Enseignants : voici la remise des prix !

Ce que le candidat Sarkozy disait en 2007: « Je souhaite qu’ils [les enseignants] aient la possibilité de travailler plus pour gagner plus », écrivait le candidat Sarkozy dans son programme de 2007.
« Je m’engage si je suis élu à leur [les enseignants] rendre la considération qui leur est due, à revaloriser leur carrière, si dévalorisée depuis un quart de siècle (…) Je m’engage à ce que ceux qui voudront travailler davantage puissent gagner plus », déclarait-il encore dans son discours de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), le 2 février 2007. Ce doit être une sinécure d’écrire ses discours puisque 5 ans plus tard, à quelques jours près, il suffit de ressortir les mêmes thèmes pour les mêmes annonces; et voici ce que dit en 2012 le candidat devenu Président : « Je propose que désormais, tout enseignant qui voudra travailler davantage puisse le faire, avec 26 heures de présence dans l’établissement au lieu de 18 heures heures de cours aujourd’hui, avec en contrepartie une revalorisation de 25 % de son salaire, soit près de 500 euros par mois », pour lutter contre « la paupérisation des enseignants de France ».
Avouez qu’il a de la suite dans les idées, faute d’en avoir dans les actions ! Et ce n’est guère surprenant. Ces répétitions révèlent en effet tout le contenu du quinquennat et la philosophie générale de la Droite dans tous les pays du monde : « quand on ne peut pas les convaincre par les idées, on achète des pans entiers de la société ! » En permanence, l’UMP en revient au fric avec le sentiment que, dans le fond, nous arrivons au bout de la politique puisque désormais il n’est question que de mettre le prix ! Tout s’achète. Même à crédit !
Les enseignants sont donc pour Nicolas Sarkozy « achetables », pour les revendre ensuite aux parents des élèves, ravis de constater que l’État paiera à leur place le « gardiennage » de leur progéniture. En 5 ans il a bien réussi à acheter les restaurateurs avec une baisse électoraliste de la TVA ; à acheter une quantité impressionnante de hauts fonctionnaires avec des attributions massives de postes rémunérateurs ; à acheter les catégories des nantis avec de généreux boucliers… il achète sans vergogne, et promet un argent que nous n’avons plus et qu’il n’a pas voulu accorder quand il le pouvait ! Il existe un livre remarquable qui décrit parfaitement la stratégie de démantèlement de l’enseignement public. « Main basse sur l’école (1) » précède désormais un autre constat « main basse sur les enseignants »… mais le succès ne sera plus le même. Il a déjà beaucoup dépensé pour acquérir le soutien de celles et ceux qu’il hait au moins autant que les journalistes !
En fait, il veut simplement, par des propositions sonnantes et trébuchantes, « acheter » le statut des enseignants et les obliger à choisir. C’est là le piège « politique » tendu, car il oppose l’intérêt individuel à l’intérêt collectif. Il a déjà fortement fragmenté ce qui était traditionnellement un « corps enseignant ». Il ouvre sous les pieds des profs en tous genres une chausse trappe dangereuse, puisqu’ils ont désormais un choix à exercer, en acceptant ces propositions que personne ne sait comment payer : perdre leur statut pour gagner plus ou garder leur statut et leur salaire en gagnant moins ! En fait, il suffit de réfléchir un tout petit peu pour sentir le danger. Un calcul simple révèle une nouvelle supercherie.
Le principe sarkoziste consiste à inciter les profs à rester dans les établissements quelques heures de plus, pour « meubler » les lieux désertés par des personnels dont on a supprimé les postes (surveillants d’antan, animateurs socioculturels, personnels d’encadrement…). Avec quatre suppléments de salaire de profs de 25 %, il est facile de comprendre que l’on finance une bonne part de l’ emploi d’un jeune au chômage ! Dans des établissements autonomes, où les proviseurs et principaux pourraient choisir leurs équipes, établir les besoins, des « enseignants-nouvelle-formule » assureraient leurs cours classiques et seraient présents 26 heures pour répondre aux besoins, si la proposition formulée par M. Sarkozy voyait le jour.
Ces « enseignants-nouvelle-formule » se chargeraient alors du soutien, de la remédiation, de l’approfondissement, du travail en commun, des rendez-vous avec les parents et mille et une autres tâches que le chef d’établissement jugera nécessaires à la vie de son collège ou de son lycée. C’est à dire que l’on va encourager les enseignants à justifier des suppressions de postes dévolus aux jeunes qu’ils forment et qui restent… sur le carreau, faute de propositions mises aux concours ! Le nouveau travailler plus pour gagner personnellement plus pourrait également se transformer en « gagnez plus pour que les autres gagnent moins ! ». Beaucoup ne gagneraient pas plus puisqu’ils ont déjà souvent, par la force des choses, des heures supplémentaires à assumer ! Mais pour la Droite populiste, la considération repose sur le fric. La qualité des conditions de travail, la sensation d’être respecté pour ce que l’on apporte aux autres, le plaisir de faire fonctionner un ascenseur social par la réussite et non plus par l’échec, le sentiment que la société vous soutient dans votre travail, la reconnaissance morale des enjeux portés par un métier, constitueraient des prises de position plus fortes qu’un chèque ne réglant aucun problème de fond, comme c’est le cas depuis… 5 ans !

(1) de Eddy KHALDI et Muriel FITOUSSI.

Cet article a 6 commentaires

  1. J.J.

    Parce qu’il y a des enseignants qui croient réellement qu’il est possible qu’on leur verse 500€ de plus par mois, même avec un temps de présence plus long?
    D’abord où prendra-t-on l’argent, avec un état de faillite endémique (dixit le premier sinistre) ?
    Et ça coûterait moins cher que d’embaucher 60 000 enseignants ?
    Et ça résorberait le chômage ?
    Est-ce qu’il réfléchit, le nouveau ancien futur candidat-président ?

    Question idiote, pour réfléchir il faut avoir les moyens de mettre au moins deux idées sensées l’une au bout de l’autre….

  2. mlg

    Cela prouve surtout une méconnaissance totale du métier d’enseignant!

  3. Michel d'Auvergne

    « Plus c’est gros… Plus ça passe » . Il occulte volontairement, d’ailleurs, la différence entre temps de présence et charge de travail. En direction des imbéciles la ficelle passe comme toutes celles utilisées à l’envi pour stigmatiser telle ou telle catégorie sociale. La seule faute que l’on pourrait reprocher à notre système d’enseignement serait son manque d’efficacité à fabriquer plus de citoyens digne de ce nom, aptes à décider intelligemment, (ça reste à argumenter…). On aurait pas ce clown grotesque inféodé à l’anti-démocratie pour la gloire des marchés !
    Pour ce qui est du financement, rassurez-vous JJ. la magnifique NKM par le biais de l’hebdo « LE POINT » offre un début de solution en se tournant vers les collectivités locales ! Je n’en dit pas plus car je vois le rouge sang monter aux joues de Jean-Marie…
    Chalut d’Auvergne !

  4. Christian Coulais

    Lu et entendu sur France INTER, puis sur Là-bas si j’y suis !
    Deux émissions radiophoniques à entendre ou réentendre, celles de mercredi 29 et jeudi 1er mars. Qu’on se le dise !
    « A partir des mille discours de Nicolas Sarkozy prononcés entre 2007 et 2012* (10 millions de mots !) l’historien et linguiste Damon Mayaffre, spécialiste de l’analyse du discours politique, assisté par ordinateur, livre ses conclusions. Réjouissant et consternant. »
    http://www.la-bas.org/
    *le dernier en date, ce matin dans le 7/9 de France Inter, NS, l’invité de cette matinale.

  5. Emeline

    Par chance, nous les pauvres professeurs des écoles avons donc été oubliés dans ce savant dispositif, puisque déjà présents plus de 26h devant élèves… Même niveau d’étude, même grille indiciaire mais bizarrement pas les mêmes conditions, ni les mêmes primes, que dans le second degré… A quand l’égalité?

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