La péréquation qui va étrangler la gestion communale

« Le budget 2012 ne comporte ni bonnes ni mauvaises nouvelles pour les collectivités », a indiqué Gilles Carrez, à la sortie du traditionnel Comité des finances locales (CFL) de présentation du projet de loi de finances, la veille de son adoption en conseil des ministres. « Valérie Pécresse a déclaré qu’il lui fallait trouver 1 milliard d’euros d’économies supplémentaires. Nous pensons que s’ils sont trouvés de façon intelligente, il n’y aura pas de coup de rabot sauvage à passer sur les crédits aux collectivités »… C’est fait, on s’apprête donc à faire un nouveau pas dans le sens de la suppression de l’autonomie de gestion des communes, grâce, une fois encore, à un processus présenté comme juste et équitable de péréquation, alors qu’il place les maires sous la tutelle progressive des intercommunalités. La principale novation de ce millésime, pour les collectivités, réside dans le Fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales (FNPIC), qui introduit, au plan national, une redistribution des richesses dite « horizontale », entre collectivités. Il reprend, dans ses grandes lignes, le dispositif issu du groupe de travail mis en place par le CFL sur le sujet. 250 millions d’euros devraient ainsi être « péréqués » dès 2012. Le FNPIC se verra augmenté chaque année du même montant, pour atteindre 1 milliard d’euros en 2015. Alors, quand on ne veut plus qu’il y ait de fièvre comme aux sénatoriales, on casse le thermomètre, ou mieux, on change la graduation.
Le prélèvement des collectivités locales sera opéré sur la base d’unités territoriales, constituées par les communes et leurs groupements (les communes isolées seront isolément prélevées).
« La richesse consolidée de chaque unité territoriale sera mesurée en additionnant le potentiel financier de ses communes à celui du groupement de communes auquel elles appartiennent. En l’espèce, le PLF retient une définition élargie du potentiel financier, qui prend en compte le nouveau panier fiscal des collectivités, mais exclut les recettes affectées (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, versement transport). Est exclue également de cette mesure de la richesse des collectivités du bloc communal la fiscalité dite « d’investissement » (Droits de mutation ou Taxe d’aménagement). Quand on sait que, dans le même temps, les intercommunalités sont regroupées, avec un appétit croissant de Préfets dirigistes, on voit le piège de la réforme en cours.
Les dotations de péréquation ne seront pas intégrées au sein du nouveau potentiel financier, pas plus que la dotation d’intercommunalité, « qui va fortement évoluer au cours des années à venir », a justifié le président du Comité des finances locales. Comme il se doit, Bercy a monté une nouvelle usine à gaz, afin que personne ne puisse vérifier des calculs abscons.
A l’intérieur de chaque territoire intercommunal, une fois défini le prélèvement global opéré au titre du FNPIC, les communes et leurs groupements y contribueront chacun en fonction de leur richesse respective, telle que définie par leur propre potentiel financier. On va bien rigoler sur, par exemple, le Créonnais, où le potentiel actuel peut aller de 760 euros par habitant à 360 ! Sauf si, à l’unanimité de ses membres, il en est décidé autrement. Autant dire que ça n’existera pas. Il va en effet y avoir des réveils douloureux pour les communes qui se font passer pour pauvres, car le calcul de la richesse de chacun s’effectuera en tenant compte de la population regroupée, en fonction de 6 strates. Cette stratification cristallise les débats qui se sont déroulés en amont de ce projet de loi. Elle permet, selon ses défenseurs, de mieux répartir le prélèvement, en tenant compte, notamment, des charges de centralité qui pèsent sur les plus grandes agglomérations.
« La moitié environ des groupements de communes et de leurs membres bénéficiera du FNPIC », a annoncé le rapporteur du Budget. Les versements seront calculés pour moitié selon le potentiel financier du groupement et pour moitié en fonction du revenu imposable moyen de ses habitants.
Selon le texte présenté par le gouvernement, chaque groupement percevra ainsi une somme en fonction de ces deux critères. Une somme qu’il sera ensuite chargé de redistribuer à ses communes membres selon ces mêmes critères. Finie l’indépendance de gestion communale, mais cela promet de solides empoignades dans ces intercommunalités fragiles qui n’ont aucune homogénéité politique.Si la majorité qualifiée le décide, les versements attribués à chaque commune pourront être modulés en fonction du coefficient d’intégration fiscale (CIF).
Mieux, si l’unanimité des communes membres le choisit, les versements à l’intérieur du groupement pourront ne respecter que les contraintes décidées par le conseil communautaire.
Le texte prévoit également une mise en service de la péréquation sur la contribution à la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements et des régions en 2013.
En l’occurrence, les collectivités qui enregistreront en 2012 par rapport à 2011 une croissance de leurs recettes de CVAE supérieure à l’inflation contribueront à ce fonds. Les versements s’effectueront notamment en fonction du potentiel financier des collectivités concernées. Les citoyens contribuables ne se rendent absolument pas compte de ces montages très compliqués privant de fait, année après année, les élus locaux de leur liberté de gestion adossée à un projet politique. Pour faire simple, pour l’intérêt des habitants, il vaut mieux avoir déjà investi qu’avoir à le faire dans un proche avenir, car ce sera impossible. En 2014, les vocations vont se raréfier sauf…si le nouveau Sénat parvient à contrer ce démantèlement organisé du système républicain de gestion territoriale.

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Cet article a 3 commentaires

  1. PIETRI Annie

    La première question qui vient à l’esprit, c’est « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué…? » Tout est fait pour que personne n’y comprenne rien ! Comment expliquer ce fonctionnement au citoyen moyen? Et combien d’élus seront-ils en mesure de comprendre le mécanisme de ces pérréquations, et surtout de contrôler leur mise en oeuvre….Sans oublier, bien sûr, les désaccords entre communes, chacune se considérant comme flouée par rapport à sa voisine…..Un seul espoir, comme tu le dis Jean Marie, que le nouveau Sénat parvienne à limiter les dégâts, et surtout que l’arrivée d’un Président de la République de gauche en 2012 permette de revenir sur l’ensemble de cette réforme des collectivités locales !!!

  2. batistin

    Si j’ai bien compris, chaque fois qu’une commune aura le malheur d’avoir une gestion propre et efficace, et peut-être même quelques bénéfices permettant l’investissement, on lui piquera ses sous pour les porter au crédit des déficits de la banque Dexia ?
    Ai-je un peu trop raccourci ?
    Il est vrai que la méthode consistant à faire « pot commun », ou péréquation donc, ne marche même pas pour les pourboires partagés entre garçons de café !
    Il y en a toujours un pour garder ses pourboires et partager pourtant ce que les autres ont mis dans le pot.
    Ce qui n’est pas très grave puisqu’au fond l’important est la discorde bénéfique au patron du café. Elle permet la valse des employés et évite la constitution d’un front, qu’une équipe soudée et heureuse opposerai aux conditions misérables de travail.
    Dans les mauvaises maisons évidemment.
    Toute action individuelle, des maires pour le bien commun, ou du quidam pour entreprendre, est vouée à la confrontation à un système administratif ubuesque.
    Quel est donc l’intérêt de telles complications, si ce n’est au fond maintenir le citoyen dans l’attente perpétuelle d’un compliment paternaliste.
    Une république bananière, vous dis-je !
    Qu’importe à nos chefs que nous réussissions à vivre heureux dans une commune bien gérée, ou au sein d’une petite auto-entreprise quand les sommes d’argent qu’ils gagnent sur les intérêts des dettes sont plus importantes que ce que pourrai rapporter une saine productivité .
    Dans le système boursier qui mène le monde le chaos est plus productif que l’harmonie !
    Ou comment l’argent censé être la récompense du travail accompli est gagné par ceux qui ne font que défaire et détruire pour accaparer.
    Il n’y a qu’à voir l’attitude du FMI en Grèce et comment toutes les entreprises d’état encore viables ont été offertes à quelques fonds d’investissement privés. Sous prétexte d’un redressement du pays, toutes les activités de production n’appartiendront plus jamais au grecs.
    Comme les actions bénéfiques menées dans nos villages par leurs habitants, et qui voient débarquer un ministre de je ne sais pas quoi pour couper le ruban de la nouvelle piscine. Avec l’air concupiscent de celui à qui on doit tout.
    Lui qui n’aura rien fait d’autre que de prélever une taxe sur les entrées payantes que nos gosses devront verser à son ministère.
    Merde, ce sont là des méthodes de mafieux !
    L’avantage du souteneur violent c’est qu’il a au moins la décence de se montrer pour encaisser. Ce qui laisse à l’esclave une infime chance de se rebeller.
    Ce qui n’est pas le cas de nos gouvernants boursicoteurs banquiers bien à l’abri derrière une administration aux ordres.

  3. Nadine Stalker

    Vous avez raison, ce n’est pas très clair. D’ailleurs, je ne suis pas sûre d’avoir tout compris!!! lol
    Si je comprends bien, on partage. L’idée me parait bonne, que les communes riches contribuent au financement des communes pauvres. Mais l’inter-communalité ne me parait pas vraiment le bon moyen. Vous ne verrez jamais Neuilly « s’intercommunaliser » avec St Denis!!!!
    Ça ne répond donc pas à un besoin de justice sociale, mais juste au bon plaisir de faire ch… tous ces maires récalcitrants qui ont osé voter Socialiste au Sénat…
    Vivement qu’une vraie politique de décentralisation soit remise sur les rails!!!

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