Des berges très loin de Grenelle

Ce matin, réunion de travail en mairie de la commune de Baurech, riveraine de la Garonne, sur le thème extrêmement préoccupant des berges du fleuve. Un sujet éminemment moins spectaculaire que ceux qui agitent chaque jour le Landerneau médiatique, affamé de sensationnel en rapport avec le réchauffement climatique. Le retrait des lignes de côtes commence juste à mobiliser quelques énergies, mais peu de crédits existent sur ce sujet, et sur les rives des cours d’eau les plus importants, la catastrophe menace, car les erreurs antérieures se payent cash. L’Etat est omniprésent réglementairement sur le sujet, via la « Police de l’eau » et surtout « Voies navigables de France », des services en voie d’évaporation en raison de la loi de Réforme des services de l’Etat ! Il empile les injonctions, et se permet de juger et de jauger les propositions des payeurs que sont les associations syndicales d’entretien des digues ou des marais, les communes, les communautés de communes… mais sans jamais proposer le moindre fifrelin pour les mettre en œuvre.

En fait, le comblement des zones naturelles d’expansion des crues sur l’agglomération bordelaise cause, en aval, des dégâts considérables, en raison de l’accélération des mouvements d’eau (mascaret dans un sens, courant normal dans l’autre), les extractions de granulats dans le lit durant des décennies a également démultiplié les vitesses d’écoulement du flux de la Garonne. Résultat, les berges s’effondrent et menacent de plus en plus des habitations historiquement placées assez loin du lit du fleuve. Cette érosion détruit les systèmes de régulation des zones humides, de plus en plus délaissées (écluses, étiers…). Des travaux gigantesques de reconstitution de zones disparues, après une préservation contre les courants, deviennent nécessaires, mais… en dehors du Conseil général et du Conseil régional au titre de leur compétence générale, personne ne vient en aide aux structures de terrain.

Éparpillée entre divers maîtres d’ouvrage sur un linéaire commun, la responsabilité a du mal à se définir, et pendant ce temps, le fleuve fait son œuvre destructrice. Il faut des mois et des mois pour trouver une solution administrative (études obligatoires sur la préservation de l’angélique des estuaires, plantes protégées, études géologiques, études d’impact, études techniques…) débouchant sur des travaux concrets extrêmement onéreux (plusieurs millions d’euros sur 10 kilomètres des deux côtés). On rame, on pinaille, on attend, on retarde, et la nature que, dans le fond, on pourrait bien laisser faire, se charge de régler de problème.

Sur les communes de Quinsac, Cambes, Baurech, Tabanac, Le Tourne… on a véritablement le sentiment de tourner en rond et de vérifier la véracité des conclusions du Grenelle de l’environnement. En fait, ces grands rendez-vous de promotion pour celles et ceux qui ont eu l’honneur d’y participer, débouchent inexorablement sur le même constat : faites et payez ce que je vous dis, car je n’ai ni les moyens de faire et de payer ce que je vous impose !

En matière environnementale, l’action n’a pas encore remplacé les déclarations. La discussion qui s’ouvre dans les prochains jours au Sénat sur les lois du Grenelle II va encore une fois mettre en évidence cette réalité. Rien ne sert de se passionner pour des thèmes, tellement déconnectés du terrain, que cela en devient affligeant.

Je suis reparti de Baurech avec un constat simple : on se reverra dans plusieurs mois, pour décider si l’on peut faire quelque chose. Ensuite, on passera plusieurs mois pour trouver les fonds, et comme la réforme sera passée par là… et que la compétence générale du Conseil général et du Conseil régional aura disparu, on se résignera à ne rien faire. Il passera donc beaucoup d’eau dans la Garonne avant que les berges ne partent plus vers l’océan d’indifférence qui, paradoxalement, anime une société de l’événementiel. Dans le fond, il faudra attendre qu’un maire soit mis en examen pour ne pas avoir agi vis à vis d’une maison engloutie par le fleuve, pour que l’on se mobilise durant quelques jours… Après, on reprendra le cours normal des choses!

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Cet article a 2 commentaires

  1. daniel PALACIN

    En tout état de causes nous en revenons au même point, le comptable de l’Elysée n’ayant pas signifié clairement qu’il faut envoyer à pôle Emploi tous ceux qui n’ont rien à y faire, ce doit peut être au Maire de la commune d’envisager un emprunt personnel pour réaliser ce que l’on lui impose en terme d’environnement.
    Petite anecdote à ce sujet dans le monde de l’immobilier,Jean Marie Darmian.
    Lorsque l’on veut vendre un pavillon, il y a des contrôles obligatoires à faire
    plus un sur la commune de Bruges, mais pas seulement.
    Il y a quelques temps sur la commune de Bègles, on signifia clairement à son Maire que sa commune sentait réellement mauvais.
    Après enquête on découvrit que dans les ventes d’appartements en portions le propriétaire du 4ième ne pouvant se raccorder au tout à l’égout puisque l’appartement du troisième n’était pas rénové, il raccorda son tout à l’égout sur les eaux pluviales de l’immeuble.
    ceci expliquant cela, l’information circulant vite, certaines communes décidèrent de prendre le même arrêté.
    Sauf qu’à Bruges dont le Maire opticien de son métier, marchand de parapluie depuis qu’il en prend sans arrêt, il faut m’expliquer où est la similitude avec la commune de Bègles,car je lui rappel non pas le montant exorbitant de ma taxe foncière, et c’est peut être pour cela que j’aimerai bien vendre mon pavillon, et qu’en fin de compte le contrôle de mon bon raccordement au tout à l’égout qui va se faire avec une simulation de fumée, c’est encore moi qui avait devoir le payer.
    Alors entre un Maire qui dit ce qui dit à Créon sur les autorités supérieures et celui de Bruges qui fait exactement la même chose, je ne vois pas bien ce que l’on va pouvoir faire.

  2. Txago

    Bonjour,

    Je vous invite à lire un article de Mediapart concernant les berges d’Esconac, sur la commune de Quinsac :
    http://www.mediapart.fr/journal/france/130909/pour-proteger-la-garonne-des-riverains-combattent-le-genie-civil

    Pour répondre aux préoccupations de Jean-Marie Darmian, il est bon de rappeler que l’Adour et la Dordogne sont dotées de syndicats de rivière qui rassemblent les collectivités locales concernées (communes du bord de l’eau, départements, région). Ces syndicats emploient des techniciens de rivière, chargés de l’entretien des berges et des digues, qui agissent dans le cadre d’un schéma directeur. Le schéma de la Garonne existe, piloté par le SMEAG à Toulouse. Mais nous n’avons toujours pas de syndicat des berges sur la Garonne faute de volonté politique (nous sommes l’un des derniers, voire le dernier fleuve français à n’en être pas doté)… Il y a bien eu des tentatives (Langoiran, puis Villenave et Cadaujac) pour fédérer des communes et CDC concernées (5 CDC entre Langon et Bordeaux hors agglomérations urbaines), mais elles se sont perdues dans les sables.

    Il est essentiel de raisonner à l’échelle d’un bassin versant en prenant en compte les évidences et les urgences :

    1. Garonne a besoin de refaire son lit (constitué sur des millions d’années et pillé en 30 ans), en empruntant leurs matériaux à certaines berges et en accueillant les cailloux de l’amont (malheureusement retenus par les barrages).

    2. Il est essentiel de prévenir les effets des crues en prévoyant des zones d’expansion des eaux, lesquelles se situent de plus en plus en amont au fur et à mesure de l’expansion urbaine de la CUB — qui se souvient des palus de Bègles avant qu’ils prennent le nom de Rives d’Arcins ?

    3. Il est essentiel de prévoir les zones où Garonne ira puiser des matériaux et les zones à protéger. Ce qui nécessite de prendre en compte l’indemnisation des propriétaires fonciers offrant leurs terres à la gourmandise de la rivière.

    4. Il est essentiel de fédérer les moyens et les expériences en matière de gestion des berges. La CDC des Vallons de l’Artolie fait par exemple appel à un bureau d’étude spécialisé dans les ouvrages de fleuve « maritime » qui recommande d’user de techniques mixtes (stabilisation par génie civil en pied de berge et végétalisation de la pente). Ces techniques sont beaucoup moins onéreuses et bien plus pérennes que les techniques classiques d’enrochement. Il convient de rappeler à ce sujet les orientations du CG et du CR qui recommandent les techniques douces et le génie biologique : moins cher et bien plus respectueux de l’environnement que les techniques BTP.

    À Esconac, nous avons réfléchi depuis plusieurs années (tout comme de nombreux riverains de Garonne) aux problèmes que pose le fleuve et aux solutions mises en œuvres sur les cours d’eau de notre région. Nous avons rencontré plusieurs bureaux d’études spécialisés dans les ouvrages de berge, nous sommes en contact avec les techniciens de rivière de la Dordogne et de l’Adour, avec tous les bureaux spécialisés de nos collectivités territoriales, etc.

    Ce n’est qu’en fédérant les énergies à travers un syndicat du fleuve que nous pourrons sensibiliser l’État à nos problèmes. Les exemples de l’Adour et de la Dordogne sont là pour nous montrer que c’est possible. Il n’y a qu’à marcher dans leurs traces.

    Si cette piste vous intéresse, merci de vous manifester.

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