En fait, quand on arrive à Paris pour le Congrès des Maires, on passe de la notoriété locale à l’anonymat national. On se fond très vite dans cette fourmilière agitée qui part dès la descente du TGV. Même si le voyage est habituel, l’arrivée reste impressionnante, car on mesure encore ce que veut dire se fondre dans la foule. Mieux, on se dilue dans la foule et on échappe très vite à son personnage en représentation permanente pour devenir un insecte emprunté, suivant le flux pressé vers la sortie, comme si l’on filait vers la liberté. Laquelle ? Simplement celle que confère l’oubli de sa propre identité pour ne devenir qu’un parmi des milliers d’autres. Les grandes « messes » permettent justement ce retour sur soi qui renvoie les élus locaux à leur véritable statut : des roitelets de villages, oubliés sur une carte de la France profonde ! Une sorte de cure de modestie, qui devrait être obligatoire car elle redonne un sens réel au pouvoir, qui ne dépend que de la manière dont on l’exerce. Lors de la réception offerte par la totalité des Sénatrices et des Sénateurs girondins, dans les salons du restaurant du palais du Luxembourg, le naturel revient pourtant au galop. La foule agglutinée contre le buffet se modèle selon la constitution ou la décomposition de groupes d’échanges.
Tout le monde, au nom du respect de la démocratie s’affiche comme apte à dépasser les rivalités et les divergences. Par exemple, il est étonnant d’entendre un sénateur UMP expliquer aux invités que la réforme territoriale en Gironde a été sabordée par le Préfet Schmitt qui, d’ailleurs, à été promu pour mauvais services rendus au Maire de Bordeaux. Personne ne veut assumer son vote à droite et s’avoue implicitement soulagé que le Sénat soit… à gauche, car ça permet d’affirmer que la réforme ne sera plus appliquée. C’est vieux comme l’arrivée au pouvoir d’Henri IV, à qui une messe a permis de s’installer à Paris. La capacité d’oubli constitue la principale force d’un homme politique bien constitué. Il a le même potentiel que le citoyen français « moyen », celui de pouvoir être toujours adaptable aux circonstances, et surtout de perdre la mémoire en votant.
Dans quelques semaines, plus personne n’aura voté une « réforme » sarkoziste parmi les parlementaires UMP et affidés ! Une caricature des plus mauvais côtés de la vie politique. Ce refus d’assumer ses positions et cette propension à les « diluer » dans la poussière du temps, m’a coupé l’appétit. Depuis l’origine, je me suis battu pied à pied contre les réformes territoriales, et je ne renonce pas à continuer à le faire, car au-delà des prises de position circonstancielles, il est devenu essentiel de camper sur des valeurs. La politique se déshonore dans le consensus de surface et dans la cuisine fade. En entendant ces élus qui déblatèrent ce qu’ils ont voté par discipline, oubliant aussitôt que sans leur soutien les textes n’auraient pas été adoptés, et que leur honneur serait de l’assumer ! J’ai commis de nombreuses erreurs dans l’exercice de mes mandats électifs, pour des raisons que je suis prêt à expliquer. Là, on assiste, sous les cristaux et les ors du Sénat, sous le portrait en pied de Napoléon, à ce qui symbolise à merveille le régime consulaire actuel : un pas en avant proclamé au son des trompettes et au fracas de roulements de tambours, et deux pas en arrière, toute honte bue !
Dans les salons républicains, Philippe Madrelle sort de la tranchée, pour rappeler benoitement que si le Sénat a basculé à Gauche, cette dernière doit une fière chandelle aux foucades politiciennes du Chef de l’État français. Il a le plus beau rôle, même si face à lui certaines et certains espèrent bien, quelle que soit leur orientation politique, tirer bénéfice de cette mascarade que constitue la reconstruction artisanale du paysage territorial français. En les endormant avec des fantasmes de regroupements réputés plus efficaces et plus puissants, les Préfets savent qu’à terme ils reprendront, via un nombre réduit de potentats locaux, la main sur la gouvernance locale. Tels les rats du village, sauvé par le joueur de flûte, ils condamnent à échéance d’une décennie l’existence même de la cellule de proximité qui les a élus ! Et bien entendu, ils expliqueront qu’on…ne leur avait pas dit. L’art de la dilution se pratique à tous les niveaux.
Un moral de fer est nécessaire pour, en allant d’un groupe à l’autre, écouter les récriminations ou les perfidies distillées sur les uns ou les autres, mais bien évidemment, tout cela glisse mieux entre deux petits fours et un jus de fruit. On « taille » avant l’hiver, afin de permettre les éclosions du printemps. C’est une constante dans tous les camps… ce qui n’est pas très rassurant mais qui n’a rien d’étonnant. Il faut vite se persuader que dès que l’on a quitté un groupe, on peut vite devenir à son tour la cible. Et là encore, il vaut mieux aller se fondre dans la nuit parisienne pour assouvir une envie irrépressible d’anonymat.
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Au fin fond de la Dordogne se trouvait un ancien café, fermé au public.
La vieille patronne y vivait seule dans une pièce unique et servait des canons de vin blanc à deux francs, sur une table ronde.
Tout autour, après les chaises, une machine à laver, une cuisinière à fuel, un évier, un vaisselier, et encore une chaise contre le mur, celle de la vieille.
Je me suis un jour trouvé assis à la table ronde et y ai pris une cuite mémorable.
Tout le village défile à cette table, pour commérages, nouvelles tristes ou joyeuses, et comme à la réunion des Maires au Sénat, le dernier parti en prend pour son grade, en attendant le suivant.
Je suis donc resté assis fort longtemps, espérant être le dernier…
J’ai fini par me lever au moment ou arrivaient les deux soeurs de la vielle, et n’ai pu que marmonner, en déséquilibre, un pitoyable « je vous salue mesdames »…
Ce qui me fit une solide réputation d’alcoolique.
Rien de grave au fond, si ce n’était que tous les pochtrons du village ne trouvèrent rien de mieux que de me tutoyer et m’interpeller bruyamment à chaque fois que nous nous croisions. Entre personnes du même monde, n’est-ce-pas.
Ma réputation ne faisant de ce fait qu’empirer, j’ai fini par boire tous les jours, encouragé au fond par mon nouveau statut, content finalement d’exister au moins d’une manière dans la communauté.
Et puis, un artiste qui se suicide à petit feu et échange ses travaux contre un verre, c’est romantique.
Pour les autres.
Comme un Maire qui représente les valeurs républicaines sur cartes postales en noir et blanc ou sépia, un autre joyeux personnage inscrit dans l’inconscient collectif.
Entre la lutte fratricide des ‘don Camillo » et le bon papa des familles rigolard qui unit par le mariage nos arrières grands-parents ou coupe le ruban à l’inauguration de la nouvelle plaque de rue.
En hommage à un grand homme, certainement, si possible un « républicain ».
Un forme de reconnaissance collective désuète et totalement anachronique dans un monde où le marché de l’art est mené par les même requins qui mènent la république.
Les achats d’oeuvres d’art ne sont pas pris en compte pour l’impôt sur la fortune.
La vente de sa voix au bénéfice d’un parti boursicoteur non plus.
Triste… Ça ne donne pas envie de voter, avouons-le! Ça ne donne pas non plus une belle image de l’humain, mais ça ça fait longtemps que je n’y crois plus…
Heureusement la nuit Parisienne peut être si belle et si riche parfois!!!
Hors sujet,
Une grande dame est partie, les illettrés sont toujours à l’Élisée.
L’hommage truffé de fautes de l’Elysée à Danielle Mitterrand. Ma tristesse est très grande et le mépris du pisse-copie Élyséen transparait dans cet hommage contraint. C’est lamentable à tous points de vue.