Graphiques, diagrammes, pourcentages… fleurissent

Les élections municipales approchent et les comparaisons des situations financières des collectivités vont fleurir sur internet… Tout le monde va se glorifier ou s’inquiéter de critères soit-disant incontestables puisque tirés des comptes administratifs 2011 (un an de retard) alors qu’ils ne sont jamais analysés de manière objective. Les graphiques, les « camemberts » ou les incontournables pourcentages vont fleurir comme autant de preuves que l’on va se jeter à la figure afin d’impressionner le contribuable électeur dont on sait combien il est sensible à ce genre d’approximations sorties de leur contexte. Le mot roi de ces publications reste, dans le contexte actuel, le mot « endettement » et suivent ensuite dans l’ordre « dépenses » et « impôts ». Des généralités qui méritent toujours des explications citoyennes ignorées de la part de la très grande majorité des juges.
Si l’on prend la notion de dette, elle est, dans l’opinion dominante, associée à celle de l’État, alors qu’elle n’a absolument aucun lien avec celle des collectivités territoriales. Une commune peu endettée est forcément une commune sous-équipée ou qui compte sur les équipements des communes voisines. Il faut, en effet, savoir qu’une commune, une intercommunalité, un conseil général ou un conseil régional ne peut pas emprunter un seul euro pour son fonctionnement, contrairement à ce que font depuis des décennies l’État et les grands organismes sociaux. Chaque emprunt communal va dans l’économie locale puisqu’il correspond obligatoirement à des investissements durables (écoles, espaces sportifs et culturels, voiries lourdes, station d’épuration, transports, réseaux divers…) et sans ces choix d’amélioration des structures dévolues aux services destinés au public, la situation de la France serait encore plus épouvantable sur le plan de l’emploi. Certes, il est de coutume de ressasser que les emprunts d’aujourd’hui hypothèquent l’avenir des générations futures, sauf que quand on construit un collège, il est intégralement destiné aux jeunes qui ne paieront (malheureusement pour eux) aucune contribution avant de longues années.
La dette d’une collectivité n’a rien d’inquiétant, car elle doit être comparée avec le patrimoine qu’elle a servi à créer. On oublie de comparer avec l’excédent brut dégagé entre les recettes de fonctionnement et les dépenses qui doit obligatoirement exister… en fin d’exercice.
Michel Sapin vient de déclarer, quand on lui demandait s’il considérait, comme François Fillon en juillet 2008, être à la tête d’un « État en faillite » ou comme Michel Rocard, qu’il y avait « le feu » : « Mais, c’est un État totalement en faillite ! ». En effet il est certain qu’en 2013 les recettes fiscales et économiques ne suffiront absolument pas à couvrir les dépenses de fonctionnement de l’État, ce qui conduira à un énième déficit, situation totalement impossible pour les collectivités territoriales. Aucun Maire ne peut faire une telle déclaration ! Alors avant de comparer des endettements par habitant (c’est absurde) sans dresser la liste des équipements proposés, il faudrait savoir de quelle dette on parle ! Une commune endettée n’est pas forcément en péril si ses excédents couvrent largement l’annuité de sa dette en capital ! Mais comme les deux paramètres ne sont jamais mis en parallèle, on peut affoler n’importe qui avec des tableaux apocalyptiques.
En ce qui concerne les dépenses que l’on souhaite les plus faibles possible, les comparaisons sont tout aussi hasardeuses. Elles sont essentiellement liées aux services proposés à la population. Une collectivité qui n’a aucune activité collective organisée (sport, culture, éducation, loisirs, social, transport…) n’a bien évidemment que des frais restreints, et justement, plus elle a créé, imaginé, investi et plus elle aura pour chaque habitant des frais supérieurs. En fait, il ne faut jamais voir grimper ces chapitres (personnel, fluides, entretien…) plus vite que les recettes. Une gestion rigoureuse consiste à mettre derrière chaque euro dépensé en fonctionnement une action concrète au service de la population… en sachant encore une fois qu’il part intégralement dans l’économie et donc dans l’emploi. La réduction brutale des dépenses confortera la récession et donc appauvrira encore plus un État déjà en « faillite » (TVA, impôts sur le revenu, taxes diverses liées à la consommation, seuls leviers pour la relance). Les dépenses doivent être maîtrisées, contenues, gérées avec parcimonie.
La campagne des municipales n’évitera pas les polémiques sur les « taux de l’imposition locale » et là encore, les graphiques vont fleurir et envahissent déjà les réunions préparatoires. Or les taux d’imposition ne constituent qu’un élément d’appréciation très peu valable. Exprimés en pourcentages ils ne servent qu’à prendre une contribution sur… des bases d’imposition et ce sont elles que l’on devrait comparer. Elles ont été établies en 1970 et varient considérablement d’une commune à une autre. Un taux très bas (qui fait la joie du contribuable) sur une base très élevée (Neuilly par exemple) peut rapporter jusqu’à 10 fois plus qu’un taux élevé sur une base faible ! Les comparaisons de taux sont donc très peu révélatrices des situations des collectivités. Ainsi, en Gironde, on en arrive à ce que le potentiel financier d’une commune soit de 322 € par habitant alors que la plus riche affiche 5296 € ! Avec malveillance les habitants de la première peuvent s’estimer surimposés (1,25 de pression fiscale) alors que les autres sont des privilégiés avec 0,10 ! Alors ces palmarès devraient être beaucoup plus explicites, analysés plus finement et surtout considérés comme des indications parmi d’autres sur la qualité de vie sur leur territoire !

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Cet article a 3 commentaires

  1. bonjour,
    Vous avez raison comme le dit le vieux proverbe  » comparaison n’est pas raison ». Cependant, comme beaucoup de Français, lorsque je calcule mon reste à vivre je constate qu’il s’étiole de jours en jours. La pression fiscale ( taxe d’habitation+ taxe foncière) y est pour beaucoup. Accédant à la propriété, je me demande si je vais pouvoir faire face à ces hausses constantes et au remboursement de mon crédit immobilier, pourtant il ne reste que 5 annuités à couvrir.
    Malgré vos réserves, il faut bien se faire une idée de la bonne ou mauvaise gestion de notre commune. Je vous livre ma réflexion brute de décoffrage pour créer un indicateur de comparaison du ratio coûts/services de chaque commune. Pour le coût c’est relativement simple ( TF bâti et non bâti + TH) / surface habitable. L’indicateur des services communaux c’est plus difficile, il faut indicer l’ensemble des conforts de vie de la commune en évitant les distorsions. Je propose que le recensement des services soit fait en prenant comme référence la mairie centre d’un patatoïde généré par le rayon produit par un marcheur standard sur 15 minutes dans les limites de la commune. Dans cette surface on recense les services par famille exemple santé ( médecin, pharmacien, labos d’analyse, dentiste avec pour chaque catégorie une valeur), équipements sportifs, éducation, commerces… On obtiendrait un indicateur des services disponibles qui reflète le dynamisme local. Je sais, je sais c’est du boulot et ça ne reflète pas forcément l’aspect esthétique et plaisant de la ville ou du village. Avec cet indicateur on pourrait aussi comparer avec son évolution sur un ou plusieurs mandats l’évolution ou la régression du confort de la commune. L’évolution du ratio coût/indicateur montre la gestion comptable des efforts d’investissements et l’attractivité économique de la commune.
    Bon tout ça n’est rien d’autre qu’élucubrations d’un citoyen lambda, à jeter direct au panier. Il vaut mieux rester dans le flou sans rien changer.
    Salutations citoyennes

  2. gege31

    Cette analyse démontre une réelle compétence en finances publiques finalement assez peu répandue chez nos élus. Vos administrés ont cette chance.
    Globalement je suis d’accord avec cette analyse et sur le fait que, contrairement à l’Etat les collectivités locales, sous contrôle de légalité, n’ont pas la possibilité d’afficher un déficit de leurs dépenses de fonctionnement. Reste néanmoins un indicateur de taille que vous évoquez fort justement, celui de la marge brute ou excédent d’exploitation qui doit effectivement guider les choix budgétaires. Un peu comme dans un ménage, une commune qui ne dispose plus d’excédent de fonctionnement n’a plus aucune marge de manœuvre, toute dépenses imprévues doit trouver un financement extérieur ce qui aggrave de facto la situation.

    Ceci étant dit je ne vais pas apprendre au vieux routier que vous êtes que certaines contorsions budgétaires permettent, en toute légalité, de tordre le cou à ce principe. J’ai pu le vérifier au cours de ma longue carrière sans pouvoir m’y opposer.

    Le « potentiel fiscal » est, comme vous le soulignez, un facteur d’injustice, mais, je vous le rappelle, il est partiellement corrigé par les dotations de l’Etat qui prennent en compte ce paramètre dans la péréquation. Je suis, en revanche totalement en accord avec vous sur les bases d’imposition qui, hélas, datant de 1970 ne seront jamais revues par pur conservatisme politique. S’il existe une certaine cohérence entre constructions construites après cette date l’écart avec les maisons anciennes ne cesse de se creuser. En milieu rural notamment de nombreux bâtiments déclarés inhabitables en 1970 ont été transformés sans déclaration. Comme le rôle de la Commission locale des impôts ne relève pas de l’inquisition tout est permis … Outre l’augmentation continue des taux qui a un effet profondément inégalitaire sur des bases injustes on pourrait y ajouter «l’infamie» du mode de calcul de la TEOM, nouvel impôt qui sert, non de couverture des charges du coût des ordures ménagères, mais de pure variable fiscale d’ajustement puisque son produit n’est pas juridiquement affecté.

    Si le vote des taux reste préférable à l’ancien régime qui reposait sur un crédit voté augmentant de manière directement proportionnel les 4 taxes locales, et si son impact est effectivement fort différent en fonction du potentiel des bases communales il reste déterminant dans le calcul de l’impôt. Un exemple ? La Communauté de communes à laquelle j’appartiens a pris entre 2008 et 2010 les décisions suivantes :

    – Création de la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères au taux de 12% conduisant à doubler la taxe foncière et à imposer des « petits retraités » occupant seuls des grandes maisons.
    Or, depuis la création de la Communauté de communes le service des ordures ménagères était déjà fiscalisé …

    Certes, le niveau d’équipement peut expliquer le niveau de l’endettement et de la fiscalité. En ce qui me concerne, en dépit d’une facture salée, je n’ai enregistré aucune amélioration du service public en dépit d’un recrutement massif de la Communauté de communes.

    En cette période particulièrement délicate les collectivités locales doivent réduire drastiquement la voilure. Bien sûr elles peuvent revendiquer leur autonomie financière mais, à défaut, de modération l’Etat doit intervenir pour protéger un pouvoir d’achat fort mis à mal.

    Je considère ainsi qu’une Loi devrait interdire toute augmentation des taux au-delà de deux fois le rythme de l’inflation. Les communes conserveraient ainsi une marge de manœuvre certes réduite mais indiscutable, et les contribuables seraient un peu mieux protégés.

    Que vous le vouliez ou non, au niveau atteint par les impôts locaux, le vote de 2014 fera une part belle aux gestionnaires prudents. Inutile de vous dire qu’ici je mettrai toute mon énergie pour sortir les sortants qui ont fait la preuve de leur incompétence financière, de leur démagogie et de leurs mensonges dans leurs bulletins de propagande.

    Le combat ne sera pas très difficile car les administrés sont ulcérés.

    En tout état de cause félicitations pour votre article.

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