"J'assume" et sans sondages ou malgré les sondages

Dans le fond, la conférence de presse aura marqué un véritable changement de fond dans l’exercice du pouvoir présidentiel. Tout le monde médiatique va pratiquer l’exégèse de plus de 2 heures de propos mais va également modifier singulièrement l’appréciation que l’on pourrait porter sur la manière dont François Hollande compte gouverner. Et le changement… c’est bel est bien maintenant. Aucune agressivité dans le ton et le contenu des réponses. Étonnant pour un occupant de l’Élysée qui jusqu’à présent avait la science infuse  et était supérieur à cette foule de poseurs de questions inutiles. La suffisance n’était plus de mise… et dans le fond ça semblait perturber des journalistes voulant se mettre sous la plume, devant le micro ou la caméra des moments croustillants ou des phrases chocs ! Le pire était de mise puisque le « méchant petit mou » potentiel a parsemé ses réponses d’un verbe totalement oublié dans les palais de la république : « j’assume ! ». C’est une nouveauté totale car antérieurement, rien n’était de la faute de celui qui n’assumait que ce qui lui paraissait utile à son image personnelle. Le chef de l’État a par exemple présenté l’augmentation du taux de TVA, de 19,6 à 20% en 2014, comme une « modernisation ». « Et j’assume », a-t-il ajouté. C’est une nouveauté car, ailleurs dans sa majorité, la tendance serait plutôt à se planquer pour justement ne pas assumer ce qui est présenté comme une catastrophe politique. Ce serait parait-il trop dangereux, car le climat est tendu dans les repas entre amis ou en famille et il vaut mieux être contre que s’avouer solidaire du gouvernement. Sereinement, sans sourire narquois, sans une agitation verbale inutile, sans envolées accusatrices, François Hollande a assumé ce que bien des gens face à lui, avaient pourtant amplement présenté comme une suite d’erreurs ou de ratés ou de couacs. Il n’a rien renié ou éludé ! « J’ai fait mes choix. Je m’y tiens, sans avoir à prendre je ne sais quel changement ou quel virage », a-t-il rappelé.

L’autre facette de cette conférence de presse, exercice citoyen par excellence, car il place tous les médias à égalité dans le même espace, le même temps et avec les mêmes réponses, réside dans un passage qui m’a particulièrement convenu. Celui sur les sondages…Le président consulte-t-il les sondages ? « Oui, je regarde les sondages, non, je n’ai pas besoin de les commenter. » « Est-ce que je me détermine par rapport aux sondages ? Non, et il ne vaut mieux pas, sinon, je serais en campagne, et non président. » C’est essentiel, car au cours des cinq dernières années aucune décision, aucun discours, aucun voyage, aucune réaction ne relevait pas d’une enquête d’opinion. Un autre changement maintenant ! « Une alternance change le pouvoir mais elle ne change pas les réalités. Je comprends les inquiétudes des Français, leurs doutes, a-t-il insisté, avant de préciser : La seule question qui vaille, ce n’est pas l’état de l’opinion aujourd’hui, c’est l’état de la France dans cinq ans. […] Le déclin n’est pas notre destin. » Avec humour le Président a simplement rappelé que l’Élysée avait assez des sondages effectués par tous les médias pour se faire une idée des évolutions de l’opinion. Il y a encore quelques mois, les millions valsaient pour dicter les propos présidentiels. Anticor a ainsi déposé une plainte contre X pour délit de favoritisme et détournement de fonds. Pour la seconde fois cette association de lutte contre la corruption a engagé une action contre les conditions dans lesquelles l’Élysée avait commandé, sous la présidence de Nicolas Sarkozy des centaines de sondages avec l’argent public.

En juillet 2009, la Cour des comptes évaluait à 1,5 million d’euros le montant consacré par la présidence à cette convention. Si l’on additionne la rémunération mensuelle du conseiller en sondages et les factures des études que celui-ci a demandé à se faire rembourser, l’Élysée a versé en cinq ans plus de 3,3 millions d’euros aux sociétés de M. Buisson, grand maître de l’opinion quantifiée ! Le contrat a été reconduit chaque année jusqu’en 2012, comme le fut d’ailleurs celui de la société Giacometti-Peron, à laquelle l’État a versé plus de 2,5 millions d’euros sans appel d’offres. C’est vrai que ces résultats très importants sur des sujets n’ayant aucune rapport avec la vie collective des Français permettaient d’avoir des « éléments de langage » comme disent les communicants ! Le seul fait que Hollande se soit déconnecté de ce système niant l’attachement aux valeurs de la politique me rassure sur sa capacité à faire face aux événements. S’il assume au détriment de sa popularité, il se construira peu à peu une dimension différente de celle que l’on veut bien lui prêter ! L’autorité n’est jamais acquise, mais elle évolue lentement mais durablement quand elle repose sur le courage et surtout sur la capacité à résister au chant des sirènes de la popularité ! Pas facile quand, face à vous, il n’y a que des questionneurs qui ne pensent qu’à la leur.

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