On va vers encore 30% de poudre aux yeux supplémentaires !

Un repas détendu entre personnes de toutes origines et de toutes tendances, simplement heureuses de passer un moment ensemble, loin des nécessaires apparences de la vie publique, et évidemment la politique vient dans la conversation ! Un bon moment quand on en arrive à la prestation télévisée de qui vous savez, entre élus, l’avis est unanime : quelle mouche a bien pu piquer un éminent conseiller pour lui faire annoncer que les coefficients d’occupation des sols seraient majorés de 30 % par décision présidentielle ? Le chef de l’État français avait balancé, sans en avertir personne, la suppression de la taxe professionnelle, plongeant les services de Bercy dans la panade la plus complète, et là, il a récidivé pour un coup d’éclat absurde et inutile ! Qui a bien pu lui donner cette fausse bonne idée qui va, une fois encore, totalement tromper les gens qui ont encore confiance dans sa parole ! Un effet d’annonce en forme de mirage. Il avait annoncé des mesures fortes pour le logement, et il a lancé une une mesure inapplicable car totalement irréaliste.
Comme pour la suppression de la taxe professionnelle, la décision semble puissante et heureuse, mais elle ne résiste pas un seul instant à une analyse technique objective. Le pire, c’est qu’il le sait fort bien, ou alors il ne mérite pas d’être dans le fauteuil qu’il occupe puisque comme Maire, responsable de l’urbanisme, il sait fort bien que c’est totalement contraire à tous les règlements en vigueur. Il est impossible qu’il ignore que le Coefficient d’occupation des sols (COS) reste la base de tous les Plans locaux d’urbanisme (PLU) et qu’il faut une révision de ce document pour préserver la mise en œuvre des + 30 %, de tout recours contre des augmentations de surfaces bâties non autorisées ! Une fois encore, par pure démagogie, il refile la patate chaude avec une évidente mauvaise foi aux maires, qui ont déjà tellement de soucis qu’ils ne savent plus comment aborder les problèmes.
A table, tous les professionnels présents, pourtant peu socialisants, étaient unanimes et tous les maires UMP les approuvaient ! Le dispositif accouchera d’une souris, et ses chances de succès sont infimes. Le premier problème tient au droit. Ce relèvement du COS est imposé, mais les maires pourront faire voter en conseil municipal une délibération pour le refuser, car lorsqu’ils ont élaboré leur document d’urbanisme, ils avaient à prendre en compte une croissance de population souvent négociée dans le cadre d’un Schéma de Cohérence et d’organisation territoriale. En général, leur Plan Local d’Urbanisme (PLU), élaboré après de multiples réunions de concertation sur le niveau de densité, de longs débats, des dizaines de réunions et surtout en adéquation avec les capacités d’accueil de leurs services de proximité (station d’épuration, eau potable disponible, écoles…) s’en trouverait totalement déséquilibré. Ce serait suicidaire à échéance de 3 ou 4 ans. Les règlements prévoient aussi des contraintes incontournables : places de stationnement, hauteur maximale, pourcentage d’espaces verts, zone de constructibilité par rapport aux limites de propriété… De la pire démagogie de croire que la Surface Hors d’œuvre nette (SHON) pourra s’affranchir de ce document qui souvent a nécessité, comme à Créon, des années de réflexion à partir d’un Plan d’Aménagement et de Développement durable !
Pas un élu n’ira contre l’opinion dominante réfractaire à la densification, surtout lorsqu’elle l’assimile à la hauteur des immeubles et au préjudice esthétique de son voisinage. Il suffit de revenir sur les prises de position exemplaires de cette mentalité à Paris, lors du débat sur les « tours du 13° ». Lors du Conseil de Paris, le mardi 16 novembre 2011, seuls les élus de gauche ont révisé (sans les voix de l’UMP, des Verts et du Nouveau Centre) le règlement d’urbanisme pour le secteur Masséna-Bruneseau. Ce « déplafonnement » permettra à la ville d’y construire des tours d’habitations de 50 mètres et des tours de bureaux jusqu’à 180 mètres de haut… pour justement augmenter la densification. L’UMP n’en a pas voulu, et a combattu ce projet, et les recours se sont multipliés sur… un choix d’urbanisme maintenant encensé par ces mêmes élus UMP ! Il est certain que le premier maire qui va accepter la mesure phare d’un président aux abois se trouvera confronté à une levée de boucliers de son opposition toujours motivée dans ce genre de décision. Ils reculeront très majoritairement, et à peine quelques dizaines de communes se plieront à cet effet d’annonce circonstanciel !
Dans l’ancien, le coût d’une opération de surélévation rendra tous les propriétaires méfiants à l’ajout d’un étage à leur maison. Quant aux copropriétés, dans lesquelles ce type de décision est collective et nécessite l’unanimité, il semble peu probable qu’elles décident comme un seul homme de surélever leur immeuble. Il y aura toujours un copropriétaire qui votera contre le projet, s’il ne fait pas déjà l’objet d’un recours de la part du voisinage, dont la vue pourrait être modifiée.
Quant à croire que l’accroissement du COS va faire baisser les prix, dès lors que les logements proposés seront plus nombreux sur un même terrain, c’est prendre les promoteurs pour des philanthropes. Tous ceux qui ont déjà des terrains vont patiemment attendre la sortie d’un texte abscons supplémentaire et vont aller faire pression sur les élus pour ajouter 30 % de rentabilité supplémentaire à leur opération déjà juteuse ! La mesure va au contraire immédiatement ralentir la construction dans les prochains mois.
Comme par ailleurs, dans l’avenir, le prix d’un terrain à bâtir est fonction de ce qui peut être construit dessus (son COS). 30% de surfaces constructibles en plus ne conduira qu’à une majoration de 30% du prix du foncier…et rien ne changera ! . En fait, le réveil est tardif et inutile, car il faudra 10 ou 20 ans et un accroissement important du rythme de construction pour espérer résorber la pénurie chronique de logements et conduire à une baisse des prix. C’est donc purement et simplement de l’esbroufe…technocratique qui masque l’impuissance d’un gouvernement qui ne sait vivre que dans les apparences.

Cet article a 3 commentaires

  1. goupil

    Point de détail: sur élever des immeubles existants, c’est augmenter leur poids. Comment va t on renforcer les fondations pour s’y adapter si ce n’est par des travaux dont le coût est trés lourd.
    « S’il ne peuvent se loger dans des HLM, qu’on leur construise des lofts accrochés à des Zépelins! » aurait dit le Mamamouchi illusionniste.
    Mais ce Zépelin n’est qu’un ballon de baudruche.
    Ce serait bouffon si ce n’était pitoyable lorque le l’on a conscience de la situation des mal ou pas du tout logés.

  2. J.J.

    Il est fort regrettable que ne soient largement diffusés tous les arguments de bon sens que tu développes (et que beaucoup ont déjà formulé « in petto »).

    Cela permettrait de mettre en évidence la moisissure des arguments du petit Attila.

    Mais l’on se gardera bien de diffuser ce genre de propos auprès du « bon peuple », au cas où il pourrait acquérir un peu d’esprit critique…

    D’ailleurs il faut museler les impertinents : l’affiche du spectacle de Stéphane Guillon « Moi aussi je pars en mai… » a été interdite de pub dans le métro.

  3. Firestarter

    L’avantage avec ce genre de critique de la proposition, c’est que tous ces arguments s’appliquent à n’importe quel autre tentative de construction de logements… En somme, le COS est le résultat d’une mûre réflexion qui a abouti au maximum des possibilités de construction étant donné les infrastrucutre en eau potable, en traitement etc… En plus, la construction en hauteur ne se fera pas pour cause de pollution visuelle…
    Il est intéressant de voir comment vous reprenez tous les arguments, que vous n’hésitez pas a juger fallacieux, avancés par les riverains et les maires des communes riches qui refusent de construire du logement social… Avec votre raisonnement, pas un seul immeuble neuf ne sortirait de terre.
    La faiblesse dans votre raisonnement tient aussi au fait que le terrain par exemple dans votre région ne représente au mieux que 30% environ du coût d’un projet de construction d’immeuble. Même s’il prenait l’idée folle aux promoteurs d’augmenter le prix des terrains de 20% (ce qui reste à démontrer), l’impact de coût sur le projet serait de 6% à peine , compensé largement par l’augmentation du nombre d elogements disponibles.
    Ajoutons que vous avez oublié bien entendu de dire que le gouvernement propose aussi de libérer certains terrains d’Etat.

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