Tout au long de l’histoire, l’assassinat politique a été un outil d’accession ou de sanction à l’égard du pouvoir. Depuis que Caïn a tué Abel ou que Brutus a plongé un poignard dans le dos de César, on sait que la mort permet de se débarrasser de celui qui gêne. Cette méthode a été une constante historique. En fait, quand Ravaillac va assassiner Henri IV, il espère débarrasser le pays d’un Roi ayant trahi la religion qu’il défend. Souvent, l’arme blanche a servi à mettre un terme à la présence terrestre d’une personne qui, d’une manière ou d’une autre, a gêné dans le paysage social. La technique de l’élimination par le glaive a eu son heure de gloire avant que les Borgia ne préfèrent le poison ou que d’autres se mettent à utiliser la guillotine. On a ensuite basculé dans le coup de feu. Jaurés est mort sous les balles de Raoul Vilain, Doumer mourra à cause de Gorgulov, et Trotsky subira le même sort de la part de Frank Jackson… Les grands de ce monde ont eu souvent le triste privilège de quitter le monde réel en une fraction de seconde. Pas le temps de réagir avant de passer de la célébrité au trépas !
Chaque fois, on trouvera derrière ces faits violents un minimum d’opacité sur les commanditaires de l’acte fatal. Les coupables de ces assassinats physiques ont souvent été suspectés d’être sous influence. La notion de complot direct ou indirect transparaît dans la majorité des grands événements mortels pour les grands de ce monde.
J’ai en mémoire le séisme que constitua pour le monde beaucoup moins médiatisé que ne l’est le nôtre, l’assassinat de Kennedy. Nous sommes en étude, à 16 ans, le vendredi 22 novembre 1963 à l’école normale d’instituteurs de la Gironde. Un seul transistor nous relie au monde extérieur, puisque le « séminaire laïque » n’a bien évidemment aucun autre support disponible. La classe devint brutalement silencieuse en début de soirée, car tout le monde eut conscience de l’importance de l’annonce faite dans une édition spéciale. Sur le moment, la stupeur, et aucune remarque particulière… avant que, dans les jours suivants, les faiblesses flagrantes de la justice américaine permettent à Jack Ruby d’éliminer l’auteur des tirs mortels, Lee Harvey Oswald. Lentement, au fil des ans, il y aura au minimum un doute sur les commanditaires de cet assassinat. Personne ne peut, avec certitude, près de 50 ans plus tard, savoir à qui a profité le crime, et surtout qui avait scellé le sort de JFK. Et on se demande encore s’il y avait eu complot ou si l’événement avait un caractère fortuit. L’Histoire fait que Brutus, Ravaillac, Vilain ou Jackson ont tué les « personnalités » qu’ils haïssaient, mais que l’on ne connaît pas les gens qui, d’une manière ou d’une autre, les ont incités à effecteur cet acte. Il y a quelques jours, Ben Laden a été exécuté par les forces spéciales américaines… sans que (logiquement) personne ne s’indigne outre mesure de ce qui reste un geste de vengeance prémédité. C’est ainsi, l’entrée dans l’Histoire se paye parfois au prix fort.
Il y a désormais d’autres manières « d’exécuter » une personnalité de n’importe quel niveau. Plus de dague, plus de poison, plus de guillotine, plus de revolver…plus de mitraillette ou de bombe sophistiquée. La préparation de l’assassinat reste méticuleuse et secrète. Elle utilise d’autres armes virtuelles et surtout permet d’échapper à tout reproche en raison de la complexité des machinations indispensables à la réussite du projet. Des officines secrètes ou des spécialistes, montent avec une précision d’horlogers, des systèmes sophistiqués, conduisant à une autre mort que physique. Tous les jours dans le monde on étudie les points faibles de son ennemi, on traque ses faiblesses, on exploite les comportements, on recense les manquements et on constitue patiemment des dossiers comme des caisses de munitions à utiliser un jour ou l’autre. Il faut ensuite tirer au bon moment. C’est la leçon, par exemple, de l’affaire Clearstream, où une véritable machination, extrêmement complexe, doit mettre hors course un candidat à la présidentielle et quelques autres soutiens potentiels. On doit abattre l’autre en utilisant les armes médiatiques, au nom du droit à l’information, et à la sévérité morale que l’on doit exercer à l’égard des « grands ». Les coups portés restent ciblés et au moins aussi durs que les autres, sauf qu’ils ne tuent pas définitivement, mais vous plongent dans l’indignité, même si ensuite les accusations se révèlent inexactes.
En fait, il faut des équipes pluridisciplinaires pour monter ces opérations secrètes très complexes. Elles s’échafaudent dans des cellules extrêmement compétentes, et on n’arrive à attraper que les « mauvais » qui se plantent. La CIA aux Etats-Unis, le Stasi dans l’ex-RDA, le KGB soviétique, ont durant des décennies constitué des fiches, ont épié les vies privées, ont rassemblé des armes de destruction sélectives. Nul ne doit mourir idiot, en pensant que ces phénomènes n’existent plus. Au contraire, ils bénéficient de moyens humains et technologiques (Big Brother est omniprésent) supplémentaires, car la guerre des images n’a jamais été aussi farouche. Il n’y a plus aucune frontière entre la vie privée et la vie publique, à partir du moment où l’on utilise la première pour faire carrière dans la seconde.
On découvre avec stupeur que les grands journalistes se vantent de tout savoir sur la vie des femmes et des hommes qui comptent, mais qu’ils faisaient tous de la rétention d’informations… dans le genre je sais tout mais, bien évidemment, moi je ne dis rien, car ça ne nous regarde pas (superbe sketch des Inconnus) ; on ne fait pas mieux ! En fait, c’est une arme de savoir, et elle s’utilise au bon moment, sur le bon support, et pas toujours à visage découvert ! Pas de sang versé, peu de larmes qui coulent, compte tenu de la présentation des faits, pas de dégâts collatéraux, à part ceux que l’on a souhaité… mais la diffusion de l’essentiel : le sentiment que justice est faite. Le problème, c’est qu’elle n’est qu’apparente puisque, si elle est juste, elle avantage nécessairement un camp (pas celui de la victime présentée) au détriment d’un autre qui, à son tour, un jour ou l’autre, tombera sous les balles d’un « tueur à gages » parfaitement piloté. On exploite habilement les faiblesses réelles de l’autre !
Être sur la place publique, s’engager socialement, c’est s’exposer, et si on ne le sait pas, il vaut mieux appliquer l’adage voulant que pour espérer vivre heureux, il faut vivre caché. C’est un choix, et les snipers sont partout prêts à dégainer quand l’opportunité se présente. Certains n’ont qu’une fronde. D’autres des fusils à lunette avec silencieux. Beaucoup utilisent le poison instillé à petites doses répétées. Mais de plus en plus on se sert du « journaliste d’investigation » auquel on donne les munitions. A l’arrivée, l’assassinat est le même.
En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Il est des dates dont l’évocation vous rappelle instantanément le lieu, où vous étiez, votre occupation votre état d’esprit, des dates que le monde entier a pu vivre en direct.
22 novembre 1963, aux alentours de 21 heures.
Dans la chambrée, c’est plutôt morne.
Le peloton est consigné sanitaire : demain matin, les vaccins.Cela veut dire une possibilité de partir ou non en Algérie ( et oui, il y en a qui partaient encore en Algérie).
On écoute distraitement le transistor d’un copain quand soudain c’est LA NOUVELLE !
Au même instant, le piquet d’intervention arrive pour évacuer un copain qui a « pété les plombs » dans le bâtiment en face du nôtre.
C’est dire l’ambiance, un instant que l’on oubliera jamais.
Comme le jour où j’ai entendu en direct sur la radio de la voiture, à l’instant où je l’ai allumée, un reporter à New York, en direct.
C’était le 11 septembre 2001.
Je revois encore le surveillant général d’internat(Mr Berger?) passant dans les dortoirs vers 21 heures pour annoncer l’assassinat de JFK. A 12 ans, je ne mesurais sûrement pas la gravité et l’importance de l’évènement mais je me souviens avoir été triste.
JFK représentais alors la jeunesse et la modernité des USA; avec le recul on a découvert qu’il n’était qu’un homme comme les autres avec ses qualités et ses travers, mais la naiveté de l’enfance m’a fait en garder une image positive.
A PC
Je n’avais plus douze ans depuis longtemps en 1963, mais je garde néanmoins malgré tout ce que l’on sait maintenant une image positive de JFK.
Deux autres personnages, avec leurs qualités et leurs défauts(ou malgré) ont pour moi marqué cette époque : Nikita Kroutchev et Jean XXIII. (je ne suis ni communiste ni croyant).
bonjour
pour c’est l’assassinat de Martin Luther King. La force d’aimer un livre dont il est l’auteur et qui me bouleverse encore aujourd’hui
j’ai oublié un petit mot:
Pour moi c’est ….