Même si actuellement la vérité ne vient pas nécessairement de Paris, il m’est agréable de constater que parfois, je retire des réunions de travail dans la capitale, de belles satisfactions. Ainsi, lors de la commission de l’Association des maires de France ( NDR : je suis le seul élu girondin à avoir été désigné dans trois commissions nationales de l’AMF, mais ce fait fut soigneusement occulté lors de l’élection à la présidence de l’AMG) consacrée aux « territoires ruraux », ont été longuement abordées les conséquences de la mise en oeuvre de la réforme territoriale ; dans la salle, une cinquantaine d’élus de toutes obédiences politiques, dont le Président de l’association des Maires de la Gironde, qui faisait grise mine en fin de matinée. En effet, tout ne fut qu’un réquisitoire implacable contre les mesures présentées comme libératrices pour la démocratie locale !
Une avalanche de critiques remontant du terrain, puisque dans tous les départements français émerge la… réalité. « Je suis très à l’aise pour en parler, expliqua le Député maire,co-président de la commission, car j’appartiens à la majorité présidentielle, mais j’ai voté contre cette réforme ». Un moment jubilatoire, car j’avais en mémoire les propos tenus contre ma candidature, qui voulaient qu’en tenant exactement le même discours, j’aie été accusé de faire…de la politique ! Les associations des Maires découvrent les pièges de la majorité des deux tiers dans les instances qui vont charcuter le territoire départemental. Partout les conflits montent. Partout on tente d’éviter des votes démocratiques. Partout on constate que le seul véritable maître du puzzle reste le Préfet qui, bien évidemment, dans quelque département que ce soit, n’obéit à aucun ukase politique ministériel ! Le piège se refermera, dans les prochaines semaines, sur les communes, et elles vont mourir étouffées entre une intercommunalité géante et un Etat répresseur.
D’abord, avant le 24 février prochain, il faudra connaitre les candidats aux Commissions départementales de Coopération intercommunale. Objectif prioritaire pour les représentants de l’Etat : éviter à tout prix les confrontations, car il faut éviter ce qui s’est produit en Gironde, où les Maires, en me donnant une courte majorité, ont condamné de fait les réformes en cours. On va donc rechercher le consensus…et donner ainsi l’impression que tout va se passer en famille, entre copains et entre coquins. Comme il reste encore un espace réduit républicain, il a été expliqué que personne n’était contraint à figurer sur des listes bouclées et complètes, mais que, comme dans toute élection, il est possible de se présenter librement, seul ou en petit groupe, pour manifester son mécontentement. Rappelons qu’à l’Association des Maires de la Gironde, pour éviter pareils désagréments, il n’y avait même pas eu d’appel à candidature, sauf le matin du scrutin. Là, de l’aveu même des techniciens présents, on réduira au minimum les délais entre la circulaire fixant les modalités des élections et la date de dépôt des candidatures, afin de manipuler les résistances possibles.
Quand j’affirmais que tous les pouvoirs seraient dans les mains des Préfets, j’ai essuyé des commentaires acerbes ou ironiques, dont un qui parlait de « réforme mesurée ». Dommage, car il a bien été spécifié que les Préfets fusionneraient, défusionneraient, ajusteraient librement (sur la base des Schémas de cohérence territoriale- SCOT- et des bassins de vie définis par l’INSEE) les nouveaux territoires. La limite inférieure de 5 000 habitants pour une collectivité intercommunale n’est pas négociable, sauf pour les territoires de montagne. Pour les autres, c’est le seul bon plaisir du Préfet qui pourrait éventuellement sauver ces entités dont bien des Maires ont souligné souvent la pertinence. Le Préfet présentera sa cartographie départementale, concoctée avec certains élus (exemple en Gironde, l’intercommunalité potentielle du bassin d’Arcachon que tous les élus de toutes tendances -sauf un- refusent) et elle sera définitive, avant le 31 décembre 2011, sauf si la CDCI a les moyens d’adopter, à la majorité des deux tiers, une autre carte. Ce fameux pouvoir d’amendement est totalement illusoire, car on sait fort bien qu’il suffira d’un règlement de comptes interne (« tu ne m’as soutenu ici, je ne te soutiens pas là ! ») pour que tout projet alternatif soit voué à l’échec. Une réelle inquiétude, proche d’ailleurs de la résignation, montait du superbe auditorium neuf de l’AMF. En effet, à force de crier au loup de la politique qui mange tout… bien des Maires présents se retrouvaient otages de leurs déclarations. Il faut des élus de combat, décidés à sauver la démocratie locale républicaine, portée par le suffrage universel (avec ses lacunes actuelles dues à l’abstention), pour espérer sauver ce qui peut l’être encore.
Impossible de ne pas être pessimiste, puisque si les conseils municipaux seront consultés sur le schéma préfectoral, leur avis n’aura aucun poids, car il ne sera pas opposable aux décisions ultérieures du préfet. La seule mince variable d’ajustement repose sur des votes unanimes de la Commission qui va être désignée par les associations départementales des Maires !
J’enrageais en entendant ces propos qui se succédaient à la tribune, car je n’ai même pas eu le temps de les exposer, pour ma part, à la tribune des Maires de Gironde. Une vaste manipulation se met en place, avec, au bout, le retour en force du pouvoir politique central (quel qu’il soit !) sur les territoires locaux. Lentement, mais inexorablement, les repères de proximité, d’équité, de liberté citoyenne de gestion que la décentralisation avait mis en œuvre vont s’effacer. Fin 2011 déjà, on verra bien que l’objectif vise à n’avoir à terme que quelques dizaines d’élus professionnels (au sens religieux du terme) qui gèreront avec l’Etat des collectivités jugées trop récalcitrantes, trop efficaces et surtout trop proches des gens quand il faut voter. Je n’ai pas entendu le Président de l’Association des Maires de La Gironde. Il n’a pas proclamé que tout ça n’était que de la politique ! Surtout quand celles et ceux qui protestaient étaient… UMP ! La vérité à Paris est bien différente de celle que l’on prêche à l’ombre des clochers.
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Deferre doit se retourner dans sa tombe, lui qui voulait amener le pouvoir de décision au plus près du citoyen !
Existerait-il une décentralisation républicaine? Qui serait celle de la gauche depuis 1983? J’en doute ! La logique de la réforme Sarkozy, c’est « d’aller au bout de la décentralisation », détruisant ce qui reste de la révolution de 1789 et des structures républicaines. Remplacées par le tryptique « Europe, Régions, intercommunalité ». Enfin il faudrait dire « métropoles et communautés d’agglo ». Il faut dire tout de suite: ABROGATION de la réforme territoriale !