Sat, 26 Nov 2005 00:14:00 +0000
Ma semaine s'est achevée en trombe. Lancement du chantier d'une quatrième maison intercommunale de l'enfance, inauguration d'une nouvelle salle des fêtes à Sadirac, assemblée générale de la FNACA. Après quelques jours à Paris, ce » bain « , complété par un retour moralement difficile aux affaires, m'a réchauffé l'esprit. C'est un véritable réconfort que de rencontrer des visages connus ou inconnus, d'écouter leurs analyses des propos des grands de ce pays, de sentir la manière dont ils perçoivent ce que les » gouvernants « croient être des vérités. Un mot ou deux, glanés par ci par là, et se constitue le puzzle formidable de l'opinion publique. Bien plus que les sondages, les visages, les sourires, les moues dubitatives, les poignées de mains, les embrassades traduisent la satisfaction, le scepticisme ou la confiance.
ATMOSPHERE POLAIRE.- Dans un froid glacial, les débuts de la construction de plus de 450 m² de locaux dédiés à l'enfance constituaient un signe fort d'espoir en l'avenir. On ne le percevait pourtant pas tellement au sein du petit groupe blotti pour dévoiler la plaque récapitulant des années de travail. Savoir si cette atmosphère était liée au climat, ou à une morosité profonde des décideurs?
Il semble en effet que, désormais, plus grand monde n’espère en une amélioration du bien-être par, uniquement, la création de structures d'avenir nouvelles. L'équipement, le bâti, l'outil, s'effacent devant l'argent rapide. On n'a pas besoin de lieux porteurs d’avenir, mais de » crédits » d’argent pour vivre librement, sans se soucier d’autre chose que de ce que l’on croit être du bonheur immédiat. Pour être crédible, il ne faut donc plus créer mais donner, pas construire mais distribuer, pas réaliser mais promettre ; il est devenu fondamental d’être celle ou celui qui sera capable de sortir des sables mouvants de la consommation futile, des familles enlisées. Ne leur parlez pas d’avenir, il veulent de l’immédiat.En une fraction de seconde, j'ai compris pourquoi la » racaille sarkozienne » des banlieues s'en était pris à des biens matériels : écoles, gymnases, collèges?Elle se moque des biens de développement durable de la société, dont elle ne comprend pas l'intérêt à long terme, mais elle table sur l'immédiateté du gain. Ainsi, chaque matin en arrivant à l'école, l'enfant place son avenir dans le menu du restaurant scolaire ; le collégien et le lycéen discutent, avec leurs copains, de ce qu'ils feront le soir ; les parents évoquent la fin du mois, qui? dure trois semaines. Et les élus leur parlent de former des générations futures, de construire les adultes de 2025, de préparer des lendemains, des surlendemains qui chanteront, de leur promettre des échéances fastes à trois, six, ou neuf ans. Ils parlent de socialiser, d'éduquer, de former, d'intégrer, alors que ceux qui ne les écoutent même plus, se débattent dans le quotidien et espèrent trouver une solution rapide à des problèmes simples. Comment manger ? Comment payer le fioul ? Comment régler le loyer ? Comment offrir aux gamins ce qu'ils exigent comme des symboles du paraître ? Comment se procurer l'argent, cet argent sans lequel rien n'est plus possible ? Le reste ne les motive absolument pas ! Notre maison intercommunale de l'enfant concerne d'abord les familles ayant un statut, celles ayant une possible réflexion sur la garde de sa progéniture, car elles ont du boulot, celles qui exigent des services, en sachant que, tant bien que mal, elles auront les moyens de se les offrir? Les élus adorent se projeter dans l'avenir, alors que la France d'en bas, autres élus locaux compris, leur demande de plus en plus de parler du présent. Le froid perçant a mis un terme à ma réflexion de solitaire au milieu des visages amis, mais j'ai eu l'impression d'un rendez-vous tout à fait artificiel.
DANS L'AIR DU TEMPS.- Lors de l'inauguration de la salle des fêtes de Sadirac, on était en revanche au chaud. Au chaud physiquement et au chaud moralement. Justement parce que l'équipement aménagé réconciliait tout le monde avec le présent. Toutes les générations s'y retrouvaient et avaient la certitude qu'elles l'utiliseraient très vite. Les retraités, majoritaires dans la salle, s'y voyaient casser la croûte, venir au spectacle, ou pratiquer leur sport favori : le loto. Les jeunes pensaient aux concerts. Les élus, ravis de constater qu'ils étaient dans l'air du temps, avaient retrouvé leur sérénité. Ils pouvaient parler de partage, d'échange, de convivialité, de mieux être sans avoir la responsabilité de parler d'un monde socialement meilleur.
Le plus dur consistera, maintenant, à expliquer en quoi un espace de ce type a une utilité dans le lien social d'une commune, ravagée par l'égoïsme généré par le mitage de son espace. Là encore, le décalage est fort. L'investissement ne paraît pas majoritairement utile, car le spectacle, la culture, ne sont plus des valeurs à la mode, compatibles avec le rendement du CAC 40. Le triomphe de la semaine écoulée aura bel et bien été l'engouement populaire des moyennement fortunés, mais suffisamment pour se croire aisés, pour les actions privatisant EDF. Au lieu de mettre leurs économies dans la consommation, seule susceptible de relancer une dynamique sociale, ils l'ont offert à l'Etat, qui va s'empresser de l'engloutir dans la dette abyssale du pays. Alors, que pensent-ils véritablement d'un centre culturel remplaçant une salle des fêtes dépassée ? Comment le » rentier » sadiracais, le » retranché » du pavillon, ou l'adepte de » gazon, maison, télévision » jugera-t-il un équipement sans rentabilité? immédiate ?
SERVICE CIVIL.- A la FNACA, le ton était encore d'un autre genre. Les anciens combattants d'Algérie ne se retrouvent qu'autour du passé, et ils ne parlent que très peu d'un avenir qu'ils ont majoritairement derrière eux. Ils avaient pourtant déniché, dans le présent, le sujet essentiel de leurs débats. Le fameux service civil, annoncé par Droopy Chirac, a vite suscité le scepticisme. Cette mesure est jugée totalement utopique par des hommes ayant été contraints de donner 18 à 24 mois de leur jeunesse à la France. Ils ont du mal à admettre que l'on n'ait pas la volonté de renouer avec l'obligation de devoir. Ils le formulent à leur manière, mais sans exagération. Les événements récents des banlieues les renforcent dans leur critique d'une société laxiste? Dangereux pour l'avenir. Très inquiétant pour les prochaines échéances électorales.
Je leur ai proposé une idée : un » service solidaire et citoyen « de six mois. Inutile d'envisager un système centralisé et lourd, mais tout simplement la prise en charge par les intercommunalités ou les départements de ces périodes alliant une formation directe, purement didactique, aux principes républicains (éducation civique), une formation aux premiers secours (sapeurs-pompiers), à la sécurité routière, ou à l'aide intergénérationnelle.
Je suis prêt à mettre en ?uvre un tel projet pour tous les 18-26 ans de notre territoire. Chiche ! Pas de frais particuliers (encadrement dédommagé par des retraités), pas de programme ambitieux (compétences communautaires), pas d'autres principes que ceux de la République : égalité devant la solidarité, liberté du choix de son secteur d'activité, fraternité, en mélangeant les statuts sociaux et les origines.
Mais je déblogue?
open
ACTUALITE
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.