Quand les économies générent encore plus de pertes !

Encore une fois il faut reconnaître qu’aucune vraie politique n’est possible en France sans que Bercy donne son feu vert. Le véritable cœur de l’État n’est pas pour moi à l’Élysée mais au Ministère des finances qui pond note sur note et maintient une main de fer sur les orientations gouvernementales. Les hauts fonctionnaires qui conseillent (sic) ou qui plus véritablement imposent leur volonté aux élus ne faiblissent pas un seul instant pour se… donner raison en orientant les décisions dans le sens qui correspond à leur vision de la gestion du pays. Comme ils partagent la culture actuelle du déficit budgétaire, ils concoctent des restrictions qui inexorablement conduiront la France, comme bien d’autres pays, à la récession ! Obsédés par le niveau du déficit budgétaire, ils taillent dans les dépenses des…autres, histoire de justifier les leurs !
Récemment, lors d’une rencontre bilatérale entre le service des finances du Conseil général et ceux de l’État, cette situation paradoxale éclaboussait l’absurdité des décisions antérieures. Il faut en effet savoir que Bercy, soucieux de se concilier les faveurs du monde économique, avait décidé que le délai global de paiement d’un marché public ne pouvait excéder 30 jours à compter du 1er juillet 2010. Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d’intérêts moratoires, à compter du jour suivant l’expiration du délai. Les collectivités doivent appliquer le taux des intérêts moratoires « référence au taux BCE ». Une mesure apparemment excellente, mais dans les faits totalement impossible à appliquer en raison… des suppressions de postes dans les services qui règlent les mandats émis par les collectivités. Les délais moyens de 2012 pour une facture traitée légalement par le Conseil général… sont de 48 jours. Sauf que chaque fois que ces retards sont imputables aux services de l’État… les agios sont facturés à l’État. C’est valable pour la Communauté urbaine, le Conseil régional, le Conseil général et les plus grosses collectivités comme le Centre Hospitalier Universitaire. Résultat, des centaines de milliers d’euros ponctionnés sur le budget national !
Moins d’emplois de fonctionnaires qualifiés cotisant aux caisses de retraite, aux structures de solidarité sociale, payant des impôts sur le revenu, pour soit-disant économiser les deniers publics, finit par générer une dépense supplémentaire quasiment équivalente en agios ! Bercy veille intelligemment aux économies !
Il en ira de même avec les restrictions annoncées pour les collectivités territoriales. Le coût social et financier des coupes appliquées dans les dotations va être catastrophique pour l’emploi et les rentrées fiscales ! Préparez vous à des centaines de chômeurs supplémentaires qui plomberont l’UNEDIC, car il faut inlassablement rappeler qu’il n’y a pas un euro des communes, intercommunalités, départements ou régions qui ne revienne pas directement (investissements) ou indirectement (salaires ou achats) dans l’économie réelle ! Départements et régions, et certaines collectivités locales vont choisir de réduire leurs investissements dès 2014 ( – 80 millions déjà envisagés) ce qui, économiquement, alimentera la morosité de l’activité économique (rappelons que les collectivités locales réalisent entre 70 et 75% du total des investissements publics). D’autres pourraient abandonner certaines de leurs missions, au risque de voir l’action publique locale se réduire peu à peu (subventions aux associations dont il faut rappeler qu’elles emploient des milliers de personnes!). Comme on sera en période préélectorale en 2014, beaucoup refuseront d’augmenter la fiscalité bancale et injuste des ménages et ils taperont donc encore une fois sur les entreprises (notamment de nombreuses PME qui ne bénéficient pas du plafonnement de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises).
Le gouvernement a certes proposé plusieurs pistes afin de compenser cette perte. Il s’engage par exemple à alléger la contrainte procédant des normes ou encore à améliorer la péréquation (ce qui reste au demeurant largement souhaitable sur le plan des principes) afin d’améliorer les transferts des collectivités les plus riches vers les plus pauvres, celles qui ont en principe les besoins les plus importants (notamment en matière d’aide sociale). Mais, dans un cadre budgétaire particulièrement contraint, ceci  risque d’avoir un effet très limité et surtout il est improbable que cela relance d’une manière quelconque l’économie réelle ! Cette décision va dresser les collectivités locales contre le gouvernement, alors que tout devrait être fait en cette période difficile pour s’en faire des alliées. N’a-t-il pas besoin d’elles sur les emplois dits d’avenir ou sur les rythmes scolaires que beaucoup ne financeront pas en 2013 en raison de ces annonces !
Les enjeux financiers sont d’autant plus sensibles qu’au-delà de cette réduction de la dotation de l’État, les finances locales seront concernées par d’autres chantiers dont l’impact financier devrait être aussi lourd. Quel sera l’accueil fait aux autres réformes annoncées, qui ne peuvent voir le jour sans le soutien des élus. Il en va ainsi de l’acte III de la décentralisation, qui se traduira par le transfert de nouvelles compétences aux collectivités locales et par une clarification des champs de compétences des collectivités locales, notamment dans le cas de l’intervention de plusieurs niveaux sur un même projet. Pour le contribuable et pour l’action publique, la question de l’évolution, de la place et du rôle des finances locales est désormais clairement posée. Bercy le sait mais s’en fout royalement !

Cet article a 2 commentaires

  1. Jean M-C

    A l’appui de cette analyse, une des réformes actuellement mise en route, celle des rythmes scolaires, bute pour les collectivités, sur le financement …
    Les investissements des communes, voire intercommunalités, faute d’aide du Conseil Général ou Conseil régional (je ne parle pas de l’Etat, encore moins de fonds européens) ; idem… On n’est pas au bout des conséquences de la rigueur extrême préconisée par les « économistes sachant demander d’économiser ».
    M-C J

  2. MONNERIE

    JM,on est loin de l’engouement de François Hollande lors de la réunion publique du pin galant
    sur la place des collectivités locales et de l’acte III de la décentralisation!
    De plus c’est le CG qui va etre impacté plus que la région donc la solidarité va en prendre un coup?

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