Guytou, mon ami d’enfance, avec lequel j’ai usé mes culottes sur les bancs de l’école publique de Sadirac, qui ne nous a pas apporté, à tous deux le même destin est mort ce matin. Il a cessé de souffrir ! En son hommage, voici le texte que j’avais écrit sur lui il y a un peu plus d’un an sur ce blog… J’avais une affection sincère et profonde pour lui. Tout le Créon qui a du cœur et un vrai sens du partage de la vie sera peiné par cette nouvelle :
« De trop bonne heure au cœur de l’été, il est là, les mains dans les poches, au carrefour stratégique que les bâtisseurs anglais ont voulu boucler en construisant de toutes pièces la ville neuve de Créon au Moyen Âge. C’est depuis de longues années sa spécialité : savoir tout ce qui se passe véritablement dans la cité, par l’observation des allées et venues, ou simplement par la rencontre avec les autres. « Guytou », que je connais depuis une soixantaine d’années, vient de résister à un cancer et il respire avec encore plus de plaisir qu’antérieurement cet air matinal de juillet qu’il pensait avoir perdu. J’aime bien Guytou qui, lentement, s’est fait à l’idée que son copain de la communale était devenu … le Maire du village. D’ailleurs, il a mis beaucoup de temps, lorsqu’il a une confidence à me faire, à m’appeler « Jean-Marie » … alors que bien d’autres, qui me connaissent depuis moins de temps, ont vite compris que j’ai du mal à vivre le caractère officiel de mon rôle.
« Guytou » me fait un signe de loin : « Eh ! Jean-Marie… Jean-Marie ? Tu sais… » Et il me donne le dernier événement qu’il vient d’apprendre au croisement des rues centrales, dans un langage assez synthétique. J’aime bien la « Gazette de Guytou », surtout en ce moment, car j’attends avec impatience la révélation qui va changer le quotidien du Créonnais. Un matin, quand j’effectuerai la centaine de mètres en diagonale qui sépare mon domicile de la mairie, il m’interpellera, avec l’attitude d’un agent secret devant confier un numéro de code à un personnage qu’il juge digne de le recevoir.
« Eh ! Jean-Marie… C’est bon, il en vient ! » Guytou est détenteur du scoop de l’été. Il a appris, car il ne peut plus lui-même se rendre dans les endroits secrets de son enfance, vers Calamiac, que les premiers cèpes sont arrivés dans le sous-bois. Même si ça paraît étonnant, la vie estivale des « demeurés » va changer. Ils tiennent leur revanche puisque, certains habitués ayant déserté le village natal, ils auront le privilège inestimable, au retour des « voyageurs », de leur conter des trouvailles forcément extraordinaires.
En effet, la « pousse » est très en avance cet été, car elle résulte d’une exceptionnelle alchimie. Le cèpe surgit dans le lierre, les fougères ou la mousse avec une simultanéité de paramètres que « Guytou », licencié es-champignons, possède à merveille. Il a fait la fac la plus sûre, celle du ventre creux qui, dans votre enfance, vous conduit inexorablement à devenir savant pour trouver de quoi remplir une assiette. Et ce n’est pas du roman à quatre sous, mais un constat objectif. Mon informateur possède le sens aigu du climatologue et, pour lui, l’été que nous venons de vivre ne manque pas d’attrait.
La pluie durable, répétée, pénétrante, lui procure un premier renseignement scientifique. « Guytou », réfugié sous les arcades, affiche la gueule de Popeye, sans sa pipe légendaire, et regarde les pluies de hallebardes déferler, jaugeant si elle va véritablement pénétrer jusqu’au cœur des forêts. Le météorologue qui sommeille en lui sait fort bien, depuis mardi, que la période est extrêmement favorable. Il ne lui faut pas de savants calculs d’astrologie pour constater sur le calendrier de « La Poste » que la lune sera montante dès la semaine prochaine. Elle sera même pleine le 6 août. La conjonction d’une période très humide, d’une montée en puissance de l’astre lunaire, et du retour de la chaleur, met « Guytou » en état d’alerte permanente. L’alchimie de la pousse des cèpes est en route. Il lui faut donc maintenant faire du renseignement… Et objectivement, c’est le plus dur, car les mouchards sont rares ! Ils cacheront soigneusement l’arrivée « prématurée » du trésor de l’automne.
Il ira donc demain, à la fraîche, faire une reconnaissance sur un « replat » comme on dit en Bordelais, pour s’assurer de la précocité de la pousse de ces cèpes noirs dodus, bedonnants, fermes, qui procurent une jubilation inimitable à celle ou celui qui les découvre. S’il ne trouve rien… il restera muet, me faisant de loin une simple dénégation de la main. En revanche si la récolte a été prometteuse, il m’indiquera, sans mot dire, avec ses doigts le nombre des cèpes cueillis. Ce message discret lui évitera de lâcher massivement l’information, car « Guytou » adore être celui que l’on prend pour un « couillon » mais qui laisse les autres à mille lieues par le fait qu’il sait ce que les autres veulent savoir, et qu’ils ne sauront que quand il le voudra ! C’est un « homme de pouvoir » qui a compris que la force repose dans l’analyse, puis dans l’interprétation, et enfin dans la capacité que l’on a de transmettre ou de ne pas transmettre le résultat. Demain, la Gironde en général, et une grande partie des zones rurales françaises, vont entrer dans la période des longues traques matinales pour initiés.
Le matin, « Guytou » sera au rendez-vous du carrefour de son été pour guetter l’info, la seule qui vaille, celle qui détonne au milieu de l’exploitation du torrent des faits divers, tous plus horribles les uns que les autres, car elle emplit les gens sincères de bonheur. Lui se moque totalement de savoir que Nafissatou Diallo va demander des millions de dollars pour le préjudice subi. Son trésor, c’est un bon panier de cèpes à têtes noires installés sur un lit de feuilles de fougères, qu’il pourra étaler en rentrant sur la table de la cuisine… Le reste n’a aucune importance ! »
Texte écrit en Juillet 2011 !
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Il ne passera plus au point relais vélo voir « comment va la petite », ne m’interpellera plus quand je passe au canton. Il me manquera, c’est certain.
C’est avec une immense tristesse que j’apprends la nouvelle. Guytou avait pour moi une tendresse particulière, car comme pour toi, Jean Marie, quand il me voyait aller à la Mairie ou passer sous les arcades il me disait « eh jean » et nous parlions de divers sujets. Une figure du Créonnais vient de s’éteindre. Le Football Club du Créonnais est en deuil aussi car il a toujours était présent. Tu nous manques déjà Guytou.
Guitou je le connaisais tres bien car il a travaille tres logtemps à la salaison LE CREONNAIS
c etait un homme tres vaillant ,toujours pret à rendre service, et qui j amais ne raller quand il fallait travailler plus et quand il sortait les jambons des etuve le dimanche
je me souviens encore des ( oui monsieur) qui s adressait à mon frere
que son ame repose en paix et toutes notre amities et soutien à sa famille
adieu GUYTOU!!!!!!!!!!!!!!!
je vous remercie pour ces bons mots car mon oncle aimait Créon et les créonnais. Surtout tous ceux qui s’arrêtaient pour discuter de tout et de rien avec lui sous ces arcades qu’il affectionnait tant. il va effectivement manquer à tous ceux qui le connaissaient mais comme le dit jean-marie il ne souffre plus et ces déjà un soulagement.Merci à vous pour avoir eu une pensée pour lui. Pour lui rendre un dernier hommage mercredi 8 aout à 15h30 à l’église de créon. Toute ma famille ce -joint à moi pour vous dire encore merci.
Ces petits moments d’échanges sous les arcades, ce sourire généreux qui accompagnait sa gentillesse…oui, tu nous manques déjà.
Merci à tous pour le soutien de notre famille.Merci à toi Jean-marie pour ce beau texte.Une autre figure emblematique qui disparait avec le joli banc qui se vide petit à petit.Plus de souffrance,plus de douleur.Pour lui rendre un dernier hommage merci à tous de vous rendre en l’église de Créon Mercredi 8 aout à 15h30.Merci encore à vous je vous embrasse.