C’est un secret de Polichinelle mais nombreux sont les responsables du PS qui refusent de le voir : le feu couve entre les élus à tous niveaux et les sections locales. Lentement, le climat va se détériorer sur deux points qui font débat : les rythmes scolaires et le non-cumul des mandats. En effet, dans le premier cas, les enseignants, nombreux comme on le sait (et même comme on le reproche!) dans les rangs socialistes, ont reçu le renfort des parents d ‘élèves… afin de paralyser la volonté du gouvernement de se pencher sur le temps d’enseignement. Au milieu de cette échauffourée générale on trouve, bien entendu, les élus locaux qui se réfugient courageusement derrière une décision qui va rapidement devenir la règle générale : on repousse tout à 2014, avec l’espoir que d’ici là Peillon aura, soit perdu ses illusions, soit été envoyé dans un autre ministère. En fait, la pression directe ou indirecte exercée par des militants placent les maires socialistes ou sympathisants qui doivent se faire désigner dans quelques semaines par les sections, dans la situation de l’arrière de rugby cerné de tous les côtés qui ne peut faire qu’un seul acte salvateur, botter en touche. La réforme est donc morte, et elle se fera à minima ou ne se fera pas du tout. On continuera à étaler des résultats, des statistiques et des constats, sans jamais aborder le fond, car il faudrait mécontenter des troupes se proclamant « désabusées », « dégoûtées », « démotivées » et même parfois « dépitées ». Bien évidemment, la Droite en prendra acte, se réjouira et récupérera aux municipales l’incapacité des élus de gauche à faire avancer un dossier concernant les enfants. Le divorce sera durable car toutes celles et tous ceux qui avaient été hostiles à la semaine des 4 jours mise en œuvre par le gouvernement Fillon défendent maintenant bec et ongles ce rythme de travail. Un excellent entretien avec le sociologue François Dubet dans Libération du 10 février résume parfaitement la crise qui couve au sein même du PS.
« Je ne m’y attendais pas du tout » (ndlr : à cette opposition frontale) explique l’un des meilleurs observateurs de l’école. « La semaine de quatre jours [instaurée par Xavier Darcos en 2008, ndlr] avait été acceptée comme un cadeau, de façon un peu gênée, par les syndicats. Mais tout le monde, y compris leurs responsables, la critiquait. Il y avait une sorte d’unanimité contre ce « Munich scolaire » dénoncé par l’historien Antoine Prost – en supprimant le samedi, on sacrifiait les enfants aux intérêts des familles – et il semblait y avoir un accord pour revenir aux quatre jours et demi. Je m’attendais plutôt à des grincements au sein du syndicat majoritaire, le Snuipp-FSU, entre une direction qui se disait favorable au changement de rythmes, et la base où beaucoup appréciaient le cadeau de la semaine de quatre jours. Cette réforme figurait par ailleurs dans le programme électoral de François Hollande. Vincent Peillon en a discuté pendant des mois. Et aujourd’hui, on entend crier dans les manifestations « Peillon démission !» (…) Évidemment, c’est du corporatisme. Un syndicat est naturellement corporatiste. S’il ne défendait pas sa corporation, il deviendrait un club d’intellectuels… La question est plutôt de savoir si ce corporatisme est capable de prendre en charge les transformations du système. Pendant longtemps, le monde enseignant a été à la fois corporatiste et réformateur : la défense des intérêts de la profession cohabitait avec la volonté de transformer le système. Cette tradition n’existe plus depuis le milieu des années 80, après l’explosion du syndicalisme enseignant, voulue par Giscard d’Estaing (ndlr : disparition du Syndicat national des instituteurs et de la Fédération de l’Éducation Nationale unitaire). On est passé à une logique très défensive. Il y a bien des syndicats réformateurs, mais ils sont minoritaires. Désormais, le moindre projet de changement se heurte à des blocages (..) » Inutile donc d’espérer convaincre à l’intérieur du PS, et d’ailleurs, à aucun niveau des initiatives internes n’ont été prises pour expliquer et dialoguer. Silence on coule ! Parlementaires et Maires s’exposent aux quolibets, aux reproches, aux critiques et sont fermement incités à ne rien faire ! Dans ce cas, les militants socialistes reprochent à Hollande de mettre en œuvre l’une des ses propositions des présidentielles et dans l’autre (le non-cumul) ils tapent sur lui car il ne…met pas en œuvre ce qu’il a promis (engagement 48). Des causes différentes conduisent au même résultat : donner des armes à une Droite qui se régale !
Il en sera donc de même sur le non-cumul des mandats. Là, à l’inverse, les militants vont sonner la charge contre l’inertie gouvernementale en la matière, sans tenir compte du contexte et surtout des conséquences d’une mesure non préparée, à l’impact non quantifié. Le numéro un du PS Harlem Désir, lui, n’a donc pas tardé à faire savoir qu’il s’opposait à un report comme le suggérait le président de l’Assemblée nationale ou le Ministre de l’Intérieur. « Au nom des militants socialistes, qui se sont exprimés clairement à l’occasion de leur dernier congrès de Toulouse, j’appelle à ce que tout soit mis en œuvre pour que notre pays franchisse au plus tôt cette nouvelle étape démocratique », demandant par là même que la réforme s’applique en 2014. Pour justifier que la loi ne soit appliquée que « fin 2016 ou début 2017 », Manuel Valls a expliqué qu’une mise en œuvre en 2014 « provoquerait plusieurs dizaines de démissions de députés qui choisiraient de garder leur mandat local ». « Ce serait une mini-dissolution » et « une faute », a-t-il dit. Cette assertion est combattue par des socialistes, mais aussi par tous les spécialistes du droit électoral et constitutionnel. La commission Jospin avait d’ailleurs trouvé la parade pour éviter un flot de démissions : il suffirait de prévoir qu’un parlementaire démissionnaire soit remplacé par son suppléant et, pour cela, de modifier une seule disposition d’une loi organique…alors que d’autres expliquent qu’il fallait réviser la loi fondamentale pour permettre aux suppléants de succéder aux parlementaires titulaires.
Les conséquences finales c’est que le fossé se creuse et que le P.S. Se tire une balle dans chaque pied, ce qui facilitera grandement son action pour les municipales qui approchent chaque jour un peu plus. Mais dans le fond, tout le monde s’en fout : moi d’abord, et l’intérêt général aux calendes grecques (c’est le seul placement possible là bas!)
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Ne soyons pas réducteur
Si les militants socialistes regrettent les tentatives multiples des élus de freiner parfois avec de bons arguments le cumul des mandats, il ne faut pas croire que le parti socialiste est celui que nous avons connu en 1981 avec une multitude d’enseignants.
La rupture est depuis longtemps consommée avec le corps enseignant, si ces derniers sont sur représentés parmi les élus et les organes dirigeants du PS quoique cela est de moins en moins vrai,ils ne bénéficient pas de l’aura qu’ils avaient il y a 30 ans.
Par une attitude corporatiste et de repli sur soi, ils sont devenus des producteurs d’enseignement, « les agents de maitrise » de l’éducation dont on attend des résultats en faisant de nos chères têtes blondes (expression consacrée et inadaptée) une tête pleine.
Il y a longtemps que la tête bien faite a été abandonnée.
Croire que les parents marchent dans la même direction est utopique, nous sommes passés dans la société du résultat à tout prix, et si les enfants échouent, les enseignants en sont forcément responsables.
De même dans notre société où l’on exige beaucoup, le cumul des fonctions électives au plus petit niveau que ce soit devient une véritable gageure.
on veut tous son maire à, son Assemblée générale, son conseil d’administration, sa réunion, son comité syndical etc ce qui est dejà un exploit et si en plus on ajoute un autre mandat cela relève de l’impossible!!!
et que dire si cela est cumulé à une activité professionnelle on n’imagine pas§
Etre élu serait donc réservé à ceux qui n’ont plus ou peu d’activité horaire.
et cela que l’on comprend que les fonctions électives, je parle de ceux qui ne sont pas des professionnels de la politique sont exercées, en priorité par les retraités, les enseignants etc.
cela présente le risque d’avoir une vision monolithique de la politique.
Pour revenir à la réforme des rythmes scolaires, le risque est de voir celle-ci échouer et faire sombrer dans l’immobilisme comme cela a été le cas pour le gouvernement précédent qui s’est contenté de servir ses amis et casser les avantages sociaux.
les élus locaux sont mécontents et on peut le comprendre, de cet aménagement mais il est nécessaire.
et la position des enseignants dans une période de crise est manifestement impopulaire quand on voit les sacrifices demandés à tout le monde et un ministre qui promet une prime sans s’occuper du reste du gouvernement est un peu léger
Mais Peillon a toujours travaillé comme cela et comme sa mentor.
il ne reste plus qu’à réunir tout le monde rapidement autour d’une table pour travailler sinon tout échouera et tous nous serons perdant.
Je ne comprends pas pourquoi on remet en cause les rythmes scolaires. Au nom des enfants défavorisés ? Au lieu de s’attaquer à la racine des inégalités, on ranime de temps en temps ce débat. Dans une société où pas mal de gens s’arrangent pour travailler jusqu’au jeudi. Personne de parle des emplois indécents, des horaires atypiques, et du chômage qui frappe de nombreux parents, les empêchant d’assumer, financièrement autant que moralement, leurs responsabilités. Personne ne parle chez les socialistes, du cadeau fiscal fait aux ménages aisés par le biais du subventionnement des emplois à domicile, qui se traduisent, pour les mères, par la précarité d’emplois sans avenir. Et du choix de notre société, par le biais de l’allocation parentale, de faire garder leurs propres enfants par les femmes les moins instruites. Deux choix, qui ont des conséquences, non pas seulement pour les finances, mais sur les perspectives sociales, le destin des groupes sociaux les moins favorisés. Plus que le nombre d’heures « travaillées » à l’école, l’organisation et l’entretien d’inégalités scandaleuses, a une incidence sur le moral et l’engagement dans le savoir, les études et la vie.