You are currently viewing Ce n’est pas qu’aux USA que les fausses infos sont utilisées en politique

Ce n’est pas qu’aux USA que les fausses infos sont utilisées en politique

Le seul débat qui opposera Kamala Harris à Donald Trump a été largement commenté par la presse et les télés hexagonales. Un récital de commentaires avec des extraits sur les absurdités débitées par l’ex-Président à la recherche d’un nouveau mandat. Une condescendance à l’égard de ces USA qui nous inspirent sur tant de sujet et nous imposent leur mode de vie. L’utilisation par l’agité du bocal prêt à tout pour revenir au pouvoir de l’immigration de l’IVG, de l’insécurité a choqué nos élites bien pensantes alors qu’il ne se passe pas un jour sans que nos débats politiques tournent autour des mêmes sujets. Pour Trump l’immigration est responsable de tous les maux des États-Unis et chacun sait que ce n’est pas en France cette stratégie existe. Le débat autour du retour d’un Ministère spécialisé révèle le niveau du débat sur ce sujet.

Il est impossible de dialoguer sur ce thème avec des affirmations totalement déconnectées de la réalité. Trump a déversé des fausses informations sans aucune retenue. C’est tous les jours que sur certaines chaînes françaises, dans des émissions drainant des millions de téléspectateurs, des intervenants dans ces séquences réputées libres utilisent à foison ces fausses nouvelles. Ainsi quand l’ex-locataire de la Maison Blanche a affirmé qu’à «  Springfield (Ohio), les migrants mangent les chiens et les chats. Ils mangent les animaux de compagnies des riverains. C’est ce qu’il se passe dans notre pays, et c’est une honte » nous sourions. Qui n’a pas entendu chez nous, au pays de Descartes des commentaires sérieux sur les restaurants…Chinois ? Les habitudes alimentaires ont tout le temps fait l’objet de peurs ou de rejets.

Qui se souvient par exemple du discours de Chirac le 19 juin 1991, au cours d’un dîner-débat du RPR, Jacques Chirac prononce le discours qui contient l’expression le « bruit et l’odeur ». Voici un extrait portant sur l’immigration : « Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et de Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d’Or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales sans naturellement travailler ! Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur , eh bien le travailleur français sur le palier, il devient fou. Il devient fou. C’est comme ça. Et il faut le comprendre, si vous y étiez, vous auriez la même réaction. » Est-ce bien différent ? L’outrance n’est pas nouvelle.

Trump a également exploité l’avortement. Il a avancé que Tim Waltz, colistier de Kamala Harris, soutient « l’exécution de bébés après leur naissance » et que « l’avortement au neuvième mois est tout à fait normal ». Fervent partisan de l’avortement, Tim Waltz n’a jamais tenu ces propos. Comme le rappelle CBSNews seuls « 1 % des avortements sont effectués après 21 semaines de grossesse », selon les chiffres des centres de contrôle et la prévention des maladies, une agence fédérale de santé publique. Les rares avortements pratiqués dans le dernier trimestre de grossesse le sont pour des raisons médicales. Ce n’est pas en France que de tels arguments fallacieux seraient utilisés ! On a pourtant entendu sur Cnews le 25 février dernier le présentateur Aymeric Pourbaix, issu de l’hebdomadaire France Catholique, racheté en 2018 par Vincent Bolloré, annoncer, infographie à l’appui que les interruptions volontaires de grossesse (IVG) sont « la première cause de mortalité dans le monde (…) 73 millions en 2022 soit 52% des décès, pour le cancer c’est 10 millions et pour le tabac c’est 6,2 millions » avait-il ajouté ! C’est passé sans problème.

Trump y est évidemment allé de sa phrase sur l’insécurité : « La criminalité baisse partout dans le monde, et chez nous ça atteint des sommets ». Cette affirmation est fausse, au regard des derniers chiffres publiés par le FBI sur la question. Peu importe ! Tous les jours sur les plateaux télé ou sur les estrades n’importe quelle statistique sur les crimes et délits permettent aussi d’alimenter la peur collective servant à asseoir le pouvoir central. Rixes entre jeunes, règlements de comptes liés au trafic de drogue : au moment où meurtres et coups mortels faisaient la Une des médias, l’ex-candidate RN à la présidentielle Marine Le Pen a dressé le 6 mai 2024 le tableau d’une France submergée par l’insécurité. Plus précisément, citant le nombre d’homicides, elle a affirmé qu’il avait été « multiplié par quatre en l’espace de 15 ans ». Mais c’est faux : les données disponibles montrent une stabilité globale entre 2008 et 2020 après des années de baisse, avant une légère remontée depuis, à environ un millier d’homicides par an. Peu importe : ça passe ! Mais ce n’est qu’aux États-Unis que les fausse nouvelles alimentent la politique !

Ce champ est nécessaire.

En savoir plus sur Roue Libre - Le blog de Jean-Marie Darmian

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Cet article a 2 commentaires

  1. J.J.

    « Croire qu’une telle candidature est impossible en France, pays dans lequel la politique est de plus en plus discréditée relève de la naïveté la plus grande. »

    « Nous risquons nous-aussi d’être « trumpés »… » Je tombe par hasard sur cette « Roue Libre  » du 3 mars 2016, et je constate avec désolation que rien n’a changé, au contraire, et que tout ce qui était prévu (d’un côté et de l’autre de l’Océan)se réalise à notre grand désespoir.

  2. Michel Caron

    La chronique faisant état de l’usage des fausses nouvelles et dénonçant les mensonges délibérés dans les débats politiques,constitue un premier acte et un premier stade de résistance;la vérité passe par un effort de connaissance qui nous conduit à prendre quelque distance par rapport aux croyances spontanées ,aux réactions subjectives et à la propagande organisée. Pour autant,le sentiment d’insécurité mérite autant notre attention que la connaissance objective des faits et du niveau de la délinquance. De même le sentiment d’être abandonné devrait inciter à chercher à comprendre les situations de relègation territoriale de certains de nos concitoyens.
    D’autre part,pour qu’il y ait dialogue et débat démocratique,encore faut il que les adversaires et les débateurs admettent d’abord ensemble qu’il y’a le vrai et le faux et que chacun admet la possibilité de la vérité. Trump – et des chaînes de télévision- deviennent dangereuses en ce qu’ils situent leur propos par delà la valeur de la démonstration argumentée et la vérité,en faisant la promotion de croyances irrationnelles qui flattent les esprits déjà fragilisés par les difficultés de la vie dans le but de conquérir le pouvoir.Et l’on voit bien en quoi Cnews véhicule une croisade idéologique tout en flattant l’audience au point qu’elle devienne rentable.
    Il nous revient de défendre la place de la recherche de la vérité dans le débat politique pour sauvegarder la possibilité de la démocratie. Machiavel lui même ,qui expliquait qu’il fallait adapter les moyens aux fins ,n’en considérait pas moins que la meilleure manière de conquérir et de conserver le pouvoir,était de faire le bonheur de son peuple.
    Cela pose évidemment le problème de l’avenir de la « sphère numérique »et de l’homo numéricus par rapport à notre vision du monde et de nos rapports avec les autres. Mendes France en son temps,pensait que la vérité était essentielle à la possibilité de la politique;et il le traduisait dans son attitude et sa pratique. Plus tard,Rocard essayait de parler vrai en respectant la complexité des choses. Cet effort est une marque de respect pour l’autre,celui qui peut librement ne pas être d’accord avec nous;mais il importe de conserver cette recherche de la vérité pour garantir la qualité du dialogue et du débat. Personne ne croit que la politique n’est qu’une affaire d’opinion non fondée. Même celui qui ment délibérément sait très bien qu’il ne cherche qu’à alimenter une opinion dominante qui ne se confond pas avec le respect des faits et des arguments. Ne pas écouter les arguments de l’autre,ne pas prêter attention aux faits établis,est le premier stade de l’affrontement violent.Le plus dur reste à faire. Platon en son temps posait la grave question:la vertu,comme la science politique, peut elle s’enseigner (Protagoras)? à chaque jour suffit sa peine ,et l’écriture quotidienne est un chemin digne d’attention et de respect.

Laisser un commentaire