La nouvelle bibliothèque de Villiers-le-Bel a failli partir en fumée jeudi soir. Deux adolescents ont été surpris vers 20 heures, alors qu’ils venaient d’y mettre le feu. Ils avaient disposé une bûche sous le bâtiment, qui est construit en bois, sur pilotis. Les policiers qui patrouillaient dans le quartier ont étouffé les flammes avant qu’elles ne se propagent à l’édifice. Les deux garçons, âgés de 17 et 15 ans, ont été interpellés et placés en garde à vue au commissariat. L’enquête n’a pas encore déterminé s’il s’agissait d’un jeu ou s’ils avaient l’intention d’incendier la bibliothèque Aimé-Césaire, et pour quel motif.
Cette dernière avait été inaugurée le 20 septembre 2008, moins d’un an après l’incendie criminel qui avait dévasté la précédente bibliothèque Louis-Jouvet, lors des émeutes de novembre 2007. Cet événement, parmi beaucoup d’autres, démontre le niveau de la misère culturelle de la France. Incendier une école, une bibliothèque, une installation sportive, dénote une pauvreté éducative dramatique. En effet, qu’ils n’aient pas un seul instant mesuré la dimension de leur geste vis à vis d’un lieu hautement symbolique peut s’expliquer par la bêtise, mais ce n’est pas suffisant. Elle doit s’accompagner d’une profonde haine d’un système social qui privilégie une forme de réussite reposant sur d’autres critères que ceux que porte la société actuelle.
Une bibliothèque n’est en effet « utile » que si le système social parvient à persuader les enfants et les jeunes de l’intérêt profond de la lecture, en une époque où ils se gavent d’images faciles, diffusées par des médias envahissants. Sans prétendre interpréter un geste relevant probablement de l’inconscience absolue, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il s’agit d’un acte révélateur de la pauvreté culturelle qui s’installe dans le pays. Elle avance comme une tache d’huile, dans l’indifférence quasi générale, puisque pour l’instant une très grande majorité de familles dans la détresse se contente du pain et des jeux ! Pas question de leur jeter la pierre, car dans la mouise on n’a jamais la lucidité pour effectuer les choix, mais il faut pourtant convenir d’une indifférence désormais irrémédiable à l’égard de tout ce qui concourt à l’éveil, à l’amélioration de la pensée ou de la réflexion, car c’est jugé superflu… alors que c’est ce qui sauve souvent les jeunes du naufrage social ! Et ce n’est que très rarement une histoire de coût ! On en arrive à penser qu’il s’agit d’un échec de l’éducation. La jeunesse française s’enfonce lentement dans la désespérance.
Ainsi, deux collégiennes âgées de 12 et 13 ans ont tenté de mettre fin à leurs jours dans leur établissement scolaire de Draveil (Essonne). L’une d’entre elles a été hospitalisée. Les deux jeunes filles ont été retrouvées inanimées dans les toilettes du collège-lycée Eugène-Delacroix. Elles ont avalé ensemble, et à forte dose, des médicaments contre l’hypertension, précise LeParisien.fr. Selon les premières investigations, la plus jeune, déjà auteur de plusieurs tentatives de suicide, aurait entraîné sa camarade, fragile et influençable. Selon certains témoignages, rien ne laissait penser que l’ado de 13 ans (la plus âgée) tenterait de se suicider, indique le site du Parisien. Plutôt bonne élève, elle est cependant depuis peu en échec scolaire. Elle serait moins gravement touchée que sa jeune camarade. Les policiers du commissariat de Draveil, chargés de l’enquête, vont désormais tenter de connaître les raisons exactes de cette tentative de suicide… Peut-on rapprocher les deux faits qui se sont produits dans la même zone ? Chaque jour, ces phénomène se reproduisent dans le secret médiatique et n’interpellent guère le reste de la population. On y voit simplement, dans le premier cas, un besoin supplémentaire de répression, et dans le second, une fragilité personnelle. Ce sont les meilleures façons de se dédouaner de constats beaucoup plus culpabilisants.
Quels moyens pour la culture dans notre pays ? Quand cessera-t-on de penser que les dépenses liées à tout ce qui enrichit l’esprit relèvent du gaspillage ? Qui reviendra sur la suppression dans les écoles des personnels spécialisés pour tenter de réduire la fracture éducative ? Qui osera dépasser les cas individuels, pour rappeler que les collèges souffrent de leurs dimensions inhumaines, et que le suivi individuel y devient impossible ? Qui prend en compte les dégâts induits de la crise ? A-t-on une évaluation réelle des mesures destructrices du lien social prises depuis quelques années ? Est-on sûr qu’elles ne coûteront finalement pas davantage qu’elles ne semblent rapporter sur le moment ? En tous cas, pour avoir été confronté en tant qu’élu aux deux situations, j’en mesure la signification profonde : une jeunesse en errance et en désespérance n’a jamais rassuré sur l’avenir d’une nation.
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Tout à, fait d’accord avec ce billet.
On perd le respect des choses dont on se sent écarté. Et c’est particulièrement sensible chez les ados en quête de reconnaissance.