Fri, 28 Jul 2006 07:17:00 +0000
Le développement durable a fait une entrée fracassante dans la gestion locale. Il est vrai qu'il faut réagir encore plus vite qu'on ne le pense tant la situation empire de jour en jour. La planète, dans sa globalité, étouffe, s'use, se débat mais meurt lentement sans affoler outre mesure la très grande majorité des gens qui la conduisent à sa perte. Chacune et chacun d'entre eux et donc forcément quasiment toutes et tous pensent que les efforts sont à effectuer par les autres mais qu'ils ne sauraient remettre en cause leur propre comportement. Chaque geste du quotidien (ouvrir un robinet, se déplacer vers l'école, choisir des produits ménagers, allumer un appareil ou un bouton électrique, trier ses papiers, sortir sa voiture du garage?) devient désormais un véritable acte citoyen. Le principal problème vient du fait que les consciences ne sont pas encore prêtes à le considérer comme tel, et un fossé se creuse sur la base de la dose de l'égoïsme coulant dans les veines des uns ou des autres.
Le message global a du mal à passer car les arguments ne mettent pas encore assez en évidence la responsabilité individuelle par rapport à un problème présenté comme lointain, ésotérique et destiné à des peuples oubliés. La trouée de la couche d'ozone, la fonte de la banquise, la déforestation en Amazonie, la pollution des rivières sibériennes, les fuites radio-actives de Tchernobyl, la dispersion des pollens OGM dans les grandes plaines américaines, l'avancée du Sahel n'empêchent pas les Européens de dormir car il leur semble qu'ils n'ont pas de conséquences sur leur avenir proche. Tout homme se sent désormais invulnérable individuellement mais fragile collectivement, sans pour autant remettre en cause ses attitudes personnelles. Les cityens sont prêts à se mobiliser avec véhémence contre un grand contournement de Bordeaux, un centre de stockage de déchets ménagers, une antenne de téléphonie, un forage d'eau potable, sans se rendre compte que ce qu'ils vivent comme des atteintes à leur environnement ne sont que les conséquences d'attitudes collectives coupables.
Le développement de la planète n'a en effet, depuis des décennies, de durable que les atteintes qu'il lui cause. Axé sur le profit, il ne résiste pas à la pression de lobbies terriblement présents. Les rares accords mondiaux sont détournés, abandonnés ou parfois lentement, trop lentement, appliqués. Le fossé se creuse et risque de se transformer en abîme si par malheur la Chine et l'Inde manifeste le même dédain que les Etats Unis sur les conséquences de leur passage à la société de consommation.
CHANGEMENT RADICAL DES MENTALITES
On ne souligne pas assez que l'avenir passera par un changement radical des mentalités. Et dans ce secteur il y a encore 99 % du chemin à accomplir car la parcellisation des programmes conduit à en nier l'obligatoire transversalité. Ainsi il est vain d'imposer aux aménageurs des normes de construction dites Haute Qualité Environnementale (H.Q.E.) quand il n'y a pas sur le marché d'entreprises prêtes à les mettre en ?uvre ou que leur nombre très restreint interdit la concurrence. Le système éducatif prend du temps à prendre le virage des énergies nouvelles et les ouvriers qualifiés manquent singulièrement dans ce domaine. Quand ils arriveront le retard sera probablement déjà conséquent.
Comment inciter les gens à passer au solaire quand trop peu d'artisans ont le label nécessaire à l'installation des équipements ? Est-il utile de prôner le système du puits canadien quand peu de monde en connaît le principe ? Peut on continuer à inciter à acquérir des véhicules électriques quand on voit les frais induits de la moindre réparation ? Les maisons bois sont demandées mais les concepteurs fiables ne sont pas nombreux?et aucun » pavillonneur » n'en propose. Une bonne part de la mutation passera par une forte réorientation des formations initiales et continues. Les filières actuelles figées et standardisées ne préparent pas nécessairement à une révolution culturelle. L'avenir va vite pourtant dépendre de la vitesse à laquelle on saura répondre à ce défi.
LES CONSTRUCTEURS, LES EXPLOITANTS NE SE FORCENT PAS TROP
Par ailleurs le profit reposant sur la consommation ou même dans certains cas sur la surconsommation il est patent que les constructeurs, les exploitants ne se forcent pas trop pour mettre en ?uvre des principes du développement durable. Il en va ainsi dans le domaine du pétrole, de l'eau ou de l'électricité. Chaque goutte, chaque m3, chaque Kw épargné constituent un manque à gagner défavorable aux actionnaires qui sont aussi quelques fois des consommateurs révoltés. Le chantage à l'emploi menace. Des filières entières sont en cause. Elles sont bien installées. Elles tiennent le marché. Elles maîtrisent la recherche. Elles constituent de gigantesques groupes de pression. Leur poids n'est pas apparent mais n'empêche qu'il s'exerce sur des chois essentiels.
L'Assemblée nationale après avoir examiné la motion de censure » courant clair » va, bizarrement poursuivre l'examen de la nouvelle loi sur l'eau. Le projet actuellement en débat est loin de faire l’unanimité. Un an après son adoption au Sénat, agriculteurs, écologistes et consommateurs s’affrontent sur le principe du « pollueur-payeur ». Ce dispositif a été écarté du texte présenté la semaine dernière par la ministre de l’Ecologie Nelly Olin. Le projet dont l’objectif est de parvenir à « un bon état écologique » de l’eau d’ici 2015 doit être voté le 30 mai par les députés. On verra quels sont les élus de la majorité UMP actuelle qui appliqueront ce principe sur un problème concret qui est au c?ur des préoccupations planétaires.
Dix ans de tergiversations pour aboutir à la version finale du texte et deux ans de débats publics n’ont pas suffi à concilier les positions des protagonistes
, ni sur le prix de l’eau ni sur la répartition des taxes ou les moyens de réduire les pollutions. Seul point de consensus: la nécessité de réaliser des économies d’eau en France après trois années de sécheresse consécutives. Pour le reste aucun consensus n'est en vue.
, ni sur le prix de l’eau ni sur la répartition des taxes ou les moyens de réduire les pollutions. Seul point de consensus: la nécessité de réaliser des économies d’eau en France après trois années de sécheresse consécutives. Pour le reste aucun consensus n'est en vue.
Mais l’enjeu pour les associations de défense des consommateurs ne se limite pas au seul retour à un « bon état écologique », conformément à une directive européenne datant d’octobre 2000. La facture a en effet plus que doublé en quinze ans et varie du simple au double selon les départements.
Une étude de l’Institut français de l’environnement menée entre 1998 et 2001 montre que le coût de l’eau a progressé en moyenne en France de 8% entre 1998 et 2001 en raison essentiellement du coût de l’assainissement des eaux polluées.
PRIX ABUSIFS, PAYSANS MÉNAGÉS
Côté qualité, des experts du Muséum d’Histoire naturelle jugent « inquiétant » l’état sanitaire de 50% à 75% des eaux françaises. Seules 25% parviendront à un « bon état » écologique en 2015, estiment-ils. La Bretagne, importante région agricole, est dans la ligne de mire. En 2004, la pollution de ses eaux par les nitrates avait valu à la France d’être condamnée par la Cour de justice européenne pour non-respect de la directive sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
Les pesticides, les herbicides et les engrais sont directement incriminés. Le projet de loi prévoit de taxer les gros pollueurs comme les agriculteurs, préconisant un classement de leurs produits en catégories « dangereux » et « très dangereux ». Ils seront taxés à hauteur de 1,2 ? à 3 ? par kilo. Insuffisant, répondent écologistes et consommateurs qui réclament l’application du principe « pollueur-payeur » et dénoncent un texte qui ménage les paysans au détriment des particuliers. En effet en période estivale, les agriculteurs utilisent 79% de l’eau consommée en France contre 10% pour les particuliers. Or, le budget des agences de traitement de l’eau est financé à hauteur de 85% par les particuliers contre 1% pour les agriculteurs et 15% pour les industriels.
Le projet de loi propose de relever la part des paysans à 4%, un niveau jugé insuffisant par l’UFC qui se demande si « les consommateurs vont continuer à payer pour dépolluer une eau essentiellement souillée par les autres ».
Dans le concert de protestations du monde paysan, seule la Confédération paysanne prône « la mise en place de redevances selon le principe « pollueur-payeur », de façon proportionnée ».
Le développement durable est bien loin de ce débat essentiellement économique. Il durera probablement beaucoup moins longtemps que celui lié aux économies d'eau car l'affaire paraît réglée d'avance. L'électorat des maïsiculteurs ou des céréaliers n'est pas prêt à accepter de payer pour une ressource qu'il considère comme sa propriété et inépuisable.
Mais je déblogue?
Ecrit et publié avec Reuters le 22 mai 2006
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