L'affront fait par la jeunesse française à son école

Le débat essentiel sur l’éducation risque bien de se résumer à l’ajout de l’apprentissage du… code de la route dans les lycées, afin de réduire le coût du permis de conduire. Après avoir totalement saccagé le système éducatif afin de le privatiser, car c’est là la motivation constante de la Droite depuis une décennie, il s’agit maintenant de faire entrer de plain pied dans l’école le système marchand de la concurrence. Bien évidemment, personne n’est en mesure d’expliquer à l’UMP comment on augmentera les heures de cours avec… moins d’enseignants, moins de moyens financiers et un étranglement des collectivités territoriales qui, mais c’est oublié, financent le fonctionnement des collèges et des lycées! C’est débile, révoltant, démagogique mais dans certaines familles on y verra une opportunité de régénérer le pouvoir d’achat par une économie matérielle imposée par le milieu économique (réseau des autos-écoles). C’est aussi oublier que durant des dizaines d’années le service national a permis, en temps de paix, à des milliers d’appelés de bénéficier de la conversion des permis militaires en permis civils ce qui a facilité l’intégration et plus encore l’accession à l’emploi. Il existait aussi des cours d’alphabétisation et de remise à niveau pour ceux qui étaient détectés comme analphabètes ou en détresse lors des fameux 3 jours ! Le système éducatif avait seulement ses missions de base et n’était pas, comme chaque fois qu’un événement se produit, l’exutoire des échecs sociaux. Mal ou même pas du tout formés à ce qui reste le fondement de leur métier, la pédagogie, des cohortes d’enseignants tentent de tenir bon dans la tourmente qui ne cesse de s’abattre sur leur rôle.
En fait, incompris, malmenés par une mentalité générale ayant intégré le culte du « ratio », du « résultat », de la « prime », ils sont « sonnés » par des combats disproportionnés. Il leur faut en effet continuer à apporter l’espérance d’un monde meilleur pour les jeunes qui leur sont confiés, en sachant que tout est fait pour détourner l’attention des familles sur les véritables enjeux éducatifs…essentiels ! La lutte est inégale, et on sent bien que les enseignants ayant une culture sociale se raréfient, laissant planer une impression d’indifférence générale néfaste. Ils ont le moral dans les chaussettes et savent consciemment ou inconsciemment qu’ils seront les victimes immédiates d’un redoublement sarkozyste ! Sauf s’ils ont reçu un lavage de cerveau ministériel ou s’ils se croient investi d’une mission politicienne rémunératrice, les fonctionnaires dits d’autorité sont angoissés sur l’avenir de l’administration qu’ils ont en charge. Au cours d’entretiens officiels ou officieux, certains recteurs ou bien des inspecteurs d’académie, passés par les écoles normales dans leur jeunesse, s’épanchent sur une situation intenable. On en rencontre même qui aspirent à la retraite pour ne pas se retrouver en contradiction avec leurs convictions profondes… qui existent encore !
En fait, en lisant Le Monde comme il est de coutume dans ce milieu, ils découvriront avec, je l’espère, un nœud à l’estomac, l’étude de ce week-end sur le vote des 18-24 ans qui reflète, plus que le palmarès démagogique des lycées, basé sur la réussite au bac et dont la seule utilité est de faire vendre du papier aux grands journaux, le véritable niveau de l’école publique. Obnubilés par les « objectifs de réussite » inspirés de la sphère économique, les enseignants de moins en moins syndiqués et solidaires devraient tous afficher dans leurs lieux de rencontre les indications de vote des jeunes en faveur de Marine Le Pen ! Selon le CSA, elle devancerait d’un point François Hollande sur ce segment de l’électorat. Sur 100 électeurs âgés de 18 à 24 ans, le candidat PS obtiendrait aujourd’hui 25 % des voix, le président sortant Nicolas Sarkozy 17 %, Jean-Luc Mélenchon 16 % et François Bayrou (MoDem) 11%. Au cours des derniers mois, la candidate du Front national (FN) est celle qui a enregistré la plus forte progression auprès des 18-24 ans. Au quatrième trimestre 2011, ils étaient 13 % à se dire prêts à voter pour elle, selon le CSA. Au sein de cet électorat, elle a gagné 13 points en quelques mois. Une hausse d’autant plus remarquable que, dans le même temps, les intentions de vote en faveur de la candidate du parti frontiste ont légèrement reculé dans l’ensemble de l’électorat, tous âges confondus, passant de 16 % à 15 % entre le quatrième trimestre 2011 et mars 2012. plus d’un jeune sur 2 voterait donc à droite! La réalité est là : dure, désastreuse, angoissante.
Le système éducatif a produit des citoyennes et des citoyens dénués de toute réflexion et de toute culture historique.
Il est vrai que l’Histoire sera bientôt remplacée dans les programmes par…le code de la route, et que la philosophie ou la littérature ne sont plus considérées comme des matières « productives »… Quand les étudiants ont été les détonateurs de mai 68, quand les lycéens ont fait capituler des gouvernements RPR sur des réformes liées à leur avenir, on constate désormais que Marine le Pen est l’égérie d’une jeunesse ayant inculqué les contre-valeurs de la République. Certes elle n’est pas la seule à avoir, ces derniers mois, gagné d’importantes parts de marché auprès des jeunes électeurs. Ce phénomène concerne aussi, bien que avec une moindre ampleur, Jean-Luc Mélenchon. Fin 2011, le candidat du Front de gauche était crédité de 5% des voix parmi les 18-24 ans. Aujourd’hui, il recueillerait 16% dans cette frange de l’électorat. N’empêche que les dégâts sont considérables. Il serait beaucoup trop facile et même malhonnête de reporter la responsabilité de cette mutation sur les seules mesures gouvernementales UMP.
Le mal est beaucoup plus profond. Et quitte à me faire encore plus haïr, je pense que la destruction des écoles normales, la suppression du recrutement avec engagement de servir l’Etat, le départ des scènes citoyennes locales des enseignants, le non engagement syndical ou politique confondu avec une démarche de neutralité professionnelle, l’absence de pratiques citoyennes réelles dans les établissements, le désintérêt pour les débats pédagogiques jugés inutiles et tabous, l’absence de réflexion sur la place des élèves dans le système éducatif, le manque de motivation pour un métier choisi faute d’autres solutions universitaires ont causé des ravages. Les campagnes de dénigrement organisées, le refus de parler du fond pour sans cesse revenir sur la forme, constituent aussi les racines du mal qui frappe la jeunesse. Mais bien évidemment, j’en assume les conséquences et… les représailles !

Cet article a 3 commentaires

  1. Nadine Bompart

    Et un programme complet pour l’école, un!!!
    http://www.placeaupeuple2012.fr/reponse-du-front-de-gauche-de-leducation-a-la-fcpe/
    Ça a une autre gueule que le permis de conduire qui, lui, sera gratuit!!!!! Pas de « service civique » en échange… 6 mois, c’est long!
    Quand aux jeunes qui votent le Pen, je n’y crois pas. C’est encore un montage pour privilégier le « vote utile » pour les deux grands…. Nos jeunes sont loin d’être aussi cons, Internet a remplacé les « humanités » scolaires et, croyez-moi d’expérience, ils en savent plus et sont beaucoup plus informé que nous ne l’étions à leur âge….!

  2. J.J.

    Avec le code de la route à l’école, notre Géotrouvetout à Ressort vient encore d’inventer l’eau chaude et le fil à couper le beurre : théoriquement, les élèves sortant de CM2 doivent être en possession de l’APER (Attestation de Première Education routière).
    Puis en 5°, ils passent l’ASSR1 (Attestation de première Education Routière) qui permet entre autre de passer le BSR( Brevet de Sécurité Routière) indispensable pour conduire légalement un 2 roues motorisé (moins de 50 cm3).

    Enfin en 3°, l’obtention de l’ASSR2 leur permettra de suivre une formation pour le permis en auto école.

    Evidemment tout cela est possible dans la mesure où les enseignants peuvent trouver le temps de préparer ces épreuves et d’acquérir les compétences nécessaires à leur mise en oeuvre.

    Cette mission est devenue quasi impossible avec la régression de la qualité de travail dans les établissements d’enseignement public.

  3. J.J.

    Errata ASSR = Attestation Scolaire de Sécurité Routière et non Attestation de Première Education Routière (APER)

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