Attention les étés olympiques ne sont pas tous glorieux !

Un été olympique n’a pas la même saveur que les autres puisqu’il bénéficiera d’un label particulier qui le fera repérer durablement dans les esprits. Il en fut certains qui resteront même des références éternelles dans l’Histoire. Il y a exactement 76 ans, peu de personnes savaient ce qui s’était passé la veille dans le stade de Berlin. La télévision ne magnifiait pas les exploits des athlètes de tous ordres qui s’expliquaient dans la capitale du 3° Reich… La France passait un mois exceptionnel, avec la mise en œuvre des congés payés, et dans l’euphorie on ne se souciait guère des excès d’un régime ayant acquis sa respectabilité via le sport. Pendant la durée des épreuves, le régime nazi essaya au maximum de camoufler la violence de sa politique raciste que tout le monde olympique connaissait, mais que tous tentaient d’ignorer. La plupart des panneaux antisémites furent provisoirement enlevés et les journaux mirent un bémol à leurs attaques. De cette façon, le régime exploita les Jeux olympiques pour fournir aux spectateurs et aux journalistes étrangers la fausse image d’une Allemagne pacifique et tolérante. L’été était déjà celui des apparences, avec une énorme supercherie consistant à prétendre que J.O.et politique n’avaient aucune raison de s’entremêler.

La « Petite Gironde » (journal bordelais d’alors) n’a pas pu barrer, le 11 août, sa une, d’un titre massif annonçant une victoire olympique de la gloire locale. La veille dans la journée, l’un des plus grands scandales de l’histoire olympique a agité les envoyés spéciaux français. La télé n’existe pas, et on doit se contenter du récit d’une course cycliste, dans laquelle un certain Guy Lapébie était au rang des favoris. La course sur route se déroule sur le parcours sans difficultés de l’autodrome de l’Avus. Aussi, cinquante coureurs se présentent groupés, au terme des 100 kilomètres, pour se disputer la victoire. Le sprint massif est marqué par de nombreuses irrégularités : le Français Guy Lapébie, tiré par le maillot par un Italien au moment où il produit son effort, devra se contenter de la médaille d’argent et restera inconsolable, malgré la victoire de son compatriote Robert Charpentier, et la médaille d’or par équipes (Robert Dorgebray, sixième, contribuant à ce succès français). Il en parlera toute sa vie… comme si ce cauchemar avait occulté tout le reste. Il lui avait manqué l’or, et il en voulut au vainqueur français de l’épreuve Robert Charpentier. Certes il rentra d’Allemagne avec 3 médailles, ce qui le plaça dans les grandes figures de ces JO, en compagnie de Jesse Owens ( 4 en or), mais il avait manqué celle qui lui tenait le plus à cœur. La défaite individuelle éclipsa les victoires collectives arrachées avec des « équipiers » qui devinrent ensuite des adversaires ! Le Bordelais le plus célèbre après Jules Ladoumègue avait manqué son rendez-vous avec la gloire… et il faut bien admettre que quelles que soient les déclarations qui suivent, on en conserve une blessure d’amour-propre plus terrible que toutes les autres. Les apparences étaient trompeuses, comme si l’été effaçait la lucidité collective.

Durant tout l’été, il y a 76 ans, les fastes nazis passèrent en effet pour des élans pacifistes et on vanta, sans état d’âme, les qualités de l’organisation allemande, et on passa à côté du fait essentiel que constitua le début de la guerre en Espagne. Étrange similitude avec ce qui qui se passe en 2012 puisque la Syrie se place dans le même processus, avec un régime dictatorial tentant de dompter une révolte populaire. L’attentisme international et la lâcheté institutionnelle permirent de ne rien voir et surtout de ne rien faire. Il est vrai que la haine raciale ciblée existait en Allemagne, mais aussi aux Etats-Unis, puisque Jesse Owens ne cessa de redire, contre la propagande institutionnelle, que Hitler l’avait salué alors que Roosevelt l’avait oublié ! A-t-on véritablement changé ? A-t-on modifié cette sélection médiatique des indignations ? A-t-on renoncé à magnifier ce qui rapporte plutôt que ce qui coûte ? A-t-on la certitude que l’opium des peuples a un autre goût que celui de 36 ? Les étés des JO restent dans les mémoires, car l’addiction aux épopées hante les esprits. Surtout en période de crise où les victoires peuvent estomper la désillusion de la réalité !

Quelques heures avant que Guy Lapébie soit vaincu par une traîtrise coupable, le Parlement français avait siégé de manière exceptionnelle pour mettre en œuvre les promesses électorales du Font Populaire. Une loi organique paraissait au… J.O. (journal officiel), le 10 août et elle tentait d’imposer l’une des priorités gouvernementales : « L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, âgés de 6 à 14 ans révolus ! » Elle rendait l’école obligatoire jusqu’à 14 ans ! Ce texte ajoutait, dans son article suivant : « Les enfants ne peuvent être employés ni être admis dans les établissements commerciaux ou industriels visés à l’article 1 ci-dessus avant l’âge de 14 ans ». Cette décision valait tous les titres olympiques, mais elle a été ensevelie sous tellement d’autres annonces ! Qui connaît le nom du porteur de ce texte ? Jean Zay… il ne figure sur aucun palmarès et quand il monta à la tribune du Parlement pour convaincre de l’importance de cette mesure, il était loin des événements berlinois. Il n’imaginait pas un instant qu’il serait la victime des idéaux que portaient cette année là les Jeux Olympiques. Huit ans plus tard il sera en effet assassiné par les Français qui avaient loué les mérites des 89 sportifs nazis médaillés et soutenu les exactions de Franco… Comment ne pas y penser dans cet été d’euphorie communicative ?

Cette publication a un commentaire

  1. pc

    Eh oui! notre grand et beau pays si fier de sa culture ancestrale autorisait encore le travail des enfants il y a 76 ans….
    Pendant ce temps ce si grand et beau pays des USA traitait des Jesse Owens, des Louis Armstrong, des Duke Ellington et bien d’autres comme des sous-hommes….
    Et dans nos livres d’histoire on nous parle de civilisation et de modernité….

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