Le principe est immuable en politique : quand vous ne voulez pas être attaqué sur un sujet, il suffit de lancer la polémique sur un autre ! Plus que jamais, durant cette campagne présidentielle, la campagne menée par le camp sarkoziste UMP repose en permanence sur la mise en avant de ce type de communication. En 2007 c’était déjà le cas avec le choix de l’exploitation de « l’insécurité », déclinée sous tous ses aspects. Depuis cette semaine tout sera fait pour que l’autre, c’est à dire, dans la donne sociale, l’immigré, soit au cœur des préoccupations des électrices et des électeurs. Le choix n’a rien de hasardeux puisque toute l’Histoire porte cette triste réalité voulant que le peuple cherche en temps de crise un bouc émissaire parmi les plus faibles qui l’entourent. L’immigré individuel ou l’immigration en général constituent depuis l’origine des temps le sujet essentiel de celles et ceux qui n’ont aucun autre espoir de convaincre. Il suffit de souffler sur les braises faciles des égoïsmes, du racisme, de la bêtise, pour allumer le feu de l’intolérance.
Fils et petit-fils d’immigré j’ai connu dans mon enfance, et même parfois plus tard, cette haine latente qui tient lieu d’argumentation quand la raison disparaît. Mon père en avait beaucoup souffert quand des élus, plus proches de l’idéologie pétainiste que de celle de l’UMP, l’avaient insulté publiquement. Ma mère en garde une cicatrice profonde et moi j’ai toujours eu du mal à m’en débarrasser. Mon fils est parti à son tour avec son amie au Québec. Il y est un immigré comme des milliers d’autres avant lui. Est-il aussi peu recommandable que le furent son grand-père et son arrière grand-père ? Doit-il être considéré comme un sous produit de l’espèce humaine? Constitue-t-il un enjeu politique ?
Nicolas Sarkozy n’a plus rien de crédible à annoncer à ces gens qu’il a simplement bernés par pure idéologie. Il va donc attiser les instincts les plus bas avec le seul et unique espoir qui lui reste : fédérer autour de lui les ignorants, les réactionnaires de toutes obédiences, les aigris, les analystes de comptoirs et surtout toutes les victimes de peurs ancestrales inavouées. C’est sa dernière chance de voler les voix instinctives qui transforment les autres en victimes expiatoires de leurs propres errements de conscience. En fait, comme le veut une longue tradition historique, on ne traite jamais les causes de l’immigration, mais on se contente de dispenser des placebos pour tromper le mal ! On n’échappera pas à de faux débats, à de fausses solutions, à une vraie démagogie sans aucune prise sur les réalités. Mais peu importe ! Là où il faudrait véritablement revenir sur les termes du discours Mitterrandien de Cancun le 20 octobre 1981, on étale des mesures aussi lamentables qu’inutiles, car ne s’attaquant jamais aux causes réelles des flux migratoires.
« Le premier message est simple mais, apparemment, il n’est pas encore entendu partout. Il dit ceci : Il n’y a et ne peut y avoir de stabilité politique sans justice sociale. Et quand les inégalités, les injustices ou les retards d’une société dépassent la mesure, il n’y a pas d’ordre établi, pour répressif qu’il soit, qui puisse résister au soulèvement de la vie » avait déclaré Mitterrand. Il faut avoir visité certains pays ou avoir vécu leur fonctionnement social pour admettre que l’on veuille le quitter. Que pouvait-on reprocher aux « macaronis » ou aux « espadres » qui fuyaient les régimes de Mussolini ou de Franco ? Que doit-on faire des femmes et des hommes qui fuient d’abord le racisme, la haine, pour souvent découvrir qu’ils sont les mêmes dans le pays où ils espéraient s’en débarrasser ? Affirmer que des gens quittent de gaieté de cœur leur ville, leur village pour aller vers un territoire inconnu relève de l’imaginaire simpliste, mais ils le font pour d’impérieuses nécessités. A l’heure actuelle, elles sont parfois politiques mais très souvent économiques. L’absence totale d’espoir constitue la première cause des départs vers des mondes réputés meilleurs, puisque ce qui est inadmissible ou insupportable dans une société reste un rêve inaccessible dans certains pays. Cette disparité terrible, entretenue par le monde du profit qui a besoin de matières premières au plus bas prix possible, ou par des consommateurs étranglés par le même monde du profit recherchant le meilleur marché en permanence.
Quand chaque jour la faim vous tenaille et vous poursuit, quand la mort rôde en permanence dans votre environnement, quand vous avez le sentiment injustifié mais conforté par les images venant d’ailleurs que vous ne pouvez que vivre mieux dans un autre contexte, l’immigration apparaît comme la seule solution. Lors d’un séjour dans un village burkinabé, loin de tout, sans eau, sans électricité, sans médecin, sans école, avec des récoltes aléatoires, j’ai tenté de persuader des jeunes qu’il ne leur fallait pas croire que leur vie serait plus agréable chez un marchand de sommeil, sans travail et sans accès aux soins en France… Aucun d’entre eux, à part les embrigadés de l’islamisme, n’a voulu me croire et ne me croira jamais.
Quelle coopération ? Quel respect pour les cultures ? Quelle reconnaissance pour les productions ? Quels accords pour l’éducation ? On ne freinera l’immigration clandestine ou officielle que quand elle sera maîtrisée au départ, et pas traitée à l’arrivée. Inutile d’envisager que le dialogue Nord-Sud reprenne, sauf si un jour les pays émergents solidaires nous renvoient à notre mépris dominateur constant. Le colonialisme a changé de visage, mais il perce sous les pratiques économiques…et dans tous les propos d’un candidat président travailleur « immigré », au service d’intérêts bien différents des intérêts de celles et ceux qui ne font que rêver d’un quotidien meilleur que celui que leur promet le monde dans lequel ils ont eu le malheur de naître ! Il n’y a que celles et ceux qui l’ont vécu qui peuvent vraiment l’admettre.
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« Inutile d’envisager que le dialogue Nord-Sud reprenne »
Mais au fait, que devient l’Union Européenne et Méditerranée, relancée en grande pompe par qui vous savez en 2008, pour la modique somme de combien déjà ?
Un rideau de fumée de plus !
C’est grâce à tous ces rideaux qui se referment sur le Grand-Théâtre Elyséen, que l’Auguste, ce clown et empereur IIIème en pire, nous tirera sa révérence.
J’ai souvent pensé que le candidat président n’aurait sans aucun doute jamais rêvé, en se rasant le matin, devenir un jour Président de la République Française, si la France n’avait pas accueilli avec bienveillance et générosité tous ceux qui rencontraient des problèmes dans leur pays d’origine ! Mais Monsieur Sarkozy de Nagy-Bocsa a, sur ce sujet, comme en beaucoup d’autres matières, …la mémoire qui flanche !
Je ne l’ai pas vécu, et pourtant j’en suis persuadée. J’ai vécue à l’étranger mais, comme votre fils, c’était par plaisir et non pas par obligation, pour que ma famille n’ai pas à mourir de faim.
Je vomis ce monde ou le « bonheur » de quelques-uns se fait au détriment de tous les autres, ou nos « démocraties » aident des tyrans et des affameurs à garder le pouvoir, confisquant à leur seul profit (et au nôtre) toutes les richesses de leur pays, et ou en plus on se permet, lorsqu’ils échouent ici, chez nous, de leur cracher à la gu… avant de les refoutre à l’eau!
Devenir immigré, chômeur, que voilà des projets exaltants, des avenirs pleins de promesses, des choix que l’on assume de gaieté de cœur.
On sait bien que c’est par pur plaisir que l’on va pointer à la feu ANPE, quand les patrons ont réalisé ce que les habitués de la bourse appellent si aimablement « prise d’interêt ».
On sait bien que c’est une grande jouissance que de risquer sa vie à traverser une frontière, risquer l’emprisonnement dans les camps de rétention, aller camper sous de sommaires bâches en plastique et survivre grâce à la solidarité des habitants du pays (qui prennent des risque eux mêmes en procédant à cette aide).
Que voilà de gratifiantes occupations !
Il ne manque pas d’estomac le petit Attila de la rue du Faubourg Saint Honoré quand il stigmatise avec tant de hargne l’immigré.
Sans doute n’en connaît -il pas personnellement ou n’en n’a t-il pas lui même dans sa famille ?
Au fait, que fait-il notre Attila au petit pied pour célébrer la journée de la femme ?