Deux enseignants sont entrés de manière dramatique dans la série quotidienne des faits divers dont raffole le grand public. Il est vrai que s’il reste devant sa télévision durant quelques minutes, il a le temps de se régaler avec un meurtre, un viol, une attaque à main armée ou une bonne scène de guerre, sans avoir à faire référence à la réalité. Ces profs ont, une fois encore, mis en évidence l’abomination de la situation faite à celles et ceux qui ont en charge l’avenir de notre pays. Psychologiquement et matériellement, la situation des femmes et des hommes qui ont en charge une matière d’enseignement tant soit peu ingrate (d’ailleurs y en a-t-il qui soient autrement ?) devient intenable. Les statistiques sont secrètes, mais les dépressions, les renoncements, les maladies graves frappent massivement dans le corps enseignant sans que personne ne s’en émeuve véritablement.
La conjonction de facteurs entraîne souvent des basculements dangereux, mais c’est désormais le seul métier dans lequel on n’accorde pas de formation professionnelle digne de ce nom (l’IUFM vient de supprimer les stages, au prétexte qu’ils coûtaient trop cher !), pas de bilan médical régulier, pas de soutien réel, puisque l’on est uniquement dans les visites sanctions… La situation s’aggrave de jour en jour.
L’enseignante du lycée Jean-Moulin de Béziers qui s’était immolée par le feu dans la cour de l’établissement est décédée des suites de ses blessures et, depuis ce drame, ses collègues ont exprimé leur désarroi et leur difficulté à mener à bien leur mission. Aucune visite ministérielle de prévue…aucune enquête prévue…aucune mesure particulière, à part des dispositions théoriques mécaniquement appliquées. Ses collègues ont lu devant les grilles du lycée un message de « solidarité pour Lise », brandissant de petites pancartes blanches disant « Plus jamais ça », « On veut des actes ». .. Un vœu inutile, car il n’y aura que des paroles lénifiantes à mettre en face de leur revendication. « Une enseignante a choisi de s’immoler dans la cour du lycée à l’heure de la récréation. Cet acte symbolique nous bouleverse et nous interroge tous », ont déclaré les 280 professeurs du lycée, unanimes dans leur détresse. « Son geste appelle à la solidarité de l’ensemble des personnels et témoigne de notre difficulté à accomplir notre mission. Nous attendons donc l’engagement responsable de nos autorités », ont-ils ajouté.
A l’annonce du décès, Luc Chatel, le ministre de l’Education nationale, a exprimé dans un communiqué sa « profonde tristesse », soulignant que ce drame constituait « une épreuve bouleversante »… mais on n’aura rien de plus !
« Au cours des années, on a vu le métier évoluer, le public changer, les réformes arriver, des réformes nécessaires mais bien souvent menées à l’emporte-pièce, sans discernement, dans l’urgence, et à un moment donné, il peut arriver ce genre de geste », explique l’un de ses collègues ! On le conçoit, et il faut même louer le courage de ces jeunes diplômés que l’on expédie vers de rudes désillusions selon leur poste d’affectation.
Morte dans les flammes, cette professeure de mathématiques est morte dans le fond, au moins partiellement, au champ d’horreur de la crise de confiance ravageuse qui hante les établissements de tous les niveaux. Même en maternelle on veut changer les espaces de détection précoce des carences comportementales, dont on sait que justement il appartient à l’école de modérer ou de corriger par ce que l’on appelle encore l’éducation et pas l’instruction ! Mais il n’y aura pas de révolte dans les chaumières françaises, pas plus qu’il n’y en a eu pour les suppressions massives de postes, la dissolution des IUFM ou le service minimum. En s’immolant par le feu comme l’avait fait un salarié d’Orange, quelles qu’en soient les causes, elle interpelle une opinion publique fascinée par les primaires citoyennes.
L’autre drame touche un enseignant de SVT (Sciences de la vie et de la terre) au lycée Jacques-Coeur de Bourges qui a blessé mortellement une policière, blessé une employée de la Préfecture avant d’âtre maîtrisé par un tir dans un genou. Il avait des comportements jugés bizarres et une pédagogie surprenante, mais personne ne s’est affolé ou n’a osé agir… Une personne, pour le moins déséquilibrée, enseignait donc sans problème depuis pas mal de temps. Pas de visite médicale, pas de réaction d’une administration trouillarde et obnubilée. Il ne faisait pourtant pas vraiment cours. Il s’inventait des vies, il croyait aux extra-terrestres, avait selon des témoignages recueillis par la presse des propos «loufoques», voire « menaçants » ou « racistes », mais il avait probablement des « notes » satisfaisantes. Là encore, il ne faudra pas se contenter des apparences, des certitudes médiatiques, mais il faudrait aller voir derrière le mur des jugements hâtifs, pour appréhender autrement ce qui est un fait divers au moins aussi angoissant que le précédent.
Partout, le carcan des certitudes éclate sous l’effet de mesures dévastatrices dont on ne prend jamais la dimension réelle. Plus personne ne doit se considérer comme à l’abri de ce phénomène souhaité de déstructuration accélérée de la société républicaine. Les dégâts touchent absolument toutes les strates sociales et la situation n’incite guère à l’optimisme, avec une violence accrue qui gagne chaque jour du terrain. Ces deux faits divers ajoutés à ce que je perçois du système éducatif accentuent encore mon désarroi de voir filer mes illusions. Le temps presse !
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Comment remplacer l’arbre de l’histoire, et ses racines savamment entremêlées, par un tronc unique et imbécile ?
Un tronc n’ayant pour pied que la productivité de consommables et pour ciel la consommation de la dite production.
Tout simplement en appliquant les méthodes déjà éprouvées il y a plus de cinquante ans par un empire extrémiste nationaliste.
Appelons un chat un chat et un aigle un aigle, nous sommes menés aujourd’hui par des extrémistes libéralistes. La même froideur, la parfaite insensibilité quand aux horreurs que l’avancée engendre et une hauteur de vue qui s’apparente plus à de l’arrogance qu’à une vision d’avenir.
En devoir et en respect pour celles et ceux qui, il y a un demi siècle passé, ont risqué ou perdu leurs vies, jeunes gens affolés quand les livres interdits furent brulés en place publique, que pouvons nous bien faire quand celle qui aime les livres s’immole ? …???
Quand le bonnet phrygien arboré fièrement finira par s’épingler au poitrails des valeureux comme, il y a déjà pourtant longtemps, une étoile signifiait la fin, peut-être enfin ferons nous notre devoir.
Une femme en charge de nos enfants s’est foutu le feu ! Vive.
Vive la république !
Qu’est-ce qu’on en a à foutre que ce soit la cinquième ou la sixième république à venir. Ce ne sont là que des soucis de longueur de mandat présidentiel.
Plus rien n’a de sens. sinon le profit assassin, et en opposition l’auto-holocauste d’une femme, ou celui moins vertueux d’un jeune kamikaze bombe humaine. Moins vertueux, parce que notre professeur des écoles, elle, ne s’est pas résolu à faire péter sa colère au beau milieu d’un car scolaire.
Mais si elle n’a pas été embrigadée par quelque fondamentaliste, son acte n’est-il pas pourtant bien la preuve d’une mondialisation des abus de pouvoirs ? Qu’est-ce qui pousse donc une personne moralement engagée dans un chemin démocratique à de telles extrémités ?
Sinon la clairvoyance tout à coup insupportable que nos chefs républicains sont des assassins. Vive, brulée vive !
Et son coeur encore chaud qui risque de finir à la table des supporters de Jeanne d’Arc. Ceux qui ne manqueront pas de rejouer la scène depuis le début, nationalisme en guise de protection au lieu de mondialiste éclairé.
Un bon mot pour finir, et je vais dormir du sommeil du juste, le devoir accompli. .. mon grand-père peut être fier de moi, la France est libre !
Libre de laisser mourir sans autre réaction que l’indignation à la mode, quand il faudrait prendre un fusil.
Mon commentaire vous a charmé, ce soir au coin du feu, la vie est belle, achetez donc un badge pour encourager l’artiste:
http://bienfaiseurs.spreadshirt.fr/
Quoi ? Vous êtes choqués de mon indécence ?
Je ne fais rien de plus portant que ce que nous bouffons chaque soir à la télévision !
Après l’immolation, une page sportive, un peu de cinéma, et puis… les prochaines élections !
« Selon Alain Rey, le mot travail (apparu vers 1130) est un déverbal de travailler, issu (vers 1080) du latin populaire tripaliare, signifiant « tourmenter, torturer avec le trepalium ».
Sous l’Antiquité, le terme bas latin trepalium (attesté en 582) est une déformation de tripalium, un instrument formé de trois pieux, deux verticaux et un placé en transversale, auquel on attachait les animaux pour les ferrer ou les soigner, ou les esclaves pour les punir. »
On revient de plus en plus vers cette définition; nous sommes tous des esclaves…
Les explications de Nadine me confortent dans mon opinion sur les ânes, animal décrié pour sa soi disant sottise.
En réalité c’est un être très intelligent et ce qu’on lui reproche justement en l’accusant de bêtise, c’est de refuser un travail d’esclave, et même un travail tout court : à quoi bon s’échiner à tirer une charrette ou à transporter un fainéant alors que l’herbe verte est délicieuse et les chardons à portée de la dent ?
Brighelli résume bien la situation dans cette vidéo,et l’ on peut constater que la FCPE
est plus un problème à mon avis qu’ une solution.
Quelle profession accepterait que l’ on mette le nez dans son travail, et qu ‘on le remette en question en permanence comme on le fait avec le métier d’ enseignant.
http://www.agoravox.tv/actualites/societe/article/brighelli-espece-de-connard-viens-32105