Osons le bouleversement territorial

L’acte 3 de la décentralisation promis par François Hollande risque d’être plus compliqué que prévu surtout dans le contexte actuel où, pour être clair, les collectivités territoriales vont devoir forcément diminuer leurs compétences et leurs investissements. La république a été fondée sur justement un maillage du territoire par des élus locaux prenant en charge, grâce à leurs qualités reconnues par le suffrage universel, tous les aspects de la vie sociale collective. Ce qui permet d’affirmer que durant des décennies il n’y a eu que trois collectivités : la commune, le département et la nation. La région est venue se rajouter à ce trio qui ne comprenait que conseillers municipaux, conseillers généraux et députés…élus au suffrage uninominal majoritaire, le seul qui permette de lier une personne à une fonction. C’était parfois injuste, certes, mais c’est en définitive le système le plus simple, le plus clair et le plus en adéquation avec les principes fondateurs de la démocratie. Au fil des ans, la situation s’est complexifiée, puisque la loi a permis l’empilage « d’outils » techniques à utilité variable, comme les syndicats intercommunaux aux objectifs plus ou moins concrets, et les communautés de communes. Il ne s’est jamais agi de créer de nouvelles « collectivités territoriales », mais de mettre en place des coopérations sur des objets définis comme l’adduction d’eau potable, l’électrification rurale, les déchets, la voirie… Il s’agissait de faire face, comme ce fut le cas dans le monde rural, aux investissements mutualisables pouvant améliorer la qualité de vie sur des territoires plus large que celui des communes. Cette étape historique a été d’une grande utilité dans l’aménagement du territoire national, mais elle a vite dégénéré quand les objectifs initiaux  (investissements et exploitation non profitable) ont été modifiés et qu’est apparu la notion de services au public. En fait, après la phase équipement est arrivée celle des structures de confort, que l’État n’a pas pu, plus que n’a pas voulu, prendre en compte. L’intercommunalité s’est tournée vers les collèges (années 60 et 70), la petite enfance (90-2000), la culture, le sport, l’environnement (assainissement notamment), l’éducation (RPI, transports scolaires)….pour se placer non plus en « outil », mais en « remplaçant structurel » des communes réputées trop faibles pour gérer dans leur seul périmètre des services coûteux et surtout normalisés à outrance. Cette montée en puissance de la notion d’une intercommunalité tournée vers le « consommateur » et non plus vers le « citoyen » va être au coeur du débat des prochains mois. Un climat détestable est en train de s’installer au plus haut niveau, et dans le camp de la Gauche, où chacun cherche non pas à revenir aux objectifs fondamentaux de la gestion publique mais à la défense corporatiste de son pré carré ! En fait, il faudrait une fois encore partir de valeurs fortes républicaines pour bâtir une pyramide beaucoup plus efficace. Voici plusieurs propositions

1.- Revoir la notion de « mandat électif » et la réserver, avec les indemnités qui vont avec, aux seuls élus du suffrage universel direct (communes, départements, régions, nation dont le sénat). Ces élus bénéficieraient d’une indemnité de fonction fixée par l’État chaque année avec une adaptation aux réalités économiques. Cette indemnité couvrirait toutes leurs autres activités, puisque les syndicats et les intercommunalités ne sont que des outils de la gestion. Inutile d’entrer dans des processus complexes de mode d’élection à deux niveaux qui vont encore altérer la lisibilité du suffrage universel. A Paris, ils préparent des usines à gaz électorales qui finiront pas exploser à la figure de leurs créateurs, tellement elles vont éloigner le citoyen des élus qui sortiront de ces systèmes.  Bien évidemment, le cumul des mandats serait aboli, puisqu’on ne pourrait participer qu’à la vie d’une strate de la vie collective (communes, département, région, nation).

2.- Ne plus parler de compétences mais de « filières sociales », en confiant à chaque strate une filière à gérer. La commune aurait la petite enfance, l’urbanisme, les compétences transférées de l’État (état-civil), toutes les formes d’apprentissages éducatifs, sportifs, culturels, les biens communs de base (eau, air, environnement, déplacements de proximité…) et le lien social sous toutes ses formes. Le Département doit maintenir ses efforts en faveur de l’équité territoriale, en modulant ses aides selon la richesse des collectivités aidées (limitation du nombre de dossiers, Coefficient de solidarité, contrat territoriaux…), la cohérence sociale (enfance, solidarité de proximité, handicap, personnes âgées), les seules voies de circulation, l’éducation (collège), l’économie d’équilibre territorial (artisanat, commerces de proximité), les apprentissages culturels et sportifs, la diffusion culturelle, la lecture, l’éducation (collèges) . La région aurait en charge les filières économiques (industrie, agriculture, agro-alimentaire, tourisme ( ?…), les lycées et les universités, l’environnement, les transports dans leur totalité (accord avec les agglomérations), le sport régional et national, la culture (conservatoires…), les ports, la recherche.

4.- Toutes les formes d’intercommunalités seraient délégataires par convention et uniquement par convention de parties de ces « filières sociales » qu’elles mettraient en œuvre dans le cadre de schémas départementaux ou régionaux pour inciter à la cohérence territoriale. Elles seraient gérés par un conseil réduit, comprenant les maires ou leur représentant, qui traiteraient la filière prise en charge. Le système des sociétés publiques locales serait préféré à celui des structures type syndicats ou commuanutés.

5.- L’État ne reprendrait que ses fonctions régaliennes : éducation, justice, sécurité (police, gendarmerie, sapeurs pompiers professionnels, finances publiques, santé…) Tous les contrôles à postériori seraient supprimés (sous-préfectures dans leur totalité) avec simplement un rôle préventif dans tous les domaines (directions départementales uniquement) destinés à responsabiliser des élus redevables de leur gestion devant les électrices et les électeurs. Le Sénat deviendrait le parlement des collectivités territoriales (élection par strate de collectivités) et ne serait pas soumis au non cumul des mandats puisqu’il faudrait avoir exercé un mandat local pour être candidat (e) au scrutin proportionnel.

Ces propositions sont imparfaites et nécessitent encore beaucoup de travail, mais elles constituent un socle de discussion… modeste, car la réforme pourrait être encore plus profonde !

Cet article a 2 commentaires

  1. Marie-Claude JEAN

    Une réflexion sur une sujet complexe qui remet tout à plat. D’accord pour cette remise à plat NECESSAIRE. Le problème de cette réforme « territoriale », c’est l’empilement, et même actuellment, je n’ai pas l’impression qu’on s’en dégage. La réforme engagée est du plâtrage ou replâtrage. Ta proposition a le mérite d’envisager le tout, de l’Etat aux communes. La Révolution avait posé les principes sur lesquels nous fonctionnons encore. Le temps des déplacements a totalement changé, la communication aussi, quant à l’économie, la mondailisation n’est pas une nouveauté, on la confond avec le libéralisme sans borne qui a fait de « mondialisation » un épouvantail. Nous sommes sur la planète terre, dans une communauté : la France.
    Puisse notre députée dont tu es le suppléant nous amener vers une réflexion prenant de la hauteur ! Qu’en est-il des groupes de réflexion qu’elle cotoie à Paris? Repensons la France dans l’Europe, repensons nos collectivités territoriales et la représentativité.

    Merci Jean-Marie de nous amener vers la réflexion

    A+
    Marie-Claude

  2. Monnerie

    Ces propositions constituent un socle intéréssant pour aller plus avant dans la légitimité de la responsabilisation des élus locaux et surtout le point de la supression du controle a posteriori est pertinente(elle figurait dans la loi Deferre/programme de 2° année droit!!!)

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