Dans l'attente de vraies mesures en faveur du vélo

Extraits de l’intervention faite en clôture du Congrès des Villes et Territoires cyclables
(…)La vedette de ce congrès 2011, c’est – je crois – l’intelligence collective. Celle que nous avons mise en mouvement pendant ces trois jours. Celle qui irrigue la vie du Club, celle qui, sur le terrain local, fait avancer les sujets quand là-haut on fait du sur place. On patine ou on fait du rétropédalage. L’intelligence collective est un carburant puissant. Notamment pour un réseau d’acteurs comme le nôtre, qui, sans les contributions de ses adhérents et de ses partenaires, le métissage des compétences et la diversité recherchée des champs de connaissances, ne serait qu’un groupe parmi d’autres. Plus que jamais l’avenir a besoin du vélo – nous l’avons vu à travers de nombreux exemples et de riches contributions – mais plus que jamais, cet avenir doit être conçu et construit en faisant appel à l’intelligence collective qui reste, en période de crise, le carburant du progrès collectif.

Comme Gérard Mermet l’a montré, un monde nouveau est déjà en place. Il est important de l’avoir à l’esprit quand on réfléchit à l’avenir, notamment à un horizon 2030 qui peut paraître lointain… Et qui en réalité arrivera très vite. En effet, avec son regard de sociologue, qui était déjà venu nous éclairer il y a tout juste dix ans, il a montré que pendant cette décennie écoulée, tout ou presque a changé ! Nous avons changé de siècle, de millénaire, d’échelle, de vitesse, de climat… de références. Même la théorie de la vitesse est tombée. Mais il a aussi rappelé que ce monde qui change, partout, entraîne des ressentis différents. Et que les Français détiennent le record de pessimisme !

Notre monde moderne globalisé est en effet anxiogène ! Tout particulièrement dans nos sociétés occidentales qui ont le sentiment de ne plus être en capacité de piloter convenablement leur développement dans un monde complexe. Notamment parce qu’elles constatent qu’elles perdent du poids économique et de l’influence culturelle. On n’ose plus : on subit ! On ne s’indigne plus : on admet ! On ne bouge plus : on attend !

Notre monde moderne globalisé est complexe et il laisse sur le bord de la route les plus fragiles, les plus vulnérables. Ceux qui lui payent déjà un lourd tribut. Et qui – si rien n’est fait – paieront de plus en plus cher les conséquences d’un changement climatique qui est plus qu’un thème de colloque, et pas seulement la préoccupation des bobos des centre-ville, comme on voudrait le faire croire.

Ce changement climatique et ses conséquences doit être une ardente préoccupation ! Or nous constatons, notamment en France, que ces sujets montent et… retombent ! Les Grenelle passent et les difficultés demeurent. Elles menacent même de s’amplifier car les promesses des Grenelle ne sont pas tenues. La crise a bon dos pour abandonner en route tout à la fois les promesses et les personnes fragiles. Elle devrait au contraire inciter tous les décideurs à mettre à l’agenda des engagements massifs en faveur des énergies renouvelables et du développement de cet outil de mobilité citoyenne alternative qu’est le vélo ! C’est une évidence. Et pourtant… Qu’attend-on ?

La dimension citoyenne du vélo, c’est bien sûr la pratique d’un mode non polluant mais c’est aussi et surtout l’implication des citadins dans l’activation d’une mobilité responsable solidaire, libre et durable. Des mots oubliés qui reviendront nécessairement sur le devant de cette scène politique que l’on voudrait nous faire déserter !

Ce congrès, je l’espère et je le ressens pour ma part comme tel, donne de l’espoir et surtout l’envie d’agir. C’est aussi l’occasion, tous ensemble, de redire et de démontrer que décidemment : oui, le vélo a de l’avenir ! Oui le vélo entre dans la mosaïque de solutions pour l’avenir ! Et plus que jamais l’avenir ne peut pas se passer du vélo !

Oui, il y a une ardente nécessité à changer nos modes de vie, nos pratiques de mobilité, nos représentations, nos modes de gouvernance… PAS MOINS ! Et nul doute que la crise stimule notre intelligence collective.
Au Club des villes et territoires cyclables, nous sommes convaincus que le vélo est un des meilleurs outils pour permettre une mobilité citoyenne socialement durable.
J’insiste sur cette dimension : « socialement durable ».
Car si l’équité est une des composantes du développement durable, dans sa définition première, force est de constater qu’elle se perd vite en route…

Nous voulons donc solidairement réaffirmer aujourd’hui qu’il faut une politique vélo dans notre pays, précisément, pour avoir une véritable mobilité socialement durable !

Les ménages précaires,
les personnes vulnérables,
les générations futures, ont besoin du vélo !

La précarité, les nouvelles vulnérabilités se trouvent aujourd’hui davantage dans les périphéries que dans les centres des villes. La mobilité, en outre, croît sur ces territoires parce que les activités s’y implantent davantage que dans les villes centres. Les ménages commencent à rechercher des solutions pour diversifier leur mobilité. Apportons leur une offre de services faisant la part belle au vélo, et non des promesses dont nous savons tous qu’elles ne pourront être tenues : je pense notamment aux réseaux de transport public très coûteux, trop lourds pour ces zones peu denses où vit 40% de la population.

Comme l’a montré Catherine Frustié hier dans la restitution du séminaire de prospective organisé par le Club en juin dernier, les solutions de mobilité dans le périurbain ne peuvent faire table-rase de la voiture. Elles doivent composer avec elle et non faire croire qu’on pourra s’en passer tout de suite. La voiture n’a pas de limite sur ces espaces qu’elle a façonnés pendant tant d’années, mais ce sont les limites de son usage – coût du carburant, coût de l’entretien – qui forcent les ménages à envisager d’autres solutions. En tout cas à bien les accueillir si nous avons le courage politique de les porter !

Si nous avons le courage aussi de revoir nos modèles de gouvernance traditionnels et si, pour répondre à ces besoins avec des solutions croisées, faisant appel au public et au privé, nous favorisons des gouvernances fédérées entre elles. Sans tabou et sans cloisonnement inutile.

Dans ce paysage complexe, le vélo dispose de beaucoup d’atouts. Gérard Mermet, sociologue, nous les a redits avec force : autonomie, praticité, rapidité, fluidité, santé, économie, écologie, potentiel…Il faut donc engager une vraie politique nationale en faveur du vélo dans notre pays. Nous l’appelons de nos vœux depuis la création de cette association, mais il semble que le Gouvernement ait pris la mesure de cette nécessité et souhaite engager un plan de rattrapage.

La préparation de la prochaine Loi de Finances constitue aussi un contexte privilégié pour adopter ces mesures de fort impact sur l’économie et l’environnement. Et bien entendu, les prochaines élections présidentielles constituent également le bon moment pour interpeller les candidats sur des projets d’avenir en leur proposant de les verser à leur programme. C’est ce que nous allons faire dans les prochaines semaines au Club des villes et territoires cyclables.

Cette stratégie nationale doit notamment s’appuyer sur un dispositif d’incitations économiques, à l’instar de nos voisins européens.Des incitations économiques de nature à encourager l’acquisition d’un vélo pour tous, mesures que nos voisins ont mises en place, parfois depuis plusieurs années, notamment pour les déplacements des salariés. Le vélo entraîne avec lui de nouveaux équilibres, un nouveau partage de l’espace public, un autre mode de production de l’information, elle aussi davantage partagée. Il permet de conjuguer liberté et égalité car il est à la fois individuel et collectif, particulier et public, autonome et connecté aux autres mobilités.

En 2009, nous avions lancé un appel à La Rochelle, non pas un SOS sur ces terres maritimes, mais – à l’adresse du Président de la République – une invitation à rejoindre plus de 1000 élus représentant 1000 collectivités. Et nous avons eu le sentiment qu’il n’était pas entendu. Cependant, deux ans plus tard, nous nous disons qu’il l’a sans doute été puisqu’un groupe de travail interministériel a été mis en place et qu’il a repris l’ensemble de ces propositions.
Et c’est grâce à vous ! A vous, mes collègues élus locaux. A vous, techniciens des collectivités. A vous, animatrices et animateurs associatifs. A vous toutes et à vous tous, passionnés par la construction d’un monde meilleur. Grâce à la force des réalisations de vos territoires qui donnent aux propositions que nous portons collectivement toute leur crédibilité et leur influence.

Le vélo fera bouger les lignes. Le vélo trouvera sa place légitime dans l’inter modalité. Il n’est pas LA solution. C’est modestement l’une des solutions

« Ceux qui ont fait du vélo savent que dans la vie, rien n’est jamais plat » Ce constat de René Fallet s’applique parfaitement à la vie des collectivités territoriales actuellement. Rien n’est jamais plat, mais avec des idées simples, un brin d’espoir et le soutien de tous, on parvient toujours au sommet.

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

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Cet article a 2 commentaires

  1. batistin

    Et bien monsieur Darmian, quel enthousiasme !
    Si tout le monde allait à vélo, évidemment que nos villes seraient plus agréable à vivre. Ne serait-ce que pour faire cesser le bruit des moteurs automobiles, l’idée même du vélo est un vieux rêve bucolique :
    « Si l’on construisait actuellement des villes, on les bâtirait à la campagne, l’air y serait plus sain. » …
    Sauf qu’effectivement, moi qui vit à la campagne, et dans un pays de côtes pour le moins raide puisqu’à 800 mètres d’altitude, l’idée même du vélo ne m’enchante que dans un sens: celui de la descente.
    Il faudrait peut-être que l’on nous monte en autobus, suivis d’un camion chargé de vélos, et que chacun ensuite descende à son rythme.
    Je ne me moque pas, je réfléchis.
    En effet, à l’entrée des villes, si elles devenaient toutes interdites aux voitures, il faudra bien construire d’immenses parking.
    D’immenses zones, vides la nuit, entre les lotissements dortoirs situés à quelques kilomètres et les centres de travail.
    A savoir si le « centre ville » correspond bien aujourd’hui à quelque chose.
    Il y a ceux qui y travaillent et qui y dorment, et puis il y a aussi l’histoire et l’architecture de nos villes et villages.
    Architecture patrimoniale dont on ne se défait que pour atterrir dans des lotissements relativement récents et dont le seul intérêt historique résidera dans l’amour de la ligne droite et du croisement en rond point.
    La vie se fait aussi beaucoup dans les centres commerciaux excentrés, abrités par des grandes marques de distribution ( Carrefour, Auchan, etc).
    Ces « centres commerciaux » au nom prémonitoire peut-être vu la désaffection des centre villes dont souffre parait-il le petit commerce de proximité.
    Tout est à disposition dans ces galeries marchandes, abritées des intempéries et dont l’ambiance prépare les futurs astronautes à vivre dans des bulles sur la planète Mars. Le ciel, le soleil et la pluie, on s’en fout !
    On y fait des kilomètres à pied, pour aller chercher une baguette de pain, puis on revient vers sa voiture sagement garée au fin fond d’un parking.
    Une forme avancée du centre ville de demain.
    A la différence que l’on ira à vélo de la voiture au pain.
    Il ne reste plus qu’à construire d’immenses verrières au-dessus de nos villages et d’y coller une belle enseigne lumineuse, et tout est dit.

    Plus sérieusement, monsieur Darmian, le combat pour l’utilisation du vélo ne pourra pas se passer d’une refonte en profondeur de notre mode d’espérance !
    Les villages se sont construit près des châteaux forts, ou le contraire, pour courir se mettre à l’abri derrière de lourdes portes, celles aussi des villes du moyen age entourées de fortifications, et de là est née une vie, un centre.
    Aujourd’hui, nous assistons à une multiplication de « villages » ou « quartiers urbains » où l’utilisation du vélo serait agréable, si chaque quartier avait ce qu’offre un centre ville. L’autonomie, l’autarcie et de quoi se distraire le soir venu.
    En fait, si le vélo est fédérateur de liens sociaux, il est aussi précurseur du travail qu’auront à accomplir les urbanistes pour excentrer.
    Décentraliser, en quelque sorte !
    Ce qui est vite dangereux quand chaque commune se trouve responsable de sa poste, de son musée, de son cinéma, de ses anciens, de ses jeunes et de ses pauvres. Sans parler de la piste cyclable.
    Le vélo est fédérateur de liens sociaux, poussera à donner vie à chaque quartier à portée de mollets, certes, mais risque aussi d’ouvrir un peu plus la voie royale pavée d’hypocrisie décentralisatrice.
    Celle que nous sert l’Etat déresponsabilisé de tout.
    Le vélo risque bien d’être le cheval de bataille de ceux qui prennent l’avion pour nous rendre visite et nous voir pédaler, « dans la choucroute »…
    Enfin, le coq est bien le seul oiseau qui chante les pieds dans la merde, alors pourquoi ne pas nous enorgueillir de chercher et de trouver (!) des solutions raisonnables , quand les grands de ce monde ne connaissent plus que le plaisir solitaire du vélo d’appartement.
    « Quand on partait de bon matin… avec Paulette… »

  2. REIX J-P

    Oui le vélo est bien un mode de transport d’avenir !
    Merci pour votre action visant à tenter de le faire comprendre.
    J-P

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