards d’euros bienvenu pour l’État français, au moment où la stagnation de l’économie le contraint à décaler ses objectifs de baisse du déficit public. Le summum de l’hypocrisie en matière de politique monétaire. « Je dois être le seul chef d’entreprise à ne pas me réjouir d’avoir un résultat aussi bon », a commenté le gouverneur de la banque de France, Christian Noyer, au cours d’une conférence de presse. « Je préférerais ne pas avoir ces résultats et que les économies ne soient pas en crise. » On le croit, ou il se moque du monde !
Avant impôt et dotation au FRG, le bénéfice courant s’est élevé à 8,1 milliards d’euros, en hausse de 43%, grâce à un bond de 35% des produits nets d’intérêts. Ceux-ci ont été dopés par l’effet en année pleine du programme d’achat de titres souverains (SMP) mis en place par la BCE entre le deuxième semestre 2011 et début 2012, qui portait sur des titres de rendement élevé émis par des pays en difficulté, pour apaiser les tensions sur les marchés. Les revenus de la Banque de France ont profité également des effets d’une autre « mesure non conventionnelle » de politique monétaire de la BCE, les deux opérations de refinancement à 3 ans lancées fin 2011 et début 2012 pour alimenter les marchés interbancaires en panne de liquidité. D’un montant global de 1.000 milliards d’euros, elles se sont accompagnées d’une hausse des dépôts des établissements de crédit au passif des banques nationales de l’Eurosystème, donc des intérêts perçus par celles-ci. Par comparaison, la Bundesbank a porté son propre FRG à 14,4 milliards d’euros avec une dotation de 6,7 milliards inscrite dans ses comptes 2012, soldés par un bénéfice net de 664 millions d’euros. Des sommes qui donnent le tournis aux élus locaux qui tentent de boucher des trous dans leurs budgets.
La Banque de France a par ailleurs décidé de ne pas annoncer pour l’instant le dividende qu’elle versera à l’État au titre de ses résultats 2012, après celui de 877 millions d’euros en 2011. Elle attend que le gouvernement finalise les modalités de participation de la France au deuxième plan de sauvetage de la Grèce, adopté en 2012, qui prévoient, comme pour le premier, la restitution à Athènes des intérêts perçus par la Banque de France au titre des obligations de l’État grec qu’elle détient. Le montant brut de ceux-ci s’est élevé à 450 millions d’euros. Extraordinaire : ce sont les déboires des Hellènes qui permettent à la banque de France de sauver les meubles. L’affaire chypriote constitue, dans le fond, une bénédiction pour les autres banques centrales.
Cette inter-action entre les situations des pays permet une fois encore de constater que l’Europe des banques n’est pas morte, loin s’en faut. Elle a survécu à toutes les catastrophes annoncées, démontrées et supposées arrivées. Par le seul jeu des manipulations financières, quand leur pays perd de la crédibilité car leur dette est élevée et leurs remboursements insupportables, elles s’engraissent sans aucune retombée véritable sur le Peuple ! Mais dans le fond, qui s’en préoccupe ?

Cette publication a un commentaire

  1. J.J.

    Et si on supprimait les banques ?

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