Dans une chronique récente je faisais référence à la responsabilité du gouvernement Fillon dans les difficultés que rencontraient certains établissements publics à la suite des endettements toxiques provoqués par les propositions de Dexia. Elle m’a valu un commentaire hautain et dédaigneux d’un anonyme pourtant aisément identifiable (toujours en ligne) me donnant une capacité de raisonnement d’un enfant de 4 ans… car bien entendu le gouvernement sorti n’a absolument aucune responsabilité dans le désastre bancaire actuel. Il a seulement effacé avec des milliards de fonds publics les errements d’organismes ayant une tendance à se goberger de bénéfices réalisés avec des pratiques scandaleuses et ensuite à mutualiser ses pertes vertigineuses liées à des constats a posteriori. L’État UMP avait placé à la tête d’absolument tous les organismes bancaires des dirigeants issus de ses, rangs tant au niveau local qu’au niveau régional ou national. Ce n’est pas un hasard si, par exemple, la commission de déontologie a donné son feu vert à la nomination de Xavier Musca à la direction générale déléguée du Crédit Agricole. Pour ce faire, ses membres ont apprécié la compatibilité de cette nouvelle fonction avec les responsabilités de l’ancien directeur du Trésor au cours des trois dernières années (il savait absolument tout sur le système bancaire international et français), comme l’impose la loi. En juillet 2009, l’intéressé avait déjà quitté ses fonctions au Trésor depuis cinq mois pour rejoindre le secrétariat général de l’Elysée. « S’il avait encore été au Trésor en juillet 2009, un avis négatif aurait été rendu car le Trésor a la tutelle sur le secteur financier français », souligne une source informée. En d’autres termes, la période durant laquelle Xavier Musca était au cœur du sauvetage des banques françaises est prescrite. Par la suite, à l’Elysée, « ses fonctions étaient essentiellement internationales. En dehors des difficultés de la banque franco-belge Dexia, il n’est intervenu sur aucun dossier intéressant des établissements bancaires français », poursuit cette source. Dont acte. Mais était-il, par exemple, totalement ignorant de l’énorme scandale qui agite au niveau international le système bancaire ?
Ignorait-il, comme tous les grands dirigeants bancaires, les manipulations de l’indice Libor (1) qui ont fait que des millions d’emprunteurs ont payé un taux d’intérêt faussé entre 2005 et 2009. Un scandale, dont personne ne parle véritablement (même à gauche!), qui vient rappeler qu’aucune réforme sérieuse n’a été engagée depuis la crise financière de 2008 pour mettre au pas la finance. Au contraire, on n’arrête pas de remplacer des dirigeants coupables par d’autres qui sont bien au courant, mais qui ont l’avantage d’avoir des solutions pour masquer les réalités.
En Grande-Bretagne, où Cameron a lancé un appel au « détournement » des grandes fortunes françaises, cette affaire est vécue comme une catastrophe : elle révèle en effet que la fameuse « City » est pourrie, que la cathédrale de la finance globale repose sur des mensonges. Et ça, il est impossible que Bercy ne l’ait pas su et que Bercy n’ait jamais effectué une enquête sur le degré d’implication des banques françaises. En Grande Bretagne, une enquête est en cours. En Allemagne, c’est aussi le cas. Et en France ? Toutes les grandes banques jouent avec le fameux LIBOR pour « London interbank offered rate » (« taux interbancaire proposé à Londres »), qui est le taux d’intérêt de référence auquel les banques, sur le marché de Londres, se prêtent entre elles (pour des prêts sans garantie et d’une durée de moins d’un an). Ces taux sont publiés une fois par jour, à 11h45, par l’Association des banquiers britanniques. Ils sont calculés en fonction de ce qui se pratique dans un groupe de 18 banques, le « panel ». Le Libor est donc une moyenne, calculée à partir de transactions réelles réalisées par ces 18 banques, et après avoir éliminé les taux les plus bas et les taux les plus élevés, pour éviter les anomalies. La fraude porterait sur le Libor mais aussi sur l’Euribor, un taux similaire, calculé pour la zone euro, sur la base d’un panel de 57 banques. Or, toutes les collectivités locales françaises ont leur taux d’intérêt calculés sur l’une ou l’autre de ces références. Même un enfant de 4 ans comprendrait que durant les dix dernières années les gens qui comptent savaient et ont laissé faire !
Certaines banques du panel, à commencer par la Barclays, ont menti sur les taux pratiqués, faussant donc le Libor. La Barclays a commencé en 2005, une fraude pure et simple, visant à générer des taux favorables aux positions prises par les traders de la banque…. Elle planquait en effet ainsi les fragilités de certaines banques. Les conditions des prêts à court terme (« liquidités ») que s’accordent entre elles les banques dépendent en effet de nombreux facteurs ; l’un d’entre eux est la confiance que l’on place dans la solidité financière de la banque emprunteuse. Si celle-ci présente un risque, le taux exigé d’elle est plus élevé. Pendant la crise financière, certaines banques ont vu leurs conditions d’accès aux liquidités interbancaires se durcir. Alors, tout le monde trichait, avec le soutien silencieux des gouvernements. L’enquête vise d’autres banques du cartel, qu’elles soient britanniques (Royal Bank of Scotland, Lloyds Bank…) allemande (Deutsche Bank…), américaines (Citigroup, JPMorgan Chase…), suisse (UBS)… en attendant d’éventuelles banques françaises, qui ont prêté à la très grande majorité des collectivités territoriales !
Les dirigeants des banques, eux, risquent donc la démission forcée s’il est prouvé qu’ils ont trempé dans ces manipulations. Mais au-delà ? Et il n’est pas certain que cette enquête débouchera sur des inculpations. Depuis le début de la crise de 2008, aucun patron de grande banque n’a encore été condamné au pénal, malgré les irrégularités qui ont été découvertes… et des remplacements multiples et variés mais allant toujours dans le même sens politique. A quand une commission présidée par Lionel Jospin sur la moralisation de la vie économique ? Même un gamin de 4 ans comprendrait que la complicité depuis une dizaine d’années est patente et irréfutable entre le politique et les banques. Le gouvernement ne savait rien…n’avait rien vu… rien entendu et surtout rien dit ! Comme pour PSA !
(1) écrit avec les infos de http://www.rue89.com/2012/07/10/banques-le-scandale-du-libor-explique-aux-nuls-233739
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Merci pour cette petite leçon d’économie financière qui a demandé à son auteur des compétences un peu supérieures à celles d’un enfant de 4 ans….
Pour être le signataire présumé d’un commentaire hautain et dédaigneux vous donnant une capacité de raisonnement d’un enfant de 4 ans… je me dois de vous répondre.
Je ne m’étendrai pas sur les indices cités, ancien cadre supérieur de la banque, précisément spécialisé dans l’anticipation des index monétaire et obligataire, je risquerai de sombrer dans la technique, la composition des indices étant nettement plus complexe que votre démonstration fort sommaire, donc fort discutable. Si vous souhaitez lancer le débat je me tiens à votre disposition épistolaire.
Un peu d’histoire d’une page des évolutions constantes de la Caisse des dépôts que je connais parfaitement. La banque Dexia n’est que la fille putative du Crédit Local de France créé par la Caisse des dépôts à une époque où le Président de la Commission de surveillance était un député socialiste. Pierre Richard, ancien cadre de la CDC, devenu PDG de Dexia, mégalomane de renom mais particulièrement malin, a su créer «sa» propre banque avec l’argent et l’accord de la CDC, ceci avec la bénédiction de cette fameuse Commission …
L’histoire ne date donc pas d’hier mais de plus de vingt ans. Je puis vous certifier que ceci a bien fait rigoler les cadres de la CDC !
S’appuyant sur l’excellent positionnement du Crédit Local de France, partenaire fiable et reconnu des collectivités locales qui avait été jusqu’à créer de manière totalement désintéressée la CAECL (Caisse d’Equipement des Collectivités Locales) Dexia a rapidement cédée aux sirènes du profit profitant par ailleurs d’un réseau privilégié de la CDC, celui du Trésor Public en charge de la comptabilité des collectivités locales dont le rôle de conseil est justement reconnu.
Dès le début de la dérive, les comptables du Trésor ont alerté les élus sur le risque que présentaient ces mécanismes de financement, défenseurs « par culture » d’une dette parfaitement maîtrisée donc totalement étrangère à des mécanismes d’indexation douteux. Je me souviens sur ce point d’une longue discussion tenue avec le Receveur municipal d’une métropole du sud ouest qui avait identifié le risque pour l’avenir.
Ce sont donc les élus qui ont décidé SEULS du choix de l’indexation de leurs emprunts trop contents de voir les remboursements un temps minorés.
J’ai travaillé dans les mêmes locaux que les salariés de Dexia qui se vantaient de «vendre» des montages financiers incompréhensibles des élus.
Non monsieur, je ne suis ni hautain ni dédaigneux, j’ai simplement la prétention d’avoir eu la chance de fréquenter ce petit monde de près et, aujourd’hui dégagé de tout devoir de réserve, j’entends montrer du doigt ceux qui ont mis notre pays dans la situation où il se trouve.
Ce n’est pas vous que je mets en cause, vous avez le courage d’alimenter régulièrement votre blog, vous y évoquez souvent des choses intéressantes, des idées que je partage, mais même de gauche je ne puis me résigner à cautionner votre tentation de soustraire les élus à leurs responsabilité.
Bel exemple: http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/07/11/l-islande-traque-ses-neo-vikings-de-la-finance-responsables-de-la-crise_1728783_3214.html
Et aussi: http://www.avaaz.org/fr/la_fin_de_limpunite_des_banquiers_fr/?bcjyWab&v=15970
Nicolas Sarkozy s’engageait e0 supprimer les diorts de succession de 95% des me9nages dont le patrimoine re9sulte du travail, apre8s impf4t paye9. Les 95% dont parle Madame Lagarde sont en re9alite9 95% des he9ritiers dans le cercle familial. Ce n’est pas la meame chose. La promesse de N.Sarkozy incluait les he9ritiers hors ligne directe, or ils ont e9te9 exclus. Pour neveux/nie8ces le re9sultat est une minime baisse des diorts. Pour les parents e9loigne9s ou les non parents les diorts demeurent 60%.