La course au populisme s’accélère… Il faut qu’un ministre du staff présidentiel ait en la matière une longueur d’avance sur Madame Le Pen. Peu importe, d’ailleurs, le sujet sur lequel il s’exprime : il faut être au plus près de la politique des bistrots où, on le sait, se construit l’opinion dominante. C’est à croire que les communicants de l’Elysée vont, le matin, prendre leur café dans les lieux les plus populaires de la capitale, là où on refait le monde avec les poncifs et les apparences. Le ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez avait développé trois mesures visant les bénéficiaires des minima sociaux : imposer aux bénéficiaires du RS, des heures hebdomadaires de service social, plafonner le cumul de tous les minima sociaux à 75% du Smic et établir une durée minimale de travail -cinq ans- pour que les étrangers puissent y prétendre.
L’ancien secrétaire d’État chargé de l’Emploi avait annoncé, en avril, que son groupe, «la Droite sociale», déposerait d’ici à deux jours une proposition de loi en ce sens à l’Assemblée. Plus démago que cela, ce n’est pas possible, mais il est certain que l’effet d’annonce va le rendre célèbre et, nul ne peut imaginer le contraire, il était en mission. Le seul atout de ce gouvernement, c’est en effet, l’effet d’annonce provocateur, permettant ensuite aux auteurs d’apparaître comme des modérés. Wauqiez a joué aux provocateurs, histoire qu’un sondage puisse ensuite vérifier ce qu’un précédent a constaté. Il a réussi à devenir plus célèbre que quand il tente d’expliquer que la Grèce ne sortira pas de l’euro avant la fin 2011 !
Le travail social ? A droite comme à gauche (ne vous faites pas trop d’illusions), dans toutes les couches de la société, on trouve bien évidemment des apôtres de ces travaux forcés que l’on sait totalement inapplicables. Mais peu importe, l’essentiel c’est d’accréditer l’idée qu’un homme ou une femme au chômage est un fainéant ou une fainéante qui s’ignore. Alors autant le réveiller ! Laurent Wauqiez est d’autant plus à l’aise que le RSA est géré… par les conseils généraux, et que s’il doit y avoir une mesure de ce type, l’État déjà incapable de s’occuper des gens en recherche d’emploi, chargera la barque des départements, en leur demandant de prendre en charge l’organisation de ce type de travail forcé. Les frais viendront s’ajouter aux prestations versées, mais personne n’osera effectuer une étude préalable pour en mesurer l’impact.
En fait, j’ai été témoin d’un épisode de la vie publique qui devrait davantage préoccuper Laurent Wauquiez, mais dont bien évidemment personne ne parle. Lors du conseil d’administration de ce qu’il reste de l’IUFM (institut universitaire de formation des maîtres) où je représentai le conseil général, un étudiant a présenté la face cachée concrète de la politique gouvernementale. Pour entrer dans l’éducation nationale il faut actuellement avoir un « master » et ensuite réussir à un concours. Or les milliers de suppressions de postes dans la fonction publique font que de moins en moins de postes sont inscrits aux concours. Chaque année les recrutements baissent, et les grands stratèges UMP prétendent ainsi économiser des millions d’euros sur le budget de l’État. Ainsi, si les étudiants n’ont pas l’âge d’accéder au RSA (25 ans), ils jouent à qui perd gagne !
Un étudiant qui veut devenir professeur a besoin du « master »… mais il n’est absolument pas certain, s’il obtient ce diplôme, de trouver du travail, car il y aura forcément davantage de reçus que de postes mis au concours. Il peut donc être reçu à un examen mais refusé au concours. La pire situation, c’est que la réussite au « master » vous prive automatiquement du droit de redoubler, et vous vous retrouvez sans ressources, puisque dans l’impossibilité légale de bénéficier des allocations chômage ou du RSA si vous avez moins de 25 ans ! Alors, on assiste à une aberration provoquée par ce double effet : des étudiants qui estiment ne pas avoir de chance vu le petit nombre de postes mis en place au concours, se font volontairement coller au « master » pour continuer à avoir une année de plus le statut étudiant. Ils ne veulent pas se retrouver sans ressources et sans aucune chance d’entrer dans l’enseignement. Comme une année d’université coûte environ 10 000 euros, tout compris, à l’Etat, on réalise ainsi des économies…
Une situation absurde qui touche des milliers d’étudiants en France, et qui démontre que le seul véritable problème reste celui de l’emploi… et pas nécessairement celui des prestations sociales.
Quand un pays voit ses étudiants réduits à se faire volontairement coller à un examen pour « survivre » une année supplémentaire, il devrait se préoccuper d’autre chose que des 5 heures de travail social hebdomadaire appliquées à des gens qui, d’une manière ou d’une autre, sont des « accidentés » de la vie sociale. En plus, majoritairement, c’est à l’insu de leur plein gré, car beaucoup sont les victimes de la financiarisation de la vie économique : pas assez rentables, pas assez productifs, trop âgés, handicapés physiques, handicapés par une scolarité manquée… mais probablement, notre société ne leur doit-elle pas le minimum de solidarité. En fait, il faudrait leur faire porter une étoile jaune avec RSA en noir sur la poitrine. Ce serait plus facile pour les rassembler et les conduire à leur emploi social d’intérêt général. Remarquez, ça se pratique déjà pour les travaux d’intérêt général que les auteurs de petits délits accomplissent sur injonction des juges… quand les communes veulent bien d’eux ! Et comme c’est devenu l’habitude pour une minorité condamnable, on va sanctionner par pur intérêt financier… la majorité !
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.