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L’éloignement de deux « mondes » en crise

Lentement mais inexorablement la fracture s’accentue en France entre les zones rurales et les zones dites « métropoliseés » conduisant à une sorte de dérive sociale impossible à enrayer. La France « périphérique » ou « éloignée » se recroqueville sur elle-même et baigne dans la sensation d’isolement et de frustration. Contrairement à ce qui est couramment prétendu ce n’est pas seulement une question de moyens financiers pour les collectivités locales qui ont en charge la gestion de cet espace en souffrance. La misère à la campagne existe et elle est bien moins supportable qu’au soleil des agglomérations.

Les deux populations qui sont installées dans ce que l’on ne peut plus appeler des « villages » puisque souvent il ne reste plus aucun des services de proximité leur ayant donné vie, se retrouvent pour des raisons différentes, réunies par les difficultés qu’elles rencontrent. En effet en zone rurale il devient de plus en plus difficile de faire face à la diminution des revenus.

Les exploitants agricoles traversent une période angoissante avec en Gironde par exemple, la crise de la viticulture ou ailleurs celles du monde des producteurs de viande, de lait, de betteraves ou de maïs. Ils doivent faire face à la fois à de profondes mutations en matière de processus de production et à des marchés déclinants. Un sentiment de persécution, d’attaques injustes, d’abandon par toutes le strates de la société progresse. Inutile de préciser que cette ruralité souffre d’un manque de reconnaissance qui le conduit à des prises de position extrémistes. 

Les retraités agricoles isolés par l’éclatement des familles, n’ont que des pensions dérisoires avec une situation particulièrement faible pour les épouses qui n’ont jamais eu de statut exactement comme celles des artisans et des commerçants. Leurs difficultés ont été souvent masquées par des ventes de foncier pour la construction. Leurs terres ont perdu une bonne part de leur valeur et restent inutilisées. Et quand un fermier » est trouvé ce dernier à souvent bien du mal à honorer ses engagements. Ils vivent dans une vraie précarité les conduisant à se référer à l’assistanat social dont « bénéficieraient » selon eux immigrés ou inactifs. 

Partout en France les caves coopératives sont en grande difficulté et les entreprises agro-alimentaires incitées par les grands distributeurs à baisser les prix d’achat des denrées agricoles accentuent la baisse des revenus. Le système libéral conduit la ruralité pour une grande part de ses acteurs « historiques », à la paupérisation. La carence des services de santé, la rareté des établissements médico-sociaux, le manque de personnel dans les services d’aide à domicile, obligent à des parcours chaotiques et épuisants, ce qui renforce cette imprégnation d’une injustice par rapport à la ville.

Dans le mesure où ils espéraient sauver la qualité de vie collective les élus ont tout tenté pour attirer… de nouveaux habitants venant d’une ville qu’ils fuyaient pour toucher le rêve «pavillon, gazon, télévision » considéré comme celui de la réussite. La faiblesse du prix du foncier et surtout l’offre des propriétaires décrits ci-dessus ont conduit à un étalement urbain exponentiel dont on ne mesurait pas les conséquences. L’inadéquation entre le domicile et le lieu de travail a créé des difficultés financières pour les néo-ruraux. Le mouvement des gilets jaunes est parti du surcoût du trajet à cause de l’augmentation du carburant. Il reviendra.

Le problème est toujours là puisque sans automobile (voire sans deux et même trois lorsque les enfants grandissent) il est impossible de « vivre » en zone rurale. L’accès à la grande distribution, l’accès aux services de santé, l’accès au système éducatif, l’accès aux loisirs culturels ou sportifs, les relations familiales passent par des déplacements consommateurs de temps et d’argent. La comparaison avec la facilité des transports urbains donnent parfois bien des regrets à ceux qui ont investi « loin de tout » sans en mesurer les conséquences. Dans le quartiers dits sensibles ils détruisent les abris-bus que le milieur rural rêve d’avoir ! 

Lorsque l’âge de la retraite arrive, ces constats s’aggravent. Encore une fois l’isolement fait des ravages puisque le monde extérieur perçu par ces gens contraints à l’immobilité passe par… les chaînes de télévision déversant des images répétitives d’insécurité, de violences, de comportements négatifs. Le migrant objet de toutes les sollicitations des invités avides de plateaux « alimentaires » des « déverseurs » d’info en continu entre dans les villages comme « le vol noir des corbeaux sur la plaine ». Le dramatique fait divers de Crépol aggravera ce phénomène d’une peur injustifiée.

Ajoutez quelques cambriolages, la hantise des traitements agricoles et les aléas d’une situation économique globale rendant les situations professionnelles aléatoires et vous avez un cocktail vénéneux. L’absence de lien social faute de bénévoles engagés, la disparition des espaces de vie partagées malgré des initiatives (cercles, cafés associatifs, lotos…) louables mais manquant de soutiens réels constitue une autre cause de ce malaise de plus en plus profond dans la ruralité. Le tsunami du RN va déferler en juin prochain sur les campagnes. 

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Cet article a 4 commentaires

  1. J.J.

    La situation des ruraux a souvent été plus que précaire(parfois certains habitants des villes n’ont rien à leur envier !), témoin les nombreuses révoltes au cours de l’histoire : Pitauds et Croquants, pour ne citer qu’eux, réprimés avec une rare cruauté. Leurs « descendants » en Gilets Jaunes on été traités avec les méthodes répressives contemporaines, moins « drastiques » certes mais tout aussi brutales.
    Curieusement, les manifs de certains syndicats agricoles bénéficient, elles, d’une curieuse mansuétude.
    Avez vous vu , lors d’une manif bloquant un giratoire avec force tracteurs, feux de pneus, déversement d’immondices divers, etc. les forces dites de l’ordre, arborer des attitudes menaçantes, casques, boucliers et « armures », matraques et LBD habituellement de rigueur. ? Curieux, n’est ce pas ?

    1. facon jf

      @JJ
      La violence de la FNSEA parlons-en!
      Le citoyen que je suis se félicite qu’on ait mis un coup d’arrêt aux violences et exactions commises auprès des biens et des personnes. » C’est ainsi qu’a réagi Arnaud Rousseau, le nouveau président de la FNSEA, premier syndicat agricole, au lendemain de la présentation en Conseil des ministres du décret de dissolution des Soulèvements de la Terre, le 21 juin.
      Basta! dresse ici une chronologie documentée de ces actions, qui pourra être complétée dans les semaines à venir.

      1961-1974 : « 2000 agriculteurs qui cassent tout, c’est plus payant que 10 000 manifestants qui défilent dans le calme
      2 février 1982 : Une ministre séquestrée par la FNSEA
      23 août 1990 : Des moutons brûlés vifs lors d’une manifestation de la FNSEA
      8 février 1999 : Des militants de la FNSEA dévastent le bureau de la ministre de l’Environnement
      5 novembre 2004 : Destruction du mobilier de l’hôtel des impôts de Morlaix, un policier grièvement blessé
      19 septembre 2013 : Mise à sac de la maison du parc naturel régional du Morvan « sous le regard placide des gendarmes »
      21 novembre 2013 : Blocus de Paris causant deux accidents et un mort. Pas de suites judiciaires
      19 septembre 2014 : Le centre des impôts et le bâtiment de la Mutualité sociale agricole incendiés à Morlaix
      5 novembre 2014 : Des ragondins maltraités et tués à Nantes
      5 novembre 2014 : Des inspecteurs du travail menacés à Châlons-en-Champagne
      5 novembre 2014 : 70 000 euros de dégâts à Valence
      2 juillet 2015 : Saccages lors de la « nuit de l’élevage en détresse »
      14 août 2015 : 600 000 euros de dégâts à Caen, menace de mort envers une policière
      5 août 2015 : La FNSEA mure un bâtiment public à Grenoble
      14 décembre 2015 : Le Conseil d’État est pris pour cible par la FNSEA
      22 septembre 2017 : 300 agriculteurs de la FNSEA bloquent les Champs-Élysées
      Février 2018 : Vinci chiffre les dégâts à sept millions d’euros
      5 mai 2018 : Des condamnations pour « entrave à la liberté d’expression et de réunion » en Ariège
      25 mars 2021 : Heurts entre éleveurs et forces de l’ordre à Clermont-Ferrand
      17 février 2023 : Les locaux de l’association France nature environnement pris pour cible
      21 février 2023 : 120 000 euros de dégâts dans les Landes
      21 février 2023 : Un agriculteur fonce sur des gendarmes mobiles en marge d’une manifestation FNSEA à Nîmes
      22 mars 2023 : Un maire menacé, la maison d’un militant écologiste prise pour cible à La Rochelle
      12 avril 2023 : Une permanence parlementaire ciblée pour la troisième fois en six mois par la FNSEA.
      1961-1974 : « 2000 agriculteurs qui cassent tout, c’est plus payant que 10 000 manifestants qui défilent dans le calme »

      Cette phrase est prononcée par le syndicaliste agricole Alexis Gourvennec en 1974
      Rien à ajouter pour moi

  2. Olivier Ribeau

    Les néo ruraux aggravent la situation. Puisque il faut aménager toutes les infrastructures, et cela fait grimper le prix de l’immobilier. Leur mode de vie souvent incompatible avec l’environnement et les traditions. Pourtant les Maires déroulent le tapis rouge au dépend des locaux historiques. Pour des raisons électorales puisque ils représentent une majorité.

  3. facon jf

    Bonjour,
    A la rubrique les Zurbains migrent chez les ruraux, ici à proximité de la métropole de Lyon les promoteurs continuent leurs petites affaires bien juteuses. Un petit exemple avec un lotissement dans une commune à 30 km de Lyon sans commerce ni transports en commun (108 h en 1960 1269 en 2020) . Dans ce lotissement plus de 445 € le m2 pour la plus petite parcelle avec 115m2 de plancher pour 277m2 de terrain = bétonisation extrême … Après certains se demanderont pourquoi ça inonde ? et aussi pourquoi les nappes s’assèchent ? Le 3ème numéro de la gazette du groupe promoteur est disponible avec un dossier sur l’aménagement foncier et la préservation de l’environnement. Préservation de l’environnement ? Vous vous moquez de qui messieurs les promoteurs ?
    Une rapide enquête sur les propriétaires de cette officine révèle que le principal actionnaire détient une myriade de SCI et est ancien actionnaire majoritaire d’une société de construction de pavillons … Et tout cela au vu et au su des élus locaux qui ferment pieusement les yeux ou pire !!
    bonne journée

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