Peut et doit toujours mieux faire

La vision actuelle de la vie politique n’est guère réjouissante et il faut, sauf à avoir un cynisme à toute épreuve ou une ambition équivalente à un incendie interne dévastateur, une sacrée motivation pour se mettre au service des autres. Impossible de se tenir debout face à l’ouragan qui souffle sur ce monde des promesses non tenues, des engagements fallacieux, des tromperies sur les valeurs, des coups bas ou tordus, des egos boursouflés par les courtisans. Impossible de se croire propre, vrai, convaincu, quand tout ce qui s’agite autour de vous, dans tous les sens est sans aucune autre objectif que celui d’occuper le devant de la scène. C’est le malheur de ce début de siècle que ce cancer, rongeant lentement mais inexorablement, la confiance que le peuple doit accorder à celles et ceux qu’il choisit pour gérer son quotidien collectif.
Le récent constat des élections cantonales confirme que le mal est profond et qu’il nécessitera un traitement long, très long, peut-être même trop long, comme celui que l’on impose aux anémiés. Il faut donc se résigner à ne pas être cru quand on appartient à ces gens venus du Peuple, n’ayant pas fait d’études spécifiques, n’ayant jamais rien demandé, mais ayant toujours eu ce sentiment chevillé au corps de n’être en paix avec eux-mêmes que quand ils ont tout donné aux autres.
Entrer en politique c’est, pour moi, se plonger dans le doute permanent, avec sans cesse la question qui taraude : « en ai-je fait assez ? ». Etre élu, c’est véritablement, par les temps qui courent, surtout à Gauche, la recherche permanente d’un équilibre entre un rêve impossible et les contraintes de la réalité tangible ; c’est quotidiennement déplacer un curseur sur la route entre l’idéal qui n’existe pas et les possibilités matérielles dont on dispose ou qui échappent. Quand je suis face à cette réalité, j’oscille toujours entre le dopage par l’espoir et le désespoir naissant d’un terrible sentiment d’impuissance. Le fossé se creuse, chaque jour davantage, et complique singulièrement les aller-retour, sauf à n’avoir aucun autre objectif que celui de rester définitivement sur une rive. C’est une constante dans une vie sociale active de partage. On devient forcément pessimiste quand on évolue dans ce milieu qui tient du théâtre de guignol, de la tragédie grecque surfaite, du film muet de Charlot, de l’office religieux sectaire, du festival des menteurs de Moncrabeau, du roman à l’eau de rose ou de l’ardente passion du fan, sauf à déceler dans ce micmac incroyable des parcelles du bonheur d’être utile à l’intérêt général. Pour les voir, il est indispensable de savoir prendre du recul et de savoir s’effacer en permanence, même quand on a la certitude d’avoir raison. Il ne faut rien attendre, pour ne pas être déçu de ne jamais recevoir. Il faut sans cesse avancer avec abnégation et opiniâtreté, jusqu’à devenir incontournable comme le maillon d’un chaîne dont on ne peut pas se passer. Durant maintenant près de 50 ans de mon engagement dans le vie collective, il s’est agi pour moi uniquement d’être digne de la confiance que l’on m’accordait. Digne comme enfant, car mes parents, mes grands-parents, n’ont pas exigé la réussite mais m’en ont suggéré la nécessité pour leur propre bonheur. Comment ne pas penser à eux, à ces femmes et ces hommes, pas meilleurs, mais surtout pas pires que les autres, quand j’ai exercé un mandat syndical, mutualiste, associatif ou politique ? Ils étaient là dans ma tête, au milieu de l’hémicycle du Conseil général. Ce n’est pas une figure de rhétorique rebattue. Ils sont en moi, ces grands parents d’un autre âge, qui ne connaissaient que la valeur du travail et la désillusion du profit. Ils ne me quittent pas plus que les « maîtres » qui, morceau de chemin après morceau de chemin, m’ont guidé sur les sentiers tortueux de ma vie. Ils étaient avec moi, même si aucun d’eux n’aurait accepté de venir, par pudeur, les Vasseur, Meynier, Gourdon, Monlau, Lepvraud, Champaud, Bœuf, Caumont, Madrelle, Lecaudey tous « instituteurs » au sens vrai du mot, qui m’ont éduqué, dynamisé, asticoté, rassuré, redressé, engueulé sans jamais me donner, après une période pédagogique plus ou moins longue, quoi que soit d’autre qu’une ouverture vers le haut. Ils m’ont tous appris à pêcher et m’ont donné le seul cadeau qui compte pour moi : leur confiance ! En comptant sur moi sans me le dire, en me pilotant chacun avec leur style ou leurs méthodes, ils m’ont condamné à me sentir un éternel élève qui garde sur le carnet, des notes de son parcours : « peut et doit toujours mieux faire et même ne doit jamais finir de chercher à mieux faire ».
J’ai en mémoire ce principe qui résume tout entier ce que je pense de la vie politique : on ne doit arriver aux sommets que par un sentier de plus en plus ardu, pénible, accidenté, emprunté par les conquérants, mais qui rebute obligatoirement les héritiers. L’effort et le temps ne sont que les ingrédients de la vraie réussite, permettant de regarder avec le sourire celles et ceux qui utilisent des artifices pour être plus rapides et aller plus haut. L’alchimie qui se créée entre ces deux éléments nécessite des ajustements permanents. Il faut donc, de temps à autre, se poser, se retourner, se donner le temps de revenir sur ce sentier dont on perd la trace dans la vallée de l’enfance.
En devenant aussi discrètement que possible, sans ambition et sans aucune revendication, avec la seule appréhension de ne pas être à la hauteur, vice-président du Conseil Général de la Gironde… 40ans après être entré dans le monde politique et avoir gravi patiemment, un à un les échelons, pour apporter un brin de plus aux autres, j’ai éprouvé une émotion intérieure secrète. La plus belle. La plus sincère. La plus motivante. La plus profonde, car elle a ses racines dans la vie des autres !

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Cet article a 4 commentaires

  1. PIETRI Annie

    Magnifique ! Et tellement fidèle à ce que tu es.

  2. François

    Bonjour !
    Oui, Madame, oui, Jean-Marie, Magnifique, Excellent, ….,un texte que TOUS nos Politiques devraient imprimer et … glisser discrètement sous leur oreiller. Certes, les premières nuits seront sûrement tourmentées et agitées; mais, doucement, au bout de quelques semaines (ou mois pour certains), le sommeil reviendra leur apportant la bonne réflexion et… la SERENITE POUR TOUS LES FRANCAIS.
    Cordialement

  3. Michel,

    Toutes mes sincères félicitations Monsieur le Vice Président du Conseil Général de la Gironde pour cette promotion hautement méritée .

    Merci pour ce beau texte plein d’humilité !

    C’est sûrement çà être de Gauche……

  4. Suzette GREL

    Tu as toujours su être au service des autres…les humbles mais vrais te le rendent bien et les jaloux se détruisent lentement.
    bravo et félicitations

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