La privatisation, seul véritable objectif du Ministre de l'Éducation

Les élections approchent et il faut absolument, pour l’UMP, exploiter tous les filons possibles de l’opinion dominante. Chaque enquête permet de dénicher une réforme potentielle uniquement destinée à renouer avec une certaine popularité et plus encore, à masquer les véritables problèmes grâce à la technique du détournement de l’attention générale vers des sujets subalternes, érigés en éléments essentiels de progrès. Le plus dur pour chaque Ministre, c’est de passer devant son confrère, en inventant une nouveauté baptisée « réforme », susceptible de mobiliser l’attention de celles et ceux qui ont une inquiétude particulière.
Bien évidemment les enfants, comme dans tous les actes de communication, sont au cœur des sujets à traiter. L’inquiétude parentale s’accentue, et le système éducatif devient un enjeu électoral majeur. Il faut donc absolument dévier les critiques éventuelles sur la gouvernance UMP vers les poncifs qui traînent dans les esprits. Pour ne pas se faire critiquer sur les suppressions massives de postes qui touchent dès la rentrée les écoles et les collèges, Luc Chatel, qui sait que forcément le ton va monter à la rentrée, lance de multiples critiques induites sur l’enseignement public.
Bien évidemment, l’augmentation des effectifs dans chaque classe, la suppression de tous les moyens d’accompagnement à la scolarité, la destruction massive des réseaux de soutien, le non remplacement des professeurs absents, ne constituent en rien des sujets prépondérants. Le Ministre ayant en charge la mise en œuvre de l’idéologie UMP, qui se résume dans un seul mot « privatisation », poursuit inlassablement ses campagnes de dénigrement, afin de renforcer cette idée devenue une vérité : le système privé est beaucoup plus performant, et donc, si vous en avez les moyens financiers, tournez-vous vers cette solution pour vos enfants ! La conjonction de tous les actes ministériels contribue méthodiquement à développer le sentiment d’insécurité sociale autour de l’école publique.
La diminution des moyens se justifie avec le fameux « si les effectifs faisaient la réussite scolaire, on le saurait », sauf que, dans le privé, la norme ne dépend que du bon vouloir des responsables directs de la structure et…de la contribution des familles ! Dans le public, seules les moyennes statistiques entrent en ligne de compte, et aucun professeur n’a la possibilité de refuser plus de 30 voire de 35 élèves. Et ce n’est pas fini, puisque la rentrée 2012-2013 sera véritablement catastrophique, et même une victoire de la gauche ne changera pas cette réalité… puisqu’elle est déjà en préparation dans les inspections académiques. En Gironde, il y aura un millier d’élèves supplémentaires et des retraits de postes largement supérieurs à ceux de cette année. Mais comme les élections présidentielles seront passées, et que les fermetures ne seront annoncées qu’en juin 2012… il sera trop tard pour réagir !
La réforme des rythmes scolaires, destinée à préparer simplement la privatisation du temps éducatif actuellement assumé par l’État, avec le transfert de la responsabilité de sa gestion vers les collectivités locales, va accentuer l’inégalité territoriale. En Gironde, tous les syndicats intercommunaux qui sauvent les petites écoles communales grâce aux regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) sont purement et simplement supprimés… ce qui, bien entendu, n’a pas d’autre objectif que celui de mettre en place les fameux Établissements publics d’enseignement primaire sur des territoires plus vastes. L’école privée, elle, continuera bien évidemment à voir sa « liberté » respectée dans les inscriptions, dans la pédagogie, dans les moyens, sur ces mêmes espaces. Dans toutes les propositions en cours, la ruralité est totalement oubliée, méprisée, détruite, car peu rentable en matière d’économie de moyens.
L’UMP a par exemple inventé, pour promouvoir la mixité sociale, les collèges par niveaux. Dans la bataille des idées, en vue de la Présidentielle, le parti du Chef de l’État Français lance une nouvelle piste : expérimenter des collèges non plus par quartiers, mais par classes. Dans les zones urbaines, il n’y aurait ainsi que des établissements avec uniquement des élèves de Sixième et de Cinquième, ou uniquement des Quatrièmes et des Troisièmes. L’idée, c’est de mettre réellement fin à la carte scolaire… tout en créant un distinguo entre les zones rurales et celles des villes, puisque ce système est inapplicable sur des territoires ayant des établissements éloignés les uns des autres ! A moins que, comme pour la santé, on recommande la mixité « public-privé ». Une initiative destinée à masquer le fait que l’essentiel reste les moyens humains mis dans les collèges pour faire face aux difficultés scolaires constatées comme étant simplement les conséquences des défaillances sociales, culturelles et matérielles dans la majorité des cas.
Comme il est indispensable de dresser les parents contre le système actuel, Monsieur Chatel se lance dans le « contrôle et l’évaluation des professeurs », afin de sous entendre que les inspections actuelles manquent de sérieux, d’efficacité et de qualité. Je suis d’autant plus à l’aise pour évoquer ce sujet que j’ai toujours été contre le fonctionnement actuel, déconnecté du véritable rôle que doit tenir un enseignant. L’essentiel, c’est d’instiller le doute sur le « public », en expliquant qu’il faudrait un suivi régulier entre l’enseignant et plusieurs interlocuteurs comprenant des conseils, mais aussi l’élaboration d’une «lettre de mission» pour chaque enseignant tous les quatre à cinq ans. Aussi appelé «contrat de progrès», ce document s’apparente aux feuilles d’objectifs en vigueur dans le privé. Avec quels effectifs ? Dans quel milieu ? A quel niveau ? Pourquoi ne pas imaginer des jurys populaires de parents d’élèves ?
En attendant, on en arrive à des « privatisations » par l’absurde, comme dans le village de Puy Saint-Vincent, où le départ du professeur par suppression du poste entraîne la fermeture de l’école. « Tout cela est la conséquence de la nouvelle carte scolaire », explique Marcel Chaud, maire sans étiquette. « L’inspecteur d’académie s’est d’abord attaqué aux écoles en zone urbaine, où les suppressions de postes passent plus inaperçues. Mais maintenant, il n’a plus le choix, il doit même venir en milieu rural. » La réaction ne s’est pas fait attendre. « Nous allons créer une association pour recruter un instituteur, prendre en charge son salaire et pallier ainsi les carences de l’État », indique l’édile. Quelle absurdité… il vaudrait mieux qu’il prenne d’abord une étiquette politique, et qu’avec les habitants du village, il se souvienne ensuite que la meilleure arme reste le bulletin de vote !

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