Dans une carrière complète d’enseignant commencée à 18 ans, il est vraiment impossible de compter les réformes successives décidées nationalement et appliquées au système éducatif. Tout ministre qui est passé par le 110 rue de Grenelle, a toujours voulu laisser un nom dans l’Histoire, quand il n’était pas là pour prendre sa revanche, pour démontrer son savoir faire, pour justifier ses titres ou pour tout simplement détruire ce qui est toujours considéré à tort comme un bastion de la Gauche. En général, il réunit autour de lui des « cadres » écartés par son prédécesseur et il fait immédiatement le contraire de ce que l’autre avait tenté d’imposer. Il n’y en a pas un seul qui n’ait pas rêvé de laisser la même trace dans la vie française que Jules Ferry, et pour parvenir à ses fins, il négocie en permanence avec les syndicats enseignants pour tenter d’atténuer leurs réactions.
Vincent Peillon avait chargé Bruno Julliard, avant même les élections présidentielles, de préparer son arrivée dans l’un des Ministères régaliens de la République… Appelé ensuite au cabinet, il a été le véritable organisateur de la concertation estivale et une des chevilles ouvrières de la loi d’orientation et de programmation. Bien sûr, les quatre responsables du comité de pilotage l’ont épaulé, mais le travail qu’il a mené entre son arrivée en mai 2012 et la fin de la concertation, le 5 octobre, a été colossal. « J’étais venu rue de Grenelle pour un contrat à durée déterminée. Avec la présentation de la loi en conseil des ministres, ma mission s’achève », a précisé l’ex-leader du syndicalisme étudiant, aujourd’hui âgé de 32 ans. C’est lui qui s’est occupé de l’épineux dossier de la réforme des rythmes scolaires. Il a mené les discussions avec les syndicats, les collectivités ou les associations de parents, et préparé le terrain pour les négociations entre ces organisations et le ministre Vincent Peillon. Un fiasco complet pour ce « jeunot » qui n’a absolument aucune habitude de négociations avec des élus rompus aux effets médiatiques, des associations de parents surtout passionnées par leur représentativité et des syndicats enseignants restant ancrés sur les moyens, après de longues années durant lesquelles on les a sans cesse amputés ! La révolte des professeurs des écoles parisiennes (1) qu’il avait eu à gérer, les prises de position du président parisien de la FCPE qu’il connaissait, ont conduit Juillard a mener une négociation parisiano-parisienne qui a vite tourné à l’eau de boudin. Les syndicats ont été vite dépassés par leur base, lasse de se voir stigmatisée dans l’échec scolaire et surtout échaudée par d’incessants va-et-vient autour de l’école, qui n’a plus aucune stabilité depuis près de 20 ans !
Il a donc été invité à revenir vers son poste d’adjoint à la « culture » parisienne et à revenir à la base… tellement, au fil des semaines, le climat était devenu délétère. Peillon sait fort bien, comme tous ses prédécesseurs, que son siège ministériel est éjectable en cas d’échec de sa réforme. Il a donc décidé de se mettre à l’abri, en lâchant tout ce qu’il était possible de lâcher à la machine à broyer les réformes qu’est la « hiérarchie » de l’éducation nationale, dont la seule obsession demeure de ne pas avoir de problèmes avec le « personnel » et de conserver son « autorité » sur un système qui n’a, de fait, jamais été touché par la décentralisation !
Désormais, la réforme est dans un cul de sac, avec une impossibilité politique de faire machine arrière sans écorner la nouvelle stature de François Hollande devenu « décisionnaire », « engagé » et « solide ». A l’Élysée, on a dans le collimateur l’association des Maires de France, qui a montré peu d’empressement à se lancer dans l’aventure financière de cette réforme. Et ce n’est pas l’assemblée générale de l’association des Maires de Gironde, tenue par les sénateurs de Droite, qui va donner un espoir de relance des volontés de prendre l’intérêt des enfants en compte… Une grande majorité de communes va donc botter en touche ! A un an des municipales, on voit mal, en effet, les élus locaux se fâcher avec les enseignants et les parents électeurs. On sait donc déjà qu’ils se laisseront imposer, par les Directeurs départementaux de l’éducation nationale (ex-inspecteurs d’académie), une répartition hebdomadaire des séquences prévues (1), afin de justifier auprès de leurs contribuables les efforts nécessaires. En plus, ils espèrent ainsi ne pas être considérés comme les boucs-émissaires de cette remise en cause des temps des enfants déplaisant fortement aux « familles consommatrices d’école » comme il en existe de plus en plus. Ces gens étant beaucoup plus nombreux que ceux qui font passer le « fond » avant la « forme », l’enfant devient un enjeu pour le maintien du confort de la vie familiale (heures d’entrée et de sorties compatibles avec le trajet domicile travail, restaurant scolaire et transports maintenus, temps de présence au foyer, activités associatives…) et donc les discussions tournent court. L’essentiel est oublié depuis longtemps !
Peillon découvre que c’est probablement le ministère le plus difficile d’un gouvernement. Avant lui, aucun ministre n’a tenu autant que Lionel Jospin (presque 4 ans), et la moyenne de leur passage se situe à 20 mois. Il a donc fait presque la moitié du chemin… à rythme forcé !
(1) Le Dasen a annoncé une heure enseignant le lundi soir dans toute la Gironde, obligation du mercredi avec refus des dérogations au samedi si transport scolaire et peu d’enthousiasme pour l’allongement de la pause méridienne… il faudra expliquer à quoi servira la réforme !
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Pour réussir comme ministre de l’éducation il faut surtout rien faire, ne pas se faire voir, aimer les enseignants comme des modèles d’altruisme,éviter les gros mots comme mammouth, vacances, horaires, résultats … ce qu’avaient bien compris Bayrou ou le bon Jack. Cogéré depuis plus de 50 ans ce ministère est ingérable et coûte de plus en plus cher. Trois conseils à Peillon : abandonnez tout projet de réforme, recrutez massivement et revalorisez la carrière des enseignants.
Je connais ce petit monde par alliance depuis plus de 35 ans et j’aurai toujours beaucoup de mal à verser une larme sur son sort. Trop c’est trop !
C’est vrai que l’Education Nationale que j’ai connue à mes débuts était au service de l’éducation et les parents, les élèves, comme les enseignants étaient priés de suivre le mouvement sans discussion ni murmure dans l’interêt du service.
J’ai connu le temps où l’on rentrait en classe le lundi matin, pour n’en sortir que le samedi après 16heures trente.
Bien sûr, il y avait la coupure du jeudi, occupée la plupart du temps en démarches diverse, approvisionnements en fournitures ou en denrées pour la cantine, etc….
Quant on était sorti un peu le samedi soir faire la fête, se remettre le dimanche après midi à préparer sa semaine n’était pas toujours réjouissant mais on n’en n’est pas morts.
Je ne souhaite surtout pas que ça revienne comme ça,
Mais je trouve cette bronca un peu malvenue et l’attitude de certains enseignants et de certains parents un peu déplacée et égoïste.
Vous allez dire que je suis un vieux con, comme l’écrit Philippe Delerme, c’est probablement vrai, ne dites pas le contraire : j’assume.