Au fait qui est le "Sinistre" des affaires étrangères ?

Il arrive trop souvent que, dans ces chroniques, je dénonce certains comportements médiatiques, ce qui provoque logiquement quelques réactions épidermiques de ces supports de communication institutionnels, et notamment des journalistes qui me font l’honneur d’être des lectrices et des lecteurs. J’avoue des maladresses, puisque souvent la généralisation que je condamne pour les femmes et les hommes engagés en politique frappe indistinctement des professionnels qui accomplissent avec rigueur leur métier et d’autres, beaucoup moins regardants. Le débat est interminable puisque le curseur entre une situation exceptionnelle et un comportement individuel, souvent lié à des comportements carriéristes, est difficile à poser. D’autant que bien des contextes économiques favorisent à la fois la nécessité de « capturer » le maximum de public et celle d’économiser sur l’ensemble des prestations qu’on lui destine. On en arrive à des « raccourcis saisissants » ou à des « approximations tapageuses » que de moins en moins de personnes condamnent ou dénoncent. La marge s’amenuise entre la profession de journaliste et celle « d’annonceurs animateurs journalistes », qui s’autopromotionnent en permanence, pour créer une caste mêlant des « commentateurs », des « philosophes », des « sociologues », des « consultants », dans un catalogue de personnes capables, à tout moment, de prononcer de doctes jugements sur les avatars du monde.
Ces dernières heures, il est par exemple assez facile de constater que les événements de Libye suscitent, de la part de l’un de ces éminents squatters des plateaux de télévision, une attitude qui illustre à merveille cette tendance sociale allant vers la confusion des genres. Bernard Henri Lévy a saisi l’opportunité que lui offrait cette dramatique guerre civile pour se repositionner sur le devant de la scène, d’où il avait disparu depuis quelques mois. Se comportant comme un grand reporter (déplacements sur place…) mais sans en avoir la qualification, comme un homme politique s’exprimant au nom de la France (mandaté par qui ?), comme un stratège militaire (il doit être réserviste d’une armée), comme un révolutionnaire (Malraux ou Hemingway sont en vue), il a plongé, avec la complicité réelle de l’Elysée, la France dans une situation épouvantable de va-t-en guerre inconsidéré. Tous les « vrais » journalistes capables de prendre du recul sur cette agitation strictement promotionnelle ont d’ailleurs parfaitement réagi sans que l’on ait la certitude qu’ils soient lus ou entendus. Malheureusent pour eux et pour nous.
De nombreux éditorialistes tiraient ainsi en effet, à boulets rouges, avant le désastre japonais, contre le dernier « coup médiatique » de Nicolas Sarkozy, accusé de vouloir jouer, au sujet de la Libye, le « super-Rambo », flanqué de son « expert tout terrain » Bernard Henri-Levy, à la veille d’un sommet européen. C’est leur rôle, et c’est justement ce que l’on doit attendre de la presse sérieuse, prenant ses distances vis à vis de toutes les déviances du système initiées par des abonnés de la manipulation organisée.
« La France, totalement larguée sur le plan diplomatique depuis le début des révolutions arabes, se veut désormais le pays qui mettra l’Europe et la communauté internationale face à ses responsabilités morales et humanitaires, en Libye », résume Nicolas Demorand dans Libération. Honneur à lui : il fait (et ce n’est pas une surprise !) son vrai boulot d’éclaireur de l’actualité, mais malheureusement il n’appartient pas à cette caste des « commentateurs » attitrés des plateaux, puisqu’il se contente de questionner les autres, sans se substituer à eux.
L’initiative prise par le duo BHL-NS a « manifestement sidéré Alain Juppé » et « nos partenaires européens », relève Demorand. « Mais Nicolas Sarkozy voulait à tout prix dégainer le premier pour réenfiler -enfin!- le costume du président volontariste réglant les problèmes du monde… Il y a urgence, à quatorze mois de la présidentielle, à faire oublier le tapis rouge déroulé au grotesque et sanguinaire colonel Kadhafi » fin 2007. Au fait, cherchez la demande de frappes aériennes ciblées sur la tente de Kadhafi, installé au cœur d’un Paris complaisant ? Et souvenez-vous des critiques acerbes, formulées au nom du pragmatisme économico-politique, sur les positions prises par les responsables socialistes et Rama Yade !
« Fidèle à sa méthode éprouvée des coups médiatiques (…) pour effacer l’image d’une France « autruche » pendant les événements de Tunisie, Sarkozy a endossé le costume de « super-Rambo » flanqué de l’expert tout terrain BHL. Cette agitation fait-elle une politique ? », assénait l’éditorialiste, dans la Charente Libre. Il a ironisé sur « le surgissement dans cette séquence, de notre plus ancien « nouveau philosophe », reconverti en spécialiste des révolutions arabes et de la Libye en particulier, Bernard-Henri Lévy ».
Durant cette pantalonnade diplomatique, Alain Juppé faisait du porte à porte à Bordeaux pour sa seule préoccupation : faire battre son ennemie personnelle, la députée socialiste Michèle Delaunay aux cantonales, dans la circonscription qu’elle lui a ravie. A Bordeaux, il joue avec son sourire crispé au « toque-manettes », comme le faisait André Labarrère à Pau, pour masquer le fait qu’il a déjà été dépassé par l’agitation permanente du Chef de l’Etat français.
« Incorrigible Président ! » avait ajouté le Progrès de Lyon. « C’est plus fort que lui, il veut être seul sur la photo… Seul pour dévoiler… tout ce qu’il a décidé tout seul, dans son coin, avec Bernard-Henri Lévy, le pléniplumitif de notre diplomatie parallèle. » Le mal est fait : « le meilleur d’entre tous les UMP » a perdu une bonne part de sa crédibilité. Il devra se contenter de gérer les conneries des autres.
Cette semaine, d’ailleurs, Alain Juppé est annoncé vendredi prochain à Cadillac, canton girondin sympathique, certainement à la dimension des enjeux actuels de la politique française ! La Libye, le Japon, la Côte d’Ivoire, attendront que BHL s’en occupe ! Lui, il fait de longs périples sur des secteurs de la Gironde qu’il n’a pas encore parcourus. A BHL les médias et la gloire révolutionnaire. A lui la vraie politique permettant de sortir des limites de Bordeaux pour nouer des relations extérieures électorales.
D’ici à ce qu’il fasse une apparition en Gironde pour délivrer les habitants de la « dictature » socialiste de Philippe Madrelle ! Si l’on en croit les effets d’estrade des « sans étiquette » UMP, ces cantonales sont en effet comparables. C’est dire si BHL est attendu… Pour Sarkozy et Fillon il n’y a pas de voyages prévus…

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