A peine arrivé à la Maison Blanche, Barak Obama fait de la restauration d’un système public de sécurité sociale sa priorité, tellement la situation est grave dans le pays le plus riche au monde mais le plus inégalitaire qui soit. Il y avait des millions de personnes, sans aucune couverture maladie, comme au XIXème siècle, et le Président démocrate, malgré l’opposition résolue d’une part de son camp et des républicains, malgré de multiples pièges dans les assemblées américaines, beaucoup moins peuplées de godillots qu’en France, est resté fidèle à son engagement de campagne. Une société qui brise les structures de solidarité risque d’exploser avec plus ou moins de décalage, mais elle finira par exploser. Avant ce vote définitif du Sénat, 55 millions d’Américains, soit un sur six, n’avaient pas de couverture médicale (et on estime que 18 000 personnes meurent chaque année du fait de cette non-couverture). Grâce à la réforme Obama, 32 millions de personnes seront couvertes, mais il en restera 23 millions sans couverture, soit un sur 13, – le tiers de ces derniers étant des immigrants illégaux. Autrement dit, alors que les autres pays industrialisés couvrent 100% de leur population, les USA couvriront, dans… neuf ans, 95% de leurs résidants légaux. Ce sera long, et surtout sous la menace du retour des Républicains !
Le vote du Congrès, puis du Sénat, constitue néanmoins un progrès historique majeur. Il s’est produit malgré une opposition déterminée, démagogique, souvent mensongère, et surtout surfant sur l’individualisme quasiment « religieux » des Américains nantis. Plusieurs membres démocrates du Congrès ont pris, en votant oui hier, le risque très réel d’une fin de carrière abrupte lors des élections de mi-mandat en novembre prochain, tant le ressac anti-État d’une partie de l’électorat conservateur peut être vengeur. Les démocrates américains ont pourtant abandonné, à contre-coeur, leur espoir premier d’introduire un régime public universel, que les libéraux français soutenus par le Medef tentent de faire exploser dans tous les domaines, en créant un véritable climat d’insécurité sociale.
En fait, les parlementaires pro-Obama ont jugulé les excès qui menacent le système français de la CMU, qui voit les médecins libéraux refuser les malades ne pouvant pas… payer, ou font semblant de ne pas pouvoir les accueillir avant des mois. Aux USA, au-delà de l’extension de la couverture, le projet plante un coin dans la pratique la plus détestée des assureurs privés américains : leur capacité de refuser de traiter un assuré qui avait une « condition antérieure », c’est-à-dire un problème médical avant de contracter son assurance. Inutile de dire que ce serait inévitablement la même situation chez nous, avec les récentes réformes qui pénalisent les plus malades… de manière directe ou indirecte. La réforme des retraites en cours conduira à terme exactement aux mêmes dégâts sociaux qu’aux Etats-Unis, mais comme, pour beaucoup, c’est le paradis des autodidactes milliardaires, on ne voit que la superbe partie de cet iceberg gigantesque.
D’ailleurs, depuis hier, d’autres voix s’élèvent outre Atlantique. Elles devraient alerter les Françaises et les Français ayant une oreille attentive. En effet, ce n’est pas chez nous que l’une des plus grandes fortunes du pays et un chanteur moderne lanceraient conjointement une campagne de défense de l’école publique ! pas étonnant, quand on connait la situation apocalyptique dans laquelle elle se trouve, rongée par une outrancière privatisation, similaire à celle qui se met méthodiquement en place en France. Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, un ancien de la prestigieuse université de Harvard, et le chanteur américain de r’n’b John Legend, en partie autodidacte, ont appelé, à Toronto, à réformer l’école publique américaine, en piètre état selon eux. C’est incroyable mais vrai !
Les deux hommes ont accompagné David Guggenheim (« Une vérité qui dérange ») lors de la première internationale de son dernier film documentaire « Waiting for Superman » (« En attendant Superman »), qui raconte l’itinéraire de cinq étudiants à travers le système défectueux de l’école publique américaine. A cette occasion, Bill Gates a déclaré vouloir faire comprendre que « le système scolaire (américain) ne fonctionne pas bien » et pousser à le réparer. Ultra privatisé, totalement inégalitaire, présenté à tort comme exemplaire dans le domaine de la recherche, outrancièrement ghettoïsé, le système « public » sponsorisé ne fabrique plus que des consommateurs sans initiatives. « Si vous regardez les facultés d’informatique dans les meilleures écoles, la majorité (des étudiants) ne sont pas nés aux Etats-Unis. Cela nous donne une indication sur l’état de notre système scolaire », a expliqué Bill qui a fréquenté l’école publique pendant six ans et n’a, en revanche, jamais terminé ses études à Harvard. Chez nous, on voit difficilement les « potes du CAC 40 », proches du Chef de l’Etat, condamner les suppressions de postes conduisant l’école publique, dans les faits, à sa perte et à la fin de sa mission républicaine. Fin de la laïcité, fin de la gratuité, fin de l’égalité réelle des chances, fin du soutien aux plus démunis culturellement ou socialement…fin des moyens financiers indispensables, fin de la formation des enseignants du public : la destruction permanente, acharnée, délibérée du système français le conduira au même niveau que celui des Etats-Unis ! Ce sera une satisfaction pour les élites économiques de ce pays, enfin libérés de l’égalité, de la fraternité et de la solidarité.
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Vous mettez des mots sur ce que pense la majorité dit silencieuse des francais !