La crise prive plus de 50 % des familles françaises de vacances hors de leur lieu habituel de vie. C’est la réalité de cet été qui se ressent dans les statistiques, et qui pèse sur le moral des opérateurs habitués à accueillir cette clientèle populaire, au pouvoir d’achat modeste, mais tout de même important pour les chiffres d’affaires. A Créon, si on veut parcourir le monde, faire des rencontres étonnantes ou partager des moments originaux, il suffit de se rendre au Point relais vélo le long de la piste cyclable Roger Lapébie et de regarder passer les utilisateurs de cet axe « routier » qui traverse la Gironde d’Ouest en Est. Pas un passage ne ressemble à un autre, pas un objectif n’est identique et surtout toutes les nationalités empruntent celle qui est devenue « LA » piste cyclable de Gironde ! C’est un régal, surtout si on prend le temps de discuter avec celles et ceux qui viennent quérir leur monture ou celles et ceux qui font une halte pour reprendre des forces en se restaurant.
Dans cette catégorie, on ne trouve pas les fanas du contre la montre qui tentent des exploits sportifs sur un espace rectiligne. Ils filent bon train dans un sens ou dans l’autre, l’espoir au cœur, puisque dans un sens ou dans l’autre, à partir du moment où ils sont arrivés à Créon, ils ont franchi le « col » (hauteur 110 m) et empruntent une descente… Ces cyclistes pressés, très souvent porteurs du maillot d’un club, ou similaire à celui d’une équipe plus ou moins récente du Tour de France, ignorent tout et n’ont qu’un obsession : rentrer au plus vite chez eux ! Eux sont des sportifs solitaires, ou en petit nombre, qui luttent contre le temps quand beaucoup essaient de le prendre ! Leurs vélos techniquement évolués et colorés dénotent un souci de légèreté, à moins que ce ne soit rien qu’une volonté d’imitation des champions références. Ils snobent les flâneurs âgés qui traînent sur le ruban noir d’enrobé, juchés sur des montures d’un autre âge.
Eux, quel que soit la météo ils viennent faire un « tour » à Créon pour dérouiller leurs articulations ayant connu des jours meilleurs. Ces « habitué(e)s » adorent raconter l’histoire ordinaire de leur vélo, avec lequel ils forment un vieux couple. Un amour de jeunesse, une fidélité sans faille, une attention particulière de l’un pour l’autre, des efforts sans fard et surtout un respect mutuel : leur « mariage » a su résister aux modes et à l’usure du temps. Ces cyclistes viennent taper la causette au Point relais vélo… avec l’espoir qu’un confrère ou une consœur de passage leur permettra de conter pour la énième fois leur roman, où on vante des… patins de frein et où les positions du plaisir ont évolué avec l’âge ! J’aime bien rencontrer ces authentiques passionnés, qui fêtent leurs noces d’or sur la piste où l’on se met en danseuse. Ils observent, eux aussi avec admiration, les nouveaux aventuriers au long cours qui partent heureux pour des courses lointaines.
Désormais, et cette année beaucoup plus qu’antérieurement, les « caravaniers » du vélo passent entre l’Océan et la Méditerranée par le point relais vélo de Créon. Avec une petite tête blonde ou deux dans une remorque plus ou moins sophistiquée, de lourdes sacoches sur les deux roues, des porte-bagages méticuleusement chargés, les couples partent vers des horizons nouveaux avec leur progéniture. Ils ne naviguent pas au compas ou à la boussole « Entre Deux Mers », puisque la route est toute tracée parmi la houle des collines ou l’écume des lisières des forêts. Le phare majeur de La Sauve leur sert de repère avant de quitter définitivement le port de plaisance créonnais. Ils roulent avec le strict minimum, vers des haltes nocturnes imprévues, mettant ainsi librement les voiles avec le système ordonné des vacances ; Français bien entendu, mais aussi Australiens, Américains ( le matériel est un cran au-dessus des autres), Espagnols tentant de conjurer la crise par un périple bon marché, Néerlandais désireux de se gaver de soleil, Canadiens fraternels, Belges conviviaux … La mondialisation de la piste Lapébie relève de moins en moins du mythe mais chaque jour davantage de la réalité. Les discussions sont plus ou moins laborieuses, mais tellement plaisantes, avec ces gens ouverts, décontractés, simplement heureux de passer d’une société ordonnée à ce qui relève de l’épopée à taille humaine.
Vélos couchés pour dos fragiles, tandems sur mesure ou standards pour couples solidaires dans l’effort, VTT égarés provisoirement sur le macadam, bicyclettes sages de liaison accrochées au confort roulant des camping-caristes, engins de compétitions fictives se mêlent à des gamins ou des ados sur des bicyclettes inadaptées à leur taille. Toutes et tous ne font aucun complexe à se déplacer à la force des mollets quand d’autres ne rêvent que de machines vrombissantes.
Avant de se retrouver assis sur les tables de pique-nique sous les arbres pour échanger après une promenade, rollers aux pieds sur le même espace que les cyclistes, des jeunes filles s’installent sous les arbres. Mélange des générations, mélange des passions, mélange des nations : sur la piste cyclable, le tissage du lien social, grâce au vélo, est permanent. On partage le simple bonheur d’être libre de vivre l’été autrement…
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Vous parlez de La Sauve : il y a également dans ce charmant village une petite gare avec énormément d’espace qui ferait aussi , si c’était aménagé, une superbe halte vélo et le bonheur de bien des utilisateurs de la Piste Lapébie. Malheureusement, tout le site est laissé complètement à l’abandon, en friche et l’espace sert parfois de parking occasionnel aux engins communaux ou de la DDE. Je sais que vous connaissez le problème et que vous vous battez pour que cesse cette situation honteuse. Mais nous ne sommes plus sur Créon et c’est bien dommage…