En fait, même si tous les médias en ont fait leurs titres gras, il faut convenir que sans la présence des chasseurs ou pêcheurs de tradition, venus au Congrès des Maires pour tenter de faire sortir quelques signatures pour les présidentielles, on se serait ennuyé ferme Porte de Versailles. Heureusement que la « battue » aux Maires réputés sans étiquettes, mais prêts à défendre la veuve et l’orphelin des partis, a donné une attractivité à cette grand messe ayant débuté par un sermon gris muraille de François Fillon et terminée en eau de boudin sans résolution finale.
Les trottoirs du parc des expositions parisiens ont été les plus attractifs, grâce aux péripatéticien(ne)s du suffrage universel. Ils ont vu en effet défiler, au nom des grands principes démocratiques, des souteneurs vantant les qualités exceptionnelles de leur vedette. Les « gars de la Marine » avaient fait d’entrée une irruption remarquée avec une « division » complète de panzers armés de micros et caméras, affolés par l’audace de la Jeanne d’Arc des présidentielles, toujours prête à finir ses jours en martyr sur le bùcher des 500 signatures. Elle commence à entamer le cantique paternel, car elle sait que ces salauds de Maires qui ne veulent pas soutenir son envol vers les sommets de la politique, assument dans le fond, une bonne part de son image. Elle vit sur le symbole de la persécutée du système, alors qu’elle en est simplement la favorite implicite.
Durant des mois elle ne va pas cesser de hurler à la censure, à l’atteinte grave à la représentation de son électorat, et il se trouvera bien quelques âmes sensibles pour voler à son secours. En attendant, elle aura fait parler d’elle, et surtout elle aura persuadé son électorat que l’on veut l’écarter de la vie sociale nationale, ce qui ne peut que le fossiliser dans ses certitudes simplistes. Elle a arpenté les allées du salon avec l’allure altière de ces conquérants sachant que quoi qu’il advienne leur heure sonnera un jour ou l’autre. D’ailleurs, dans un réflexe de survie, les passants honnêtes s’écartaient, comme apeurés par ce rouleau compresseur médiatique. En fait, l’objectif unique était de faire savoir que pour pouvoir voguer vers ses 20 % au premier tour des présidentielles, le navire FN avait besoin d’armateurs bienveillants. Il s’agissait simplement d’instiller l’idée que l’héroïne aurait à combattre tous les travers d’un système qu’elle veut abattre, mais dont elle doit d’abord se servir. Le pari était réussi avec, dans la maison close de bonne compagnie du Congrès, une pagaille révélatrice de l’impuissance collective à affronter lucidement le danger du racolage qui se prépare.
Il y avait aussi, devant les portes d’entrée, les proxos du suffrage universel, qui ne vivent entre deux échéances présidentielles qu’avec les subsides que leur procure des « actionnaires » bienveillants. En effet, pour eux, la quête des 500 paraphes signifie un temps de télévision faisant la pub de leurs associations ou de leur personne, et surtout le minimum de financement pour racler quelques milliers de voix égarées mais productives. L’extraordinaire paradoxe c’est que, parmi eux, on trouve le défenseur… des contribuables malmenés par les politiques institutionnels. Ils conservent en réserve les fonds suffisants pour des affichages sauvages, l’édition de plaquettes, et l’envoi massif de courriers. Des candidats aux noms déjà connus, Cheminade et Miguet, habitués des prétoires, ne manquent pas le rendez-vous. Sans domicile fixe de la politique, leurs partisans avaient investi le parvis de la Porte de Versailles. Ils espéraient tous deux décrocher une place parmi ceux qui savent, comme feu le Baron, que l’important serait de pouvoir participer…pour récupérer de l’argent, mais pas sous forme de médaille. Rien de bien nouveau, car ils sont répertoriés depuis pas mal de temps dans les rubriques des faits divers. Ils ne font pas recette, mais la démocratie ne sort jamais grandie de ce poujadisme latent.
Dans la lignée, il y a eu le « candidat des jeunes », entouré de ses groupies qui filmaient tous ceux qui acceptaient de leur dire un mot…gentil. Maxime Verner a pratiqué l’intergénérationnel plein pot, compte tenu de la moyenne d’âge des Maires de France, retraités pour la grande majorité, présents au palais des Congrès pour voler au secours de l’apolitisme franchouillard. Rude tâche que celle de convaincre des « vieux » que l’avenir ne leur appartient plus. Il rejoindra certainement les candidats des animaux maltraités, et surtout il fut en concurrence avec les troupes motivées (certaines facilement identifiables arboraient un CHE révolutionnaire), écharpes tricolores en bandoulière, de Christine Boutin et de Jean-Pierre Chevènement. Le jeune loup au sourire dentifrice devait disputer sa part de trottoir aux revenants en dentiers, usés par les heures passées sur les bancs ministériels ou sous les ors de cette République qui les a nourris, logés et même parfois blanchis ! Robe orange Bayrouesque et look Dukan, elle déployait devant les caméras tourbillonnant autour de sa personne, ses plus beaux sourires pour attirer des « fidèles » potentiels ou mieux des « ouailles » converties. Elle a pu apercevoir Dupont Aignan, bronzé comme un eurosceptique tout neuf, ou un François Bayrou accompagné d’un seul porteur de béret béarnais du canton de Nay, aussi seul qu’une brebis égarée dans les vertes prairies du centre pyrénéen. Le Prince de la maison orange avait beaucoup moins de suiveurs que prévu, car les journalistes sont ingrats et, c’est bien connu, ils n’aiment pas le juste milieu.
Dans l’indifférence, le bal des débutants aux présidentielles a égayé la morosité ambiante. L’attraction éphémère de leur passage n’a pas eu l’effet escompté car il rappelait trop, à certains, les virées au salon… de l’agriculture durant lequel les mêmes se forcent à s’intéresser au cul des vaches.
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Belle image féllinienne que vous nous offrez là, monsieur Darmian !
Des « gueules » et du ridicule outrancié.
Aspirations vénales,
engagement partisan,
intérêts particuliers,
gloire éphémère,
hypocrisie de rigueur,
bienséance de valet de pied,
fausse colère,
mouvement de ruche,
honneur bafoué,
sens de l’apparat,
tous les ingrédients de la comédie humaine !
Et quelle sortie ! Au cul des vaches, sourire aux lèvres !
Féllini est mort, mais je l’entends rire ici de bonheur !
N’est pas italien qui veut, il faut un sens particulier, un recul sur les choses, une distance, donnés certainement par la joie qu’offre aux enfants de la Louve un Arlequin lisant à haute voix une tragédie grecque !
Et pendant ce temps, pendant que tous ces illuminés de Cour, cherchent la lumière aux portes du palais, papillons médiatiques, nous organisons la lutte dans nos huttes au fond des bois.
Crever de misère, accablés de mesures de redressement et tentant vainement de trouver la somme d’argent nécessaire juste pour vivre, se loger, s’éclairer, se chauffer, se nourrir, avec nos salaires minimums interprofessionnels de croissance, voilà notre lot quotidien.
Mais, c’est sur nous que l’on compte pour élire et encenser le prochain Pantalon !
Un jour prochain, fatigués du spectacle affligeant de la bêtise en marche, nous écrirons notre propre pièce.
Un théâtre de rue où l’honneur se joue sur l’action et non sur le discours.