Selon que vous serez puissant ou misérable…

La crise frappe. Une grande faux parcourt le champ social, faisant tomber des dizaines de milliers d’emplois, plongeant des familles entières dans la précarité, supprimant des pans entiers du système de solidarité français. Cette hécatombe va s’accentuer en 2010, puisque le seul espoir que puissent avoir les « victimes », c’est de faire confiance aux promesses qui n’ont jamais engagé d’autres personnes que celles qui les écoutent. En fait, ils ont beaucoup moins de chance de gagner au loto que d’échapper à l’infortune qui prolifère. Ces gens-là doivent pourtant se réjouir : le Chef de l’État français les a entendus, mais pas encore nécessairement compris. Il leur avait, par exemple, promis une plus grande justice dans les rémunérations accordées aux PDG du CAC 40 de telle manière qu’une seule personne, aussi douée soit-elle pour le profit, ne puisse revendiquer des salaires démesurés. Les traders devaient limiter leurs appétits de primes. Même le MEDEF avait promis un code de bonne conduite… On en aurait presque pleuré dans les pauvres chaumières. Il fallait un exemple, et la justice allait s ‘en préoccuper. Poursuivi en justice pour ses rémunérations, l’ex-PDG du groupe de BTP Vinci, Antoine Zacharias, a justifié devant le tribunal correctionnel de Nanterre l’ampleur de ses avantages financiers, et a reçu le soutien inattendu de son ancienne entreprise. Patron emblématique, de 1997 à 2006, d’un groupe qu’il a hissé au rang de numéro un mondial de la construction et des concessions, l’ex-dirigeant, âgé de 70 ans et retiré à Genève, encourt cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende s’il est reconnu coupable d’abus de biens sociaux par la justice… d’un pays probablement trop ingrat. Mais ce premier « grand patron » à comparaître en France pour ses salaires, est apparu déterminé à se défendre face aux accusations du parquet de Nanterre, en dépit de problèmes d’audition qui l’obligent à porter un appareil acoustique. Nul ne sait si cet appareil lui a été remboursé au tarif sécurité sociale, ce qui aurait amputé son budget. Vivant en Suisse, comme Johnny, il est bien évidemment à l’abri derrière le plus efficace des boucliers fiscaux, celui du secret bancaire. Il appartient à cette caste qui a glané des subsides faramineux en… France, et qui vont s’installer ailleurs, en méprisant tout le cinéma effectué par un gouvernement qui ne les a jamais inquiétés.
« S’il y a une chose qui n’est ignorée par aucun conseil d’administration, et ils n’en ignoraient pas une once, c’est la rémunération du patron », a soutenu M. Zacharias, costume gris métal à rayures blanches et petit bouc blanc au bout du menton. Et il a raison. Cette « transparence », l’avocat de Vinci, Me Georges Jourde, l’a également plaidée, devenant ainsi le meilleur défenseur de M. Zacharias, alors qu’officiellement, Vinci est partie civile dans le dossier. Bizarre. Comme c’est bizarre : voici des victimes qui prennent la défense de celui qu’ils veulent voir condamner !
Le parquet, qui a mené l’enquête, reproche à l’ancien PDG d’avoir « évincé », en mai 2004, les trois membres du comité de rémunération du groupe, dont Alain Minc, qui s’opposaient au déplafonnement de sa rémunération. Quatre mois plus tard, le nouveau comité, présidé par le parlementaire britannique Quentin Davies, proposait que la rémunération du patron soit totalement indexée sur les résultats, une proposition adoptée par le conseil d’administration. Facile : vous composez le conseil d’administration selon votre convenance. Vous les remplacez par des gens dévoués, et surtout avides de jetons de présence, et le tour est joué.
Le salaire annuel était passé de 2,9 millions d’euros en 2003 à 3,3 millions en 2004, puis 4,2 en 2005. Mais cela allait aussi avoir des répercussions en cascade sur l’indemnité de départ (12,8 milllions d’euros) en 2006, et sur la retraite complémentaire annuelle (2,1 millions d’euros), calculés à partir des derniers salaires, lesquels venaient justement de flamber. Des sommes dérisoires, quand on sait dégager des profits suffisants pour contenter les actionnaires. Tout le monde était content et « Saint Antoine » a rappelé que lors des conseils d’administration, tous les administrateurs avaient approuvé ces changements, y compris les membres de l’ancien comité des rémunérations. Durant l’enquête, les membres de l’ancien comité des rémunérations étaient pourtant allés dans le sens de l’accusation, en disant qu’ils avaient été « virés », « débarqués » ou « démissionnés » par M. Zacharias, qui ne s’embarrassait pas de fioritures. Il virait les administrateurs comme le chef de l’Etat français l’a fait avec son Ministre… du travail ! Lors de ce procès, ni le parquet, qui soutient l’accusation, ni la défense de M. Zacharias n’ont cité le moindre témoin, ce que n’a pas manqué de rappeler la juge Prévost-Desprez. Rien de grave, car personne n’a rien vu, n’a rien entendu, n’a rien su, ce qui n’a pas empêché le parquet de réclamer deux ans de prison avec sursis et l’amende maximale de 375 000 euros à l’encontre de M. Zacharias, pour abus de biens sociaux. Un véritable scandale, puisque les juges n’ont pas suivi cette réquisition, et ils ont acquitté celui qui a été défendu par des avocats, heureux de constater qu’aucun administrateur n’a retrouvé la mémoire.
L’ex-PDG de Vinci pourra donc couler une retraite paisible en Suisse, même si la parquet à fait appel pour éviter un scandale. Il est vrai qu’à quelques mètres de là… on jugeait des sans papiers, ou en comparution immédiate, des jeunes en déserrance. Les juges n’ont pas fait de cadeau. Expulsion, mais pas pour la Suisse pour les uns, et prison ferme pour les autres. C’est de leur faute, ils avaient mal choisi leurs conseillers !

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Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    la Charente Libre du 27/03/2010
    ANGOULÊME: UN SEPTUAGÉNAIRE CRAQUE À L’ÉPICERIE SOCIALE
    «  » »Un habitant de La Grande-Garenne a sorti un couteau à l’épicerie sociale de Basseau, contrainte de refuser les résidents hors quartier. » » »

    Est-ce que la justice aura la même mansuétude avec ce miséreux, désespéré et qui ne se maîtrise plus, tant sa misère est grande, qu’elle a eue avec monsieur Zacharias ?

    Il est vrai que ce dernier n’a pas eu besoin de brandir un couteau pour attirer l’attention, il a les moyens de se payer un avocat pour étouffer son affaire.

  2. sylvie

    tous ces zéros derrières les chiffres me donnent le tournis, et toute cette injustice me donne la nausée. Jamais je ne m’y résoudrai, jamais je ne me résignerai.
    Merci JMD

  3. lauranne

    Il s’agit d’une parodie de justice! Quelle honte!

  4. PIETRI Annie

    Eh oui !

    « Selon que vous serez puissant ou misérable,
    Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».

    La Fontaine a toujours fait preuve d’une extraordinaire lucidité sur l’humanité tout entière, et je vous invite à lire cette fable ( Les Animaux Malades de la Peste ) de bout en bout, tant elle est le reflet fidèle de ce que nous sommes en train de vivre. Le loup, c’est Antoine Zacharias. Nous, nous sommes les moutons. Nous, vous et moi, et tous ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services d’un grand avocat, ou qui ne peuvent compter sur l’appui d’un « grand », suffisamment puissant pour leur faire obtenir l’impunité.
    Mais voilà, Jean de La Fontaine vivait et écrivait au XVIIème siècle. Depuis, 300 ans ont passé, et nous pensions que nos anciens avaient fait la révolution, que le pouvoir monarchique avait disparu, que les privilèges avaient été abolis (souvenez vous, Monsieur d’Amécourt, la nuit du 4 août 1789), qu’avec la liberté et la fraternité, nous avions acquis le droit à l’égalité. Mais c’était sans compter avec l’avènement du pouvoir sarkozyste, et ses régressions en tous genres : sociales, économiques et judiciaires….
    Alors, J.J., votre septuagénaire charentais, à bout de nerfs et de souffrances, va devoir subir les foudres de notre justice du XXIème siècle, et il sera condamné, sinon à de la prison, du moins à une amende qu’il sera bien incapable de payer, compte tenu de ses modestes ressources. Pendant ce temps, le sieur Zacharias pourra jouir, « en toute quiétude » comme aurait dit De Gaulle, à l’abri de la législation suisse, d’une retraite bien mal gagnée, qui lui permettra d’échapper à la fiscalité française et d’éviter d’apporter sa juste contribution au soulagement des misères de nos compatriotes. A moins que l’improbable appel du Parquet qui nous est annoncé aboutisse à une condamnation encore plus improbable…mais le Parquet aura essayé, nous dira-t-on !
    Oui, c’est inadmissible, c’est intolérable….et il nous appartient, jour après jour, de le dire et de le répéter, mais aussi d’agir de toute notre force pour que notre pays redevienne, le plus rapidement possible, celui de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité.

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