Deux situations concrètes dans une seule journée. Toutes deux désespérées et révélatrices de la réalité sociale actuelle. La première concerne une femme seule avec deux enfants, en fin de droit d’indemnisation pôle emploi, qui ne sait plus au 15 février comment elle va payer son loyer et les frais qui vont avec. Elle travaillait de temps en temps en intérim au gré des contrats, mais depuis le début de l’année, plus rien…sauf une angoisse qui monte ! Elle entre dans des semaines terribles avec à la clé l’expulsion qui se profile.
L’autre doit plus de 9000 euros de loyer avec, elle aussi, deux enfants, un mari dont elle divorce. Avec 1 300 euros de revenus elle est dans l’incapacité de faire face aux dépenses d’une famille qui sera, elle aussi, expulsée début mai car le jugement vient de tomber ! Chaque jour, les appels au secours se multiplient et les services sociaux du Conseil général croulent sous les sollicitations. Impossible de trouver des solutions à des situations désespérées, mais le pire c’est que dans quelques semaines le nombre des « cas » de ce type enflera ! On sent qu’un tsunami social se profile pour le début de l’été, et encore plus pour le dernier trimestre de l’année 2012. La seule certitude, c’est que le pire est…à prévoir !
Dans un tel contexte les appels émanant de la fondation Abbé Pierre prennent toute leur importance, mais ils se perdent dans le désert de l’indifférence.
L’égoïsme réputé salvateur conduit les gens à se boucher les oreilles ou à détourner le regard. Bien des familles sont pourtant au bord de l’implosion en raison de la pression exercée par des réformes inutiles et absurdes. La vague du profit a miné une société qui avait encore quelques systèmes régulateurs. Des propositions aussi fortes que la construction de 500 000 logements par an « dont 150 000 vraiment sociaux », le renforcement de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) ou l’encadrement des loyers, notamment à la « relocation », figurent dans le plan que j’ai personnellement soutenu et signé. Le problème, car il y en a un, c’est que seul un État fort, cohérent et efficace peut agir en ce sens.
Inutile de faire de grands effets avec des mesures débiles comme l’autorisation d’augmenter le droit à construire de 30 % ou de donner aux communes ces terrains publics que tous les organismes étatiques ou para-étatiques tentent de revendre au prix fort au privé ! Une vaste supercherie, sortie d’on ne sait quel cerveau technocratique, qui n’a aucune chance d’être mise en œuvre tellement elle va soulever de problèmes. En fait, il suffirait d’appliquer la loi SRU pour que cette densification haïe par deux catégories de publics, les « bobos verdissants » et les adeptes du « maison, gazon, télévision » intervienne. Si vous êtes élu(e), proposez donc de construire des logements « très sociaux » dans votre commune, et vous allez voir la réaction du voisinage. Les tracts et les banderoles FN ou UMP fleuriront aussi vite que les recours au tribunal administratif : « dehors, les cas sociaux ! ». C’est le texte traditionnel et les grands principes de solidarité s’effondrent. Alors, si vous en rajoutez 30 % (d’ailleurs avec quels crédits ou quels prêts bancaires ou quelles subventions d’un État ruiné ?) c’est que vous avez un tempérament suicidaire !
Une très grande majorité des membres de l’opinion dominante pensent que jamais ils n’auront à dépendre socialement de la solidarité nationale ou locale. Eux sont… intouchables. La crise va les épargner, car eux sont costauds et ne demandent rien aux autres ! Or dans quelques semaines, personne, absolument personne, ne sera vraiment à l’abri, face à ce monde d’injustice et de précarité.
La Fondation Abbé Pierre a au moins le mérite de tenter de briser la glace de l’indifférence, et pour cela elle a trouvé un allié de cœur en qui bien évidemment les poujadistes n’ont vu qu’un débile ! L’appel d’Eric Cantona a été galvaudé, raillé par les analystes de comptoirs de bistrot. Ils n’ont pas lu ni même parcouru les raisons de cet envoi aux Maires de France d’un appel en faveur des mal logés.
Pour ma part, je n’ai pas accordé une promesse de soutien à Cantona (contrairement à ce qui a paru dans la presse, toujours approximative) car c’était inutile compte tenu de ce que portait sa démarche . La seule action utile consistait en effet à aider la Fondation Abbé Pierre à collecter 400 000 signatures en faveur de son plan pour lutter contre une situation intolérable, mais dont une grande partie de l’opinion s’accommode. J’ai préféré signer, en tant que maire d’une petite commune périurbaine ayant plus de 20 % de logements sociaux et offrant sur son territoire un parc locatif de 400 logements divers, le « contrat social pour une nouvelle politique du logement », qui les engage à faire du logement « un des axes prioritaires » de la politique et à mettre en œuvre la dizaine de mesures énumérées dans le document. J’attends avec impatience de voir combien d’élus locaux vont signer ce document. Quant à Cantona, il aura eu la courage de soutenir une initiative, sans que sa tête enfle démesurément… car il a affirmé (pour celles et ceux qui savent lire) qu’il ne demande absolument pas de signature pour être candidat à la Présidence de la République. Il est vrai que les mégalos ne jugent les autres que par rapport à leurs ambitions !
En attendant, grâce peut-être un peu à lui, Eva Joly, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon et… François Hollande ont signé le contrat de la fondation. Le candidat socialiste a, lui, énuméré les mesures phares de son programme (encadrement des loyers, hausse de la loi SRU, multiplication par 5 des sanctions, construction de 2,5 millions de logements durant le quinquennat dont 150 000 logements très sociaux…). « Ce que je signe, je le ferai, a-t-il déclaré. Je ne vais pas sortir de ma poche une nouvelle proposition. En matière de logement, il faut du temps long et de l’urgence, je viens signer ce contrat pour les deux. ». Réaliste !
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Réaliste ? Oui et non.
Le réalisme, pour Hollande, consiste à indexer ses « promesses » sur la hausse du pouvoir d’achat. Comme, d’un autre coté, il fait du remboursement de la dette et du retour à l’équilibre budgétaire le B-A-BA de son programme…. Y’a comme une légère difficulté, là, non ? Où va-t-on trouver un État fort capable d’impulser une telle envolée ? En « donnant » les terrains de l’État ? Et comment les Mairies vont-elles pouvoir financer cela, endettées comme elles sont ????
On dirait que le serpent se mors la queue, toujours aux dépends des mêmes…