Le problème de la France, c’est qu’elle passe plus de temps à traiter les « maladies » et les « crises » qu’à les prévenir. Depuis des décennies on passe de la pommade sur les éruptions à la surface de la peau, sans tenir compte des analyses signalant que le mal est beaucoup plus profond. Les meilleurs spécialistes, docteurs es-politique constatent simplement que les « effets indésirables » ont disparu mais ne cherchent jamais les véritables causes, car elles sont beaucoup plus gênantes à exposer. C’est valable dans tous les domaines, allant de la protection de l’environnement, de la santé, de l’économie à l’éducation ou à la culture. La société des apparences trompeuses a lentement tué la citoyenneté et tout le monde se lamente sur cette triste réalité.
En fait, la seule vérité qui peut sortir des urnes régionales, c’est celle qui veut que, mal informés, les gens deviennent des « sujets » et se comportent en « sujets » passifs et indifférents. Bien informés, ils se comportent parfois en citoyens et agissent en citoyens. Or désormais, la société est coupée en deux blocs égaux. D’un coté, celui du « sujet consommateur » de politique, qui ne vient voter que quand il espère y trouver son intérêt, et de l’autre, les survivants d’un système républicain, reposant sur l’engagement pour des idées, des valeurs, des principes collectifs, pour la politique en somme. Élu depuis bientôt trois décennies à Créon, j’ai une vision probablement alarmiste, mais que je crois réaliste : n’est venue voter à Créon que la très grande majorité des personnes engagées ou anciennement engagées dans la vie syndicale, politique, associative. Les autres sont restés devant « Téléfoot » et « Vivement dimanche ». En fait, le vote de dimanche aura été un vote « social » avant d’être socialiste. Il aura été plus citoyen que revendicatif. Il a reposé sur un besoin de respect, de reconnaissance, mais pas toujours sur une adhésion politique. En effet, la réforme des collectivités territoriales a conduit le Chef de l’Etat français dans une impasse, dont il se remettra difficilement. En fait, il se conduit comme ces généraux qui bombardent les tranchées adverses, sans se soucier des dégâts collatéraux.
Il est indéniable qu’en plaçant les élus locaux en difficulté face à leur population avant une élection de ce type, le gouvernement ne pouvait que subir un tir nourri de riposte.
La suppression de la taxe professionnelle constitue une erreur terrible, car les contribuables acteurs, celles et ceux qui ont un brin de conscience des réalités, savent fort bien qu’il seront les premières victimes d’une absurdité économique. Le milieu associatif actif, dynamique, constitutif d’un réseau très efficace, a parfaitement assimilé les dangers de cette réforme, qui étrangle les départements cette année, les régions l’an prochain et les communes à terme. Adieu les subventions d’équilibre. Au revoir les aides pour les manifestations et les projets tombent à l’eau les uns après les autres. Les affirmations péremptoires et erronées de quelques séides de l’UMP locale ne changent rien aux réalités. A Créon, cité aux soixante associations gestionnaires, il a été inutile de faire une campagne tapageuse : les centaines de responsables de tous les âges savent fort bien que, sans les conseillers municipaux et les conseillers généraux, ils sont condamnés à mourir dans plus ou moins de temps.L’opération purement politicienne de création du conseiller territorial et la supercherie, relayée par les Voyageurs Représentants du Pouvoir que sont devenus certains Préfets a accentué la mobilisation de ce qu’il reste de citoyennes et de citoyens. Ils ont rendu l’union de la Gauche plus aisée, car le danger patent a soudé les résistances. Nicolas Sarkozy fait payer à son parti des fautes graves reposant uniquement sur une arrogance mal vécue.
François Mitterrand expliquait souvent, parait-il, que personne ne pouvait être élu en France, ou tenir le pouvoir, s’il ne possédait pas un relationnel suivi avec les élus locaux. La dérobade du congrès des Maires, le mépris du salon de l’agriculture, l’arrogance permanente de l’État à l’égard de ceux qui sont, au quotidien, au contact de la France d’en bas, ont coûté très cher à l’agité élyséen. Détruire, en pleine crise, les liens indispensables entre la base représentative et le sommet, constitue une grave erreur qui se paiera encore plus cher lors des cantonales et… lors des prochaines sénatoriales.
Le résultat de ce dimanche comporte un message fort : les forces vives du pays ont réussi à mobiliser quand le Parti des socialistes avait du mal à être audible. Les partis politiques de gauche auraient tort de croire qu’ils ont la clé du succès avec un programme commun. Ils devraient absolument comprendre que la citoyenneté active n’est pas morte. Elle passe par bien d’autres canaux que ceux, traditionnels, de la communication institutionnelle. Les blogs, les assemblées générales associatives, les manifestations populaires, sont beaucoup plus porteurs que les médias qui, eux aussi, se sont détachés du terrain. Drapés dans une pseudo indépendance, ils ont perdu toute capacité à s’adpater à leur électorat. Ils peuvent cogner sur la gauche, ignorer les milieux associatifs sportif, culturel, lus ils matraquent sur du bling-bling, plus ils confortent le camp adverse. Plus ils oublient le quotidien, plus ils deviennent non-crédibles. Plus ils font dans l’approximatif, plus ils perdent la confiance des gens lucides.
En faisant une sorte de « Juppémania » le grand quotidien régional d’Aquitaine dédaigne ostensiblement les élus de terrain de Gauche. C’est très bien, car avec 60 % de ses lectrices et lecteurs (ce sont celles et ceux qui sont venus voter dimanche et sont des gens intéressés par les médias) ils ne peuvent que continuer à perdre des lecteurs, des auditeurs et des téléspectateurs.
Les analyses que j’ai lues ne prennent absolument pas en compte cette dimension de la rébellion des actifs de la vie sociale. C’est un volet que les sondages ou les études ne prennent jamais en compte mais, liste électorale en mains, on peut le démontrer quand on connaît très bien sa commune et que l’on côtoie chaque jour les gens qui passent ensuite par les isoloirs. Les absents du scrutin sont aussi les absents de la citoyenneté, celles et ceux qui vivent repliés sur leur échec social, celles et ceux qui croient que le bonheur est derrière un mur et des chiens de garde, repliés sur leurs certitudes, repliés sur les chaines de télé, repliés sur la culture stéréotypée, repliés sur leur honte d’être chômeurs, repliés sur leurs difficultés financières, repliés sur leur jeunesse sans espoir, repliés sur le nouveau triptyque de référence pour l’indifférence galopante : maison, gazon, télévision!
Vous ne trouverez pas cette explication dans les journaux ni sur les plateaux de télévision, car on n’y voit que des plantes hors sol, des produits manufacturés, des ignorants de la dure réalité associative locale. Samedi, un millier de citoyens partageaient le carnaval à Créon, organisé par les bénévoles du centre socio-culturel « la cabane à projets ». Le lendemain, sur Créon 68 % des gens venus voter soutenaient la liste de Gauche ! J’ai plus appris sur la société en 17 ans de Président du Comité des Fêtes qu’en 17 ans de fonction de Maire. Les consommateurs de blig-blin sont restés chez eux car privés de leur « nourriture » alors que les acteurs ont décidé de protester en se déplaçant.
Plus que jamais, ce scrutin met en évidence une fracture entre les « citoyens » de tous bords et les « sujets » de tous bords. Les uns vivent sur la richesse de leur culture de l’action solidaire, les autres s’appuient de plus en plus sur la pauvreté de leur univers clos. L’ouverture de Nicolas Sarkozy ne changera rien à ce constat, si la gauche a la capacité de faire comprendre qu’un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile.
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Mais non, mais non. Tout ça, c’est parce qu’on n’a rien compris, c’est qu’on nous a mal expliqué les réformes. Parce que l’électeur lambda, surtout celui qui ne vote pas dans le bon sens ou qui s’abstient, est bien sûr un imbécile inculte qui ne comprends pas que le gouvernement agit pour son bien. Chaque semaine qui passe voit apparaître de nouvelles taxes, de nouvelles atteintes à nos libertés, à nos garanties constitutionnelles, on casse nos usines et nos retraites mais c’est pour notre bien.
On nous botte les fesses et on trouve anormal qu’on ne dise pas merci.
Le comble, c’est qu’on en vient presque à regretter Chirac.
Venons en à l’ouverture. Ouverture à droite !!! J’ai failli exploser de rire quand j’ai entendu ça. On nous prend vraiment pour des demeurés. J’avoue que c’est une conception de l’ouverture à laquelle je ne m’attendais pas. Je crois que la seule ouverture, je dirais plutôt couverture, c’est Baroin le chiraquien. Le verbe facile, la jeunesse, l’allure sympathique, bref le gendre idéal de toute ménagère, le type qu’on se verrait bien comme copain. Sauf que… sauf que… il faut peut-être voir un peu plus loin : ne serait-ce pas, pour notre cher Président, le moyen de mieux contrôler, voire de museler, solidarité gouvernementale oblige, un concurrent potentiel plutôt télégénique (important à notre époque people bling bling), mais critique et redoutable envers ses (pseudos) amis politiques faut-il le reconnaître, qui risquerait de se dresser sur la route de 2012 ? Parce qu’il a les dents longues le petit François, soyons en certains, et il attend sagement son heure.
Mais bon, vous n’êtes pas obligés de me croire.
« Les absents du scrutin sont aussi les absents de la citoyenneté, celles et ceux qui vivent repliés sur leur échec social, celles et ceux qui croient que le bonheur est derrière un mur et des chiens de garde, repliés sur leurs certitudes, repliés sur les chaines de télé, repliés sur la culture stéréotypée, repliés sur leur honte d’être chômeurs, repliés sur leurs difficultés financières, repliés sur leur jeunesse sans espoir, repliés sur le nouveau triptyque de référence pour l’indifférence galopante : maison, gazon, télévision! »
Quel mépris. Nul doute qu’aujoud’hui la haine de classe est de gauche. Salauds de pauvres qui ne vont pas voter pour la gauche bobo !