Le monde du silence

Plus de dix heures de travail sur le budget du Conseil Général 2011, et plus de dix heures avec une « opposition » minimaliste en nombre et en remarques. Tous les dossiers ont été votés à l’unanimité, et pas une seule voix ne s’est élevée sur les décisions proposées. Les aides aux communes : unanimité ! Les collèges : unanimité ! Le tourisme : unanimité. L’environnement : unanimité ! L’assainissement : unanimité ! L’eau potable : unanimité ! L’insertion : unanimité ! L’économie : unanimité ! Imaginez un instant que le seul véritable débat a eu lieu sur une délibération de 100 000 euros relative à la mise en place d’une coordination entre les SCOT de la Gironde. Et encore, après une revue de détails sur les déplacements, le dossier a été adopté sans aucune opposition. La vie départementale a ceci de bizarre c’est qu’elle rassemble tout le monde sur les dépenses d’une collectivité qu’une fraction d’élus, inspirés par les positions d’Alain Juppé, veut supprimer… Ce sont ceux qui clament l’inutilité de cet échelon, et qui font le maximum pour l’étrangler avec des réformes totalement aberrantes, qui restent muets quand le « moribond » tente de se rebeller en régénérant ses forces pour poursuivre son chemin.
Ce qui est extraordinaire, c’est que l’on sent bien qu’entre les consignes données par un gouvernement en perdition et les nécessités électorales des élus de Droite (UMP et MODEM réunis), il existe un précipice. Tous les élus lucides commencent à constater que les budgets 2011, dans les intercommunalités et les communes, seront très difficiles à boucler. Gel en valeur des concours financiers de l’Etat, d’où la baisse des dotations aux collectivités locales, impact de la loi de finances pour 2011 sur les budgets locaux par la localisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dispositif de neutralisation du transfert de la part départementale de la taxe d’habitation au bloc communal, calcul du potentiel financier, mise en place d’une nouvelle architecture de la péréquation… Les maires ne peuvent pas tirer les conséquences budgétaires de tant de nouveautés et d’incertitudes, constate le 16 décembre 2010, la Fédération des maires des villes moyennes. Les maires et présidents d’établissements publics de coopération intercommunale se sentent donc « particulièrement désemparés pour mener à bien leurs projets d’investissements, tout en maintenant le niveau de leurs services, et en contenant la pression fiscale pesant essentiellement sur les ménages ». Tant que ce sont des aides et des crédits qui sont alloués, personne ne bouge, mais quand on va débattre des recettes qui vont avec, nous allons avoir droit au couplet poujadiste désormais habituel sur les frais de fonctionnement, sur les emprunts, sur le refus de voir augmenter les impôts locaux et sur… la mauvaise gestion socialiste.
L’avantage, c’est que le vice-président aux finances est rompu à ces attaques, qui viendront des élus très ponctuellement présents lors du premier jour, et qui auront comme excuse irréfutable de ne… pas avoir voté les rapports de la majorité ! Il n’y aura aucune proposition alternative à part des « y-a-qu’à… » et « faut qu’on… » En fait la situation est tellement grave que si demain le Conseil général, comme les autres collectivités, ne prenait pas de risques pour entretenir le volume d’investissement, l’activité économique départementale s’effondrerait. La Région, a quelques centaines de mètres de là, vote elle aussi son budget contraint, puisqu’il n’a plus, pour la première fois, de recettes librement gérées. Dans le contexte actuel, plus un seul dossier qui ne revêt pas une importance spécifique pour un public ou une filière en difficulté. L’Etat n’existe plus que par des actes autoritaires, par des contrôles, destinés à régénérer son autorité dissoute par son incapacité financière.
Ostréiculture ? En perdition ! Viticulture ? A la dérive ! Forêt ? En débâcle ! Services à la personne ? Transférés ! Education ? Privatisée ! Partout, la loi du marché détruit, déstructure, dérégule, et le Conseil général tente de mettre des pansements sur des plaies béantes. La gouvernance se fait à la corne de brume, mais rien n’empêchera les supporters inconditionnels du sarkozisme d’expliquer que leur champion réforme dans l’intérêt général. En définitive, la seule certitude c’est que la seule motivation réelle demeure de détruire ce système républicain qui tente de faire vivre l’égalité, la liberté et la fraternité. Ils vont encore ressasser qu’il faut « supprimer des emplois et donc des services », qu’il faut réduire les frais de fonctionnement, alors que tous retournent vers le milieu économique directement ou indirectement. Personne ne rendra compte de cette journée, dont chaque minute a pourtant été consacrée au quotidien de plus d’un million de personnes. Elle ne pèsera rien à côté d’une petite phrase assassine placée au bon moment demain, quand il y aura des stylos présents. Toute une journée de travail constructif et positif, dont aucun citoyen ne percevra l’importance… que quand il recevra sa feuille d’impôt 2011 ! Il cherchera alors les coupables.

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