Les acteurs du tourisme vont perdre le sourire

Lorsque l’on s’exprime devant des élus locaux réputés apolitiques ou simplement de droite, ils affirment haut et fort que les allégations des gens de gauche sur les difficultés financières qui attendent les collectivités locales, après la pseudo simplification de l’absurde présentation du « mille-feuilles » territorial, relève de la manipulation. Ainsi, lors d’un repas très détendu avec une adjointe au maire de Bordeaux, celle-ci, avec le sourire, se moquait de mes affirmations sur l’absolue incapacité en 2010 pour le Conseil général de s’engager dans le « grand stade », la « LGV », le « centre culturel du vin » à hauteur cumulée de quasiment 150 millions d’euros. « J’ai lu quelque part, m’expliqua-t-elle, que vous aviez eu beaucoup de recettes depuis plusieurs années. Les droits de mutation ? Vous allez voir, la reprise va revenir et vous pourrez tout payer! Vous faites croire que vous manquez d’argent, mais c’est une posture politique! ». Elle ne faisait, en fait, que répéter sous une autre forme les affirmations d’Alain Juppé, en bureau de la Communauté urbaine de Bordeaux, lorsqu’il examinait les conséquences de la suppression de la Taxe professionnelle. « Vous voyez, c’est beaucoup moins grave qu’annoncé. Et d’ailleurs, je prends le pari que le Conseil Général ne baissera pas ses subventions d’un euro en 2010 ! ». Peu de socialistes présents autour de la table ont relevé cette affirmation, sauf une élue, qui a défendu bec et ongles la position de l’assemblée départementale, contrainte, jour après jour, de reformater son budget 2010, face à la chute continuelle des recettes et l’augmentation des dépenses contraintes. C’est sûrement pour le plaisir, et par simple calcul politique… En fait, quel que soit l’argument avancé, il se heurte à la méthode Coué nationale : on emprunte parce qu’on n’a pas les moyens de rembourser, et on exonère à tour de bras car on n’a pas besoin des moyens de rembourser. Il en va de même pour la clause de compétence générale qui, actuellement, permet aux conseils généraux de soutenir les communes les plus modestes, les associations, les services d’eau et d’assainissement.

Bien évidemment, quand on explique à ces élus confiants dans les promesses de sénateurs qui clament leur indignation, mais  s’inclinent jusqu’à la moquette du Palais du Luxembourg quand on les rappelle à l’ordre depuis le « château », on falsifie une loi « rassurante ». Et pourtant, toutes tendances confondues, les présidents des Comités départementaux du Tourisme viennent de sonner le tocsin. Qu’ils soient UMP, Nouveau Centre, Modem ou Socialistes, ils s’inquiètent de la disparition de cette fameuse clause, à laquelle personne ne comprend rien, mais qui permet aux Conseils généraux d’intervenir dans le seul secteur d’activités économiques qui a, en 2009, à peu près résisté à la crise. En Gironde, la part du tourisme est estimée à 6,5 % du Produit intérieur brut, pour se placer en seconde position derrière le vin, dont on connaît malheureusement la chute vertigineuse. La consommation moyenne annuelle des touristes atteint 1 458 millions d’euros, et permet à 16 200 salariés de vivre sur cette activité essentielle. A son échelon, le Conseil Général est un acteur majeur du développement touristique départemental, grâce aux investissements qu’il réalise en termes d’aménagement et de promotion touristiques. Il le fera probablement moins en 2010, pour ne plus le faire du tout si on lui supprime la possibilité légale de le faire. Son rôle d’interlocuteur privilégié entre acteurs publics et privés du territoire, et sa capacité à fédérer les initiatives touristiques locales contribuent à générer une cohérence territoriale et sociale reconnue. Il finance également le Comité Départemental du Tourisme, qui compte 35 équivalents temps plein, intervenant sur tout le front de la promotion de la Gironde. C’est ça la réalité, et pas autre chose. Quel avenir, après 2011, pour ces gens qualifiés ?

Par exemple, dans le secteur de l’itinérance, principe fondateur d’une politique d’inter-modalité avec pour objectif le développement d’un tourisme de proximité,  de 2006 à 2009, le Département a engagé 8 792 473 € en investissement et  1 093 879 € en fonctionnement. Ces crédits ont permis l’aménagement et l’entretien de pistes cyclables (100km dont 60 en site propre) ; la rénovation ou l’aménagement d’équipements liés au tourisme fluvial ( le Port de la Maréchale, une cale de mise à l’eau à Ambès, l’aménagement des quais de Pauillac…); la mise en place d’une signalétique touristique locale ( Estuaire, Vallon de l’Artolie, Juridiction de St Emilion …); l’aménagement de sentiers pédestres. De 2006 à 2009, le Département a engagé 739 431 € pour les équipements d’accueil touristique, pour un montant total des travaux de 3 406 401 €; ces crédits ont permis l’élaboration de 10 études préalables à la création ou à la modernisation d’équipements (étude de requalification, étude marketing…); la réalisation de 24 équipements ( comme le parc ornithologique des Nouvelles Possessions, l’aménagement des prés salés de La Teste, un réseau d’aires de camping car sur la CDC du Brannais. Pour les hébergements touristiques, de 2006 à 2009, le Département a dépensé 1 896 684 € pour un montant total de travaux de 12 634 802 €, ces crédits ont permis la création de 114 chambres d’hôtes; 50 gîtes ruraux; 2 meublés; 2 hôtels ; 1 eco-camping et la rénovation d’un village vacances, un camping et 7 hôtels… C’est toujours trop peu, mais on va voir dès 2010 les conséquences des réformes en cours, et on constatera que le « trésor » supposé n’a jamais existé!

De 2006 à 2009, le Département a financé 12 373 692 € dont 12 026 157 € d’aides aux associations et organismes partenaires, participant au développement et à la promotion du tourisme (CDT, Udotsi, Gites de France, Bienvenue à la ferme…); 98 310 € d’aides aux associations liées à des projets (ecolabel européen, dispositifs d’accompagnement d’associations…); 249 225 € d’aides aux évènements qui participent au développement touristique et à l’attractivité des territoires. Tout le monde devrait donc se sentir menacé dans son existence même par cette destruction des interventions de proximité au service de l’économie. Moins de crédits publics, ce sont moins d’emplois, moins de cotisations sociales, moins de TVA, moins de travaux et donc une chaîne qui va se briser. On le constatera dès le vote du budget 2010 des conseils généraux! En sonnant le tocsin, le Réseau National des destinations départementales a seulement souhaité alerter les professionnels sur un avenir qui ne sera plus aussi ensoleillé que l’an passé ; dès 2010, il faudra penser licenciements, diminution des budgets, arrêt de la promotion… et alors, ils sera temps de sourire, en évoquant les difficultés que l’on a créées autour des collectivités pour de basses raison politiciennes. On rétablira alors dare-dare la clause de compétence générale… mais comme il n’y aura plus un seul euro à y affecter, elle ne servira plus à rien.

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